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1 avril 2008

Vénus Khoury-Ghata, Anise Koltz, Marie Krysinska

Vénus Khoury-Ghata est une poète libanaise francophone contemporaine.

À Yasmine

Tu es mon point du jour
mon île colorée en bleu
ma clairière odorante

Tu es ma neige volée
mon pétale unique
mon faune apprivoisé

Tu es ma robe de caresses
mon foulard de tendresse
ma ceinture de baisers

Tes cils épis de blé
Tes gestes moulin à vent
et l'on pétrit le rire
Dans la cuve de ta bouche

Tu es mon pain dodu
mon nid

Vénus Khoury-Ghata ("Anthologie personnelle " - Actes Sud, 1999)

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La forêt a peur

Une forêt peureuse
panique à la vue du soir
Tout l'angoisse
les cris des chouettes
leur silence
Le regard froid de la Lune
et l'ombre de son sourcil sur le lac
Le bouleau claque des dents
en se cachant derrière le garde-champêtre
Le frêne s'emmitoufle dans son écorce
et retient sa respiration jusqu'au matin
Le pin essuie sa sueur
et appelle son père le pin parasol
La tête entre les jambes
le saule pleure à chaudes feuilles
et fait déborder le ruisseau
Le roseau qui ne le quitte pas des yeux
L'entend supplier le ver luisant
d'éclairer les ténèbres
Seul le chêne garde sa dignité
à genoux dans son tronc
il prie le dieu de la forêt
de hâter l'arrivée du jour

Vénus Khoury-Ghata ("La voix des arbres" - Le Cherche-midi, 1999)

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La surface d'un automne

La surface d'un automne
est inversement proportionnelle à la hauteur de sa tristesse
le nuage interrogé multiplie sans difficulté le basilic par le safran.

Répète après moi :
la distance entre deux pluies se mesure par arpents de silence
et le périmètre d'un mois est divisible par son rayon de lune.
Cela va de soi.

Vénus Khoury-Ghata ("Quelle est la nuit parmi les nuits" - Mercure de France, 2004)

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Ma mère au tronc creux

Ma mère au tronc creux
Aux mains qui se ramifient dans la terre
Ma mère rapiéçait le feu

Mon père chargé de porter le silence
Était devenu pilier

Et la guerre lâchait ses chevaux à nos portes
La mer dans nos lits hennissait

Il y a pleins d'océans vides à louer ...

Vénus Khoury-Ghata

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Source des textes de Vénus Khoury-Ghata reproduits ci-dessous : http://www.printempsdespoetes.com/

La voie lactée ...

La voie lactée mène à l'école
Les enfants l'empruntent soir et matin
Les tabliers au passage frôlent une étoile dormante
Qui crie dans son sommeil
Et jette des étincelles
La Grande Ourse rêve d'une couette
La Petite Ourse rêve d'un jardin
Et de trèfles à quatre feuilles
Le temps est à la somnolence et à la paresse
L'instituteur dort en marchant
Les élèves sont en papier

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À quoi sert l'école ?
À enfermer entre les mêmes murs livres et enfants

À chaque chose son temps et sa couleur
Dit le peintre
Et il ajoute une aile jaune à l'écureuil
Le cyprès qu'il peint en noir
Fait des grimaces derrière son dos
La vache est très contente
Elle aime le nuage rose dessiné sur son dos
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À quoi sert un nuage ?
À fondre en pluie dés qu'on l'essore de travers

Vénus Khoury-Ghata ("À quoi sert la neige" - Le cherche midi éditeur - Recueil sélectionné pour le prix poésie jeunesse 2010 Lire et Faire Lire)



Anise Koltz est une poète luxembourgeoise née en 1928. Elle a publié plusieurs recueils de poèmes, les premiers en allemand. Ses textes sont souvent très courts. Le thème central, en particulier dans le recueil "Le porteur d'ombre" en est souvent la poésie, l'écriture, le (la) poète et son rapport au monde.

J’avance sans filet

J’avance sans filet
d’une étoile à l’autre
glissant à travers les trous noirs
je saute de lunes en soleils

Je me balance aux bords
de la terre
déjà je ne lui appartiens plus

Parce que ce poème est un mensonge
il a le droit d’être beau

Anise Koltz ("Le porteur d'ombre" - éditions Phi, 2001)

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Le mot change

Le mot change
une fois posé
sur le blanc de la page

La lumière ne l’atteint plus
coupées de leur environnement
les tempêtes tourbillonnent sans lui

Dans le recueil fermé
sa solitude
est sans nom

Anise Koltz ("Le porteur d'ombre" - éditions Phi, 2001)

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Dans ce monde

Dans ce monde
démuni de sens
la langage est notre ultime refuge

C’est lui qui appelle notre présent
à exister

J’appâte le papier
pour qu’il se couche
sous mon écriture

Anise Koltz ("Le porteur d'ombre" - éditions Phi, 2001)

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Couchée dans le désert

Couchée dans le désert
je suis insomniaque
sous des milliards d'étoiles
Etant de la même matière
je commence à émettre de la lumière

Anise Koltz ("Béni soit le serpent" - éditions Phi, 2004)

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J'écris les yeux grand ouverts

J'écris les yeux grand ouverts
souvent je fais fausse route
je me perds dans mon poème
je m'enlise avec ses mots
dans le marécage de l'alphabet

Anise Koltz ("Béni soit le serpent" - éditions Phi, 2004)

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Le mur du son (c'est le titre du recueil dont voici quelques poèmes)


Dépassant le mur du son
je me libère de toute mesure
la voix perd la parole

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Mes poèmes
des fourmilières

parmi les paroles noires
et grouillantes

des reines fécondes
des milliers d'ouvrières sans ailes

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Je t'offre un poème
comme un verre d'eau

Il ne désaltère pas
Il te présente un lac
où tu couleras à pic

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Je n'invente pas le poème
il existe quelque part
dans l'univers
ou pend hors d'un rêve
tel un micro cassé

Anise Koltz ("Le mur du son" - éditions Phi, 1997) - Ce recueil a obtenu le prix Apollinaire en 1998.

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L'ailleurs  des mots (c'est le titre du recueil dont voici quelques poèmes)

Comment supporter
de vivre et de mourir
dans cette boucherie anonyme
où nos membres deviendront
des cierges pour l’éternité

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Les sables dévorent le désert

Je lègue ma carcasse aux rapaces
au vent qui léchera mes os
au soleil qui les croquera

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Pour moi
ma mère a marqué
de pierres blanches
son parcours dans l’au-delà

M’appellera-t-elle
comme jadis
pour me faire rentrer
sous son toit ?

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Des rapaces
je revendique
ailes
serres
becs pointus

Comme eux
je fonce sur ma proie
d’une violence
qui risque de me tuer

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À ma mère

Cachée dans tes entrailles
comme dans une tranchée
j’étais prête à me lancer
dans la bataille

La mort dévalait
derrière nous
tandis que je subissais
la fatigue de ton sang

Tu devenais de plus en plus lente

Mais moi je voulais durer
être éternelle

Anise Koltz ("L'ailleurs des mots" - Éditions Arfuyen, 2007)



Marie Krysinska  (1864-1908).

"Elle devient la seule femme membre actif des cercles littéraires des Zutistes, des « Hirsutes » et des « Jemenfoutistes » qui se réunissaient au cabaret du Chat noir. Elle accompagne au piano les chansons et les poèmes qu'on y déclame. Dès la première année de parution de La Revue du Chat noir, elle y publie ses propres poèmes." (source Wikipédia)

"Marie Krysinska fut peut-être chronologiquement la première à faire publier des vers libres, aux alentours de 1882 et 1883" ... (source : "Naissance du vers libre" - Mémoire de Master I - Université Stendhal (Grenoble III)– Lettres et Arts, présenté par Sabine Garcia en juin 2009)

La gigue

Les Talons
Vont
D’un train d’enfer,
Sur le sable blond,
Les Talons
Vont
D’un train d’enfer
Implacablement
Et rythmiquement,
Avec une méthode d’enfer,
Les Talons
Vont.

Cependant le corps,
Sans nul désarroi,
Se tient tout droit,
Comme appréhendé au collet
Par les
Recors
La danseuse exhibe ses bas noirs
Sur des jambes dures
Comme du bois.

Mais le visage reste coi
Et l’oeil vert,
Comme les bois,
Ne trahit nul émoi.

Puis d’un coup sec
Comme du bois,
Le danseur, la danseuse
Retombent droits
D’un parfait accord,
Les bras le long
Du corps.

Et dans une attitude aussi sereine
Que si l’on portait
La santé
De la Reine.

Mais de nouveau
Les Talons
Vont
D’un train d’enfer
Sur le plancher clair.

Marie Krysinska ("Rythmes pittoresques" - Alphonse Lemerre, 1890)

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Villanelle

                   À E. Mesplés

Vous êtes la grâce jeune des matins
Et le clair rire des flûtes pastorales
Roses fleuries !
Mais le charme des tristesses très chères est en vous
Et, notes de clavecins, s’évanouissent vos pétales
Roses fanées !
Vous êtes revêtues des robes d’aurore
Et, des tendres nuées d’Avril s’illuminent vos seins
Roses fleuries !
L’or mélancolique des couchants d’Automne
A mis sa beauté dans vos cœurs mourants
Roses fanées !
Vos parfums sont l’ivresse neuve des étreintes
L’allégresse de vivre et l’extatique encens
Roses fleuries !
Mais, dans les Urnes pieuses de vos défunts calices
Repose l’immortel arôme du Souvenir
Roses fanées !

Marie Krysinska ("Rythmes pittoresques" - Alphonse Lemerre, 1890)

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Reprise (sonnet renversé)

Restons ainsi, ne disons rien,
La main seulement liée à la main
D’une faible étreinte attendrie.
Entends ces vagues de mélancolie,
Les douleurs souffertes, se briser
Dans nos coeurs d’un baiser.
Je ne veux de toi ni serments, ni même
Que tu me dises si tu m’aimes ;
Ne me demande pas, non plus — ce serait mal —
Où mon coeur tenta d’apaiser son mal !
Goûtons cette minute éperdue,
Grisés, comme d’un vin vermeil,
De nos pleurs pareils à la neige fondue
Par le Soleil.

Marie Krysinska ("Nouveaux Rythmes pittoresques", Chansons - Alphonse Lemerre, 1894)

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Devant le miroir

Cette grave entrevue
Est fertile en émois,
L’image, pourtant connue,
Surprend toujours ; — est-ce bien soi
Cette soudaine apparue ?
Et les petites mines d’aller
Pour calmer l’inquiétude qui vient
De n’être pas — il se peut — aussi bien
Que l’on voudrait ;
Mais, bientôt, une distribution de récompenses
Généreuses, commence.
Les cheveux ? ah ! les cheveux, parfait !
Surtout de profil ; on dirait
De telle peinture d’artiste admiré ;
Puis on retrouve à des détails menus,
Le souvenir du même visage des jours révolus
Des jours enfantins si vite — en somme — disparus.
Et l’on songe à cet autre miroir enchanté
Si impressionnant pour nos jeunes coeurs :
L’eau de l’étang que l’on croyait
Un morceau de ciel tombé
Où poussaient aussi des herbes et des fleurs.

Marie Krysinska ("Nouveaux Rythmes pittoresques", Chansons - Alphonse Lemerre, 1894) 

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Le sabbat

                       À Jean Lorain

Par la clairière,
Blême de lumière
De lune,
La folle ronde
Tournoie et gronde —
Comme la rafale
Chevauchant la pâle
Lagune.
C’est la gaieté — combien morose ! —
C’est la peur et la soif de l’oubli guérisseur,
De l’oubli destructeur
De toute chose,
Qui enlace : riant et criant,
Ces pauvres êtres en proie
À la pire joie ;
Et fait ces fulgurantes étreintes d’amour —
Sans Amour.
Mais, de cette ivresse, triste comme la Mort,
Où les vivants damnés veulent fuir la Vie
— Ses deuils, ses crève-coeur, ses crimes, ses remords —
D’autres êtres vont naître — et l’odieuse Vie
Germera triomphante en ces baisers de Mort.
Par la clairière,
Blême de lumière
De lune,
La folle ronde
Tournoie et gronde ...

Marie Krysinska ("Nouveaux Rythmes pittoresques", Chansons - Alphonse Lemerre, 1894)

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Marion

                       À Steinlen

Marion cueille des fleurs dans les prés
Et les fleurs la voyant si belle
— C’est notre soeur — disent-elles ;
Ah ! Ah !
Marion va promener au bois
Et les oiseaux l’entendant chanter
Se taisent pour l’écouter ;
Ah ! Ah !
Marion rencontre un chevalier
Qui prend son coeur tout entier
Et puis s’en va.
Ah ! Ah !
Maintenant le joli bois est muet
Et se fanent les fleurs dans les prés
À voir Marion pleurer.
Ah ! Ah !

Marie Krysinska ("Nouveaux Rythmes pittoresques", Chansons - Alphonse Lemerre, 1894)



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1 avril 2008

PP 09 : L'humour de GÉO NORGE

- Géo Norge -

Géo Norge (1898-1990), qui signe la plupart du temps "Norge" tout court, est un poète belge.

Zoziaux

Amez bin li tortorelle,
Ce sont di zoziaux
Qui rocoulent por l’orelle
Di ronrons si biaux.

Tout zoulis de la purnelle,
Ce sont di zoziaux
Amoreux du bec, de l’aile,
Du flanc, du mousiau.

Rouketou, rouketoukou
Tourtourou torelle
Amez bin li roucoulou
De la tortorelle.

On dirou quand on l’ascoute
Au soleil d’aoûte
Que le bonhor, que l’amor
Vont dorer tozor.

Géo Norge ("La Langue verte", Œuvres poétiques - Seghers, 1978)

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Monsieur
      
Je vous dis de m’aider,
Monsieur est lourd.
Je vous dis de crier,
Monsieur est sourd.
Je vous dis d’expliquer,
Monsieur est bête.
Je vous dis d’embarquer,
Monsieur regrette.
Je vous dis de l’aimer,
Monsieur est vieux.
Je vous dis de prier,
Monsieur est Dieu.
Éteignez la lumière,
Monsieur s’endort.
Je vous dis de vous taire,
Monsieur est mort.

Géo Norge ("Famines", Œuvres poétiques - Seghers, 1978)

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Oubli

Il y pensa beaucoup.
Puis il y pensa moins
Il y pensa très peu.
Puis il n'y pensa plus.

Il trouva même très drôle
d'y avoir tant pensé.
Puis ne pensa plus même
qu'il y pensa jamais.

Géo Norge ("Eux les anges" - éditions Flammarion, 1978)

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Avertissement : "Totaux" est présenté ici en version intégrale.  En version scolaire, les deux vers en italique couleur sont absents :

Totaux

Ton temps têtu te tatoue
T’as-ti tout tu de tes doutes ?
T’as-ti tout dû de tes dettes ?
T’as-ti tout dit de tes dates ?
T’a-t-on tant ôté ta teinte ?
T’a-t-on donc dompté ton ton ?
T’as-ti tâté tout téton ?
T’as-ti tenté tout tutu ?

T’es-ti tant ? T’es-ti titan ?
T’es-ti toi dans tes totaux ?
Tatata,tu tus ton tout.

Géo Norge ("La Langue Verte" - éditions Gallimard, 1954)
Irrésistible ! Ecoutez ici trois interprétations de ce texte, qu'a diffusées la RTBF (Radio belge) :
http://www.vousprendrezbienunvers.be/actions/radio.html

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La Faune

    Et toi, que manges-tu, grouillant ?
— Je mange le velu qui digère
le pulpeux qui ronge le rampant.

Et toi, rampant, que manges-tu ?
— Je dévore le trottinant qui bâfre
l’ailé qui croque le flottant.

Et toi, flottant, que manges-tu ?
— J’engloutis le vulveux qui suce le ventru
qui mâche le sautillant.

Et toi sautillant que manges-tu ?
— Je happe le gazouillant qui gobe
le bigarré qui égorge le galopant.

Est-il bon, chers mangeurs, est-il
bon, le goût du sang ?
— Doux, doux ! tu ne sauras jamais
comme il est doux, herbivore !

Géo Norge ("Famines" - éditions Stols, 1950)

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On peut se tromper

— Tiens… c'est une girafe
Et j'ai cru si longtemps que c'était un pommier.
— Alors ces pommes que j'aimais tant ?
— C'était de la crotte, Aristide.
— De la crotte ! Alors j'aimais de la crotte ?
— Mais oui, Aristide, on peut se tromper…
Et le principal c'est d'aimer.

Géo Norge ("Cerveaux brûlés" - éditions Flammarion, 1969)

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Chant du merle 


La roue en avait assez
De trimballer la charrette.
Le poivre en avait assez
D'assaisonner la blanquette.
Assez que l'eau chaude avait
De cuire à point les navets,
Le feu d'exciter l'eau chaude,
Le four d'enfler la farine
Et le poète ses odes.
La rose était écœurée
De caresser les narines.
Un dormant raz de marée
Couvrit toute la machine.
Assez ! assez, plus qu'assez
Geignaient mille pots cassés.
Le cœur lui-même était las,
Oh ! las de voler si bas.
Tout dormait, dorma, dormut
Dans les vieux pays fourbus.
Et tout dormirait encore,
Tout dormirait à jamais,
Si, tout à coup dans l'aurore
D'un joli mai qui germait,
Perlant, fusant à la ronde,
Le chant d'un merle jeunet
N'avait réveillé le monde.

Géo Norge ("La Belle Saison" - éditions Flammarion, 1993)

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SI...Si

    Avec des si, on verrait picorer les vaches, on verrait brouter les poules. Les cochons butineraient
et l'on ferait du boudin d'abeille. D'ailleurs la gauche serait la droite et personne n'en saurait rien.
Le monde est toujourts naturel.

Géo Norge ("Mirlitons"- éditions de L'École des loisirs, 1978)

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1 avril 2008

Louise Labé, Marie Laurencin

Louise Labé (1524-1566) est sans doute la plus importante des poètes de son époque. 

Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie

Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie ;
J'ai chaud extrême en endurant froidure :
La vie m'est et trop molle et trop dure.
J'ai grands ennuis entremêlés de joie.

Tout à un coup je ris et je larmoie,
Et en plaisir maint grief tourment j'endure ;
Mon bien s'en va, et à jamais il dure ;
Tout en un coup je sèche et je verdoie.

Ainsi Amour inconstamment me mène ;
Et, quand je pense avoir plus de douleur,
Sans y penser je me trouve hors de peine.

Puis, quand je crois ma joie être certaine,
Et être au haut de mon désiré heur,
Il me remet en mon premier malheur.

Louise Labé ("Sonnets")

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Luisant Soleil, que tu es bienheureux

Luisant Soleil, que tu es bienheureux
De voir toujours de t'Amie la face !
Et toi, sa soeur, qu'Endymion embrasse,
Tant te repais de miel amoureux !

Mars voit Vénus ; Mercure aventureux
De Ciel en Ciel, de lieu en lieu se glace ;
Et Jupiter remarque en mainte place
Ses premiers ans plus gais et chaleureux.

Voilà du Ciel la puissante harmonie,
Qui les esprits divins ensemble lie ;
Mais, s'ils avaient ce qu'ils aiment lointain,

Leur harmonie et ordre irrévocable
Se tournerait en erreur variable,
Et comme moi travailleraient en vain.

Louise Labé ("Sonnets")

 



Marie Laurencin  (1883-1956) , peintre certes, mais également poète sous le pseudonyme de Louis Lalanne, et muse de Guillaume Apollinaire ... 

Le calmant

Plus qu'ennuyée
Triste.
Plus que triste
Malheureuse.
Plus que malheureuse
Souffrante.
Plus que souffrante
Abandonnée.
Plus qu'abandonnée
Seule au monde.
Plus que seule au monde
Exilée.
Plus qu'exilée
Morte.
Plus que morte
Oubliée.

Marie Laurencin ("Poèmes" - Bernouard éditeur, 1926)

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Le présent

Si tu veux je te donnerai
Mon matin, mon matin gai
Avec tous mes clairs cheveux
Que tu aimes ;
Mes yeux verts
Et dorés
Si tu veux,
Je te donnerai tout le bruit
Qui se fait
Quand le matin s'éveille
Au soleil
Et l'eau qui coule
Dans la fontaine
Tout auprès !
Et puis encor le soir qui viendra vite
Le soir de mon âme triste
À pleurer
Et mes mains toutes petites
Avec mon coeur qu'il faudra près du tien
Garder.

Marie Laurencin ("Poèmes" - Bernouard éditeur, 1926)



1 avril 2008

PP 09 : l'humour de RENÉ DE OBALDIA

- René de Obaldia -

René de Obaldia est né en 1918. Auteur de théâtre (Le Satyre de la Villette, Le Banquet des méduses, Du vent dans les branches de sassafras ...) et de romans (Tamerlan des coeurs, Le centenaire), il est membre de l'Académie française depuis 1999.

Déjà présentes dans d'autres catégories du blog, revoici pour l'humour du Printemps des Poètes 2009, quelques textes choisis de René de Obaldia.

livre_innocentines"Innocentines" (1969 - collection "Les cahiers rouges" - Grasset) est un de ses quatre recueils de poésies. Du bonheur pour 8 euros, vraiment un livre de poésie à se procurer. (Photo : Lieucommun)

Le sous-titre annonce : "Poèmes pour les enfants et quelques adultes".
René de Obaldia y prend avec le langage et les situations, toutes les libertés, privant ainsi (pour notre plaisir quand même), les élèves de l'accès à la plupart des textes.

On retrouvera certains poèmes dans d'autres catégories pour la classe.

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Dimanche

Charlotte
fait de la compote

Bertrand
suce des harengs

Cunégonde
se teint en blonde

Épaminondas
cire ses godasses

Thérèse
souffle sur la braise

Léon
peint des potirons

Brigitte
s'agite, s'agite

Adhémar
dit qu'il en a marre

La pendule
fabrique des virgules

Et moi dans tout cha ?
Et moi dans tout cha ?
Moi, ze ne bouze pas
Sur ma langue z'ai un chat

René de Obaldia

logo_cr_ation_po_tique Poèmes à la manière de "Dimanche" 

Document autour de ce texte, avec commentaires et exploitation ici à cette adresse :
http://www.gommeetgribouillages.fr/CP/Dimanche.pdf
(copier-coller dans votre navigateur, le lien s'ouvrira avec Acrobat Reader - fichier protégé en copie).
 

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Moi j'irai dans la lune

Moi, j'irai dans la lune
Avec des petits pois,
Quelques mots de fortune
Et Blanquette, mon oie.

Nous dormirons là-haut
Un p'tit peu de guingois
Au grand pays du froid
Où l'on voit des bateaux
Retenus par le dos.

Bateaux de brise-bise
Dont les ailes sont prises
Dans de vastes banquises
Et des messieurs sans os
Remontent des phonos.

Blanquette sur mon coeur
M'avertira de l'heure :
Elle mange des pois
Tous les premiers du mois.

Elle claque du bec
Tous les minuits moins sept.
...
Pas besoin de fusée
Ni de toute une armée,
Je monte sur Blanquette
Hop ! on est arrivé.

René de Obaldia

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J’ai trempé mon doigt dans la confiture  

J’ai trempé mon doigt dans la confiture
turelure
Ça sentait les abeilles
Ça sentait les groseilles
Ça sentait le soleil
J’ai trempé mon doigt dans la confiture
Puis je l’ai sucé
Comme on suce les joues de bonne grand-maman
Qui n’a plus mal aux dents
Et qui parle de fées...
Puis je l’ai sucé
Sucé
Mais tellement sucé
Que je l’ai avalé

René de Obaldia

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Le texte suivant (en version réduite) est aussi pour la classe :

Chez moi (extrait)

Chez moi, dit la petite fille
On élève un éléphant.
Le dimanche son oeil brille
Quand Papa le peint en blanc.

Chez moi, dit le petit garçon
On élève une tortue.
Elle chante des chansons
En latin et en laitue.

Chez moi, dit la petite fille
Notre vaisselle est en or,
Quand on mange des lentilles
On croit manger un trésor.

Chez moi, dit le petit garçon
Vit un empereur chinois.
Il dort sur le paillasson
Aussi bien qu’un Iroquois.

Iroquois ! dit la petite fille.
Tu veux te moquer de moi.
Si je trouve mon aiguille,
Je vais te piquer le doigt !

René de Obaldia (Innocentines")

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En voici la version intégrale, pour les grands enfants :

Chez moi

Chez moi, dit la petite fille
On élève un éléphant.
Le dimanche son œil brille
Quand papa le peint en blanc

Chez moi, dit le petit garçon
On élève une tortue.
Elle chante des chansons
En latin et en laitue.

Chez moi, dit la petite fille
Notre vaisselle est en or.
Quand on mange des lentilles
On croit manger un trésor.

Chez moi, dit le petit garçon
Nous avons une soupière
Qui vient tout droit de Soissons
Quand Clovis était notaire.

Chez moi, dit la petite fille
Ma grand-mère a cent mille ans.
Elle joue encore aux billes
Tout en se curant les dents.

Chez moi, dit le petit garçon
Mon grand-père a une barbe
Pleine pleine de pinsons
Qui empeste la rhubarbe.

Chez moi, dit la petite fille
Il y a trois cheminées
Et lorsque le feu pétille
On a chaud de trois côtés.

Chez moi, dit le petit garçon
Passe un train tous les minuits.
Au réveil mon caleçon
Est tout barbouillé de suie.

Chez moi, dit la petite fille
Le pape vient se confesser.
Il boit de la camomille
Une fois qu’on l’a fessé.

Chez moi, dit le petit garçon
Vit un Empereur chinois.
Il dort sur un paillasson
Aussi bien qu’un Iroquois.

Iroquois ! dit la petite fille
Tu veux te moquer de moi !
Si je trouve mon aiguille
Je vais te piquer le doigt !

Ce que c’est d’être une fille !
Répond le petit garçon.
Tu es bête comme une anguille
Bête comme un saucisson.

C’est moi qu’ai pris la Bastille
Quand t’étais dans les oignons.
Mais à une telle quille
Je n’en dirai pas plus long !

René de Obaldia (Innocentines")

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Celui-ci, plus difficile, est très représentatif du recueil "Les Innocentines" :

Le plus beau vers de la langue française

« Le geai gélatineux geignait dans le jasmin »
Voici, mes zinfints
Sans en avoir l’air
Le plus beau vers
De la langue française.
Ai, eu, ai, in
Le geai gélatineux geignait dans le jasmin…
Le poite aurait pu dire
Tout à son aise :
« Le geai volumineux picorait des pois fins »
Eh bien ! non, mes infints
Le poite qui a du génie
Jusque dans son délire
D’une main moite
A écrit :
« C’était l’heure divine où, sous le ciel gamin,
LE GEAI GÉLATINEUX GEIGNAIT DANS LE JASMIN. »

Gé, gé, gé, les gé expirent dans le ji.
Là, le geai est agi
Par le génie du poite
Du poite qui s’identifie
À l’oiseau sorti de son nid
Sorti de sa ouate.
Quel galop !
Quel train dans le soupir !
Quel élan souterrain!
Quand vous serez grinds
Mes zinfints
Et que vous aurez une petite amie anglaise
Vous pourrez murmurer
À son oreille dénaturée
Ce vers, le plus beau de la langue française
Et qui vient tout droit du gallo-romain:
« Le geai gélatineux geignait dans le jasmin. »
Admirez comme
Voyelles et consonnes sont étroitement liées
Les zunes zappuyant les zuns de leurs zailes.
Admirez aussi, mes zinfints,
Ces gé à vif,
Ces gé sans fin

René de Obaldia ("Innocentines")

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Celui-ci, plutôt direct, également :

Manège

Les chevaux de bois sont pas tous en bois
Les petits cochons vont pas tous en rond.

La dernière fois
Le cheval de bois
Que j'avais monté
Voulait m'renverser.
J'ai pris son oreille
Je lui ai mordu
Le sang de l'oreille
Je lui ai tout bu.
Alors il m'a dit :
"Pourquoi tu m'fais mal ?
Je n'suis qu'un cheval
Tu n'es pas gentil."
Et il m'a promis
Que quand je voudrais
Il m'emporterait
Jusqu'au Paradis !

Le petit cochon
Aux yeux de mouton
Que j'avais monté
Un beau jour d'été
Voulait s'échapper
Des autres cochons.
Il courait si vite
Qu'il faillit me tuer,
Ça sentait les frites
De tous les côtés !
Mais j'tirai si fort
Sur sa queue en or
Qu'elle me resta
Entre les dix doigts.
Je l'ai rapportée
L'soir à la maison,
Ça sert aux dîners
Comme tir'bouchon.

Les chevaux de bois sont pas tous en bois
Les petits cochons vont pas tous en rond.

René de Obaldia ("Innocentines")

Quelques autres titres de textes, pour vous donner envie  :
"Une dame très très morte", "Yous pique angliche", "Le col du fémur", "Berceuse de l'enfant qui ne veut pas grandir", "Ouiquenne", "Julot-Mandibule", "Antoinette et moi" ... il y a en tout soixante-dix textes, ça fait quoi ... à peine 10 centimes d'euro le poème, et on a quoi sinon, pour 10 centimes d'euro ?

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1 avril 2008

Madeleine Le Floch

Madeleine Le Floch est une auteure contemporaine, qui a publié en 1975 "Petits contes verts pour le printemps et pour l'hiver". Un recueil dans lequel elle joue avec les différents sens, les à-peu-près et les homonymies du vert, pour l'écriture de (quand même !) soixante-treize petits poèmes. En voici un échantillon :

Vers exclusif *

La mer
en s'en allant
écrivait sur le sable
un poème

que le vent
jaloux
effaçait.

Madeleine Le Floch ("Petits contes verts pour le printemps et pour l'hiver" - Éditions Saint-Germain-des-Prés, 1975)

* Dans le recueil, ce texte porte le titre "Vert exclusif". Puisqu'il s'agit d'un poème que la mer écrit jalousement, est-ce une faute de frappe, ou faut-il titrer "Vers exclusifs" ?

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Oiseau vert

Il était une fois
un oiseau
que l'on avait
enfermé
dans une cage.

Du matin au soir
il criait :
que je suis malheureux !
Ah! que je suis donc
malheureux !

Comme il chante bien
disait la petite fille.

Madeleine Le Floch ("Petits contes verts pour le printemps et pour l'hiver" - Éditions Saint-Germain-des-Prés, 1975)

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Ver de mer

Un poisson connaissait par cœur
les noms de tous les autres poissons.
Il connaissait les algues, les courants,
les sédiments, les coquillages.
C’était un érudit.
Il exigeait d’ailleurs qu’on l’appelât «maître » !
Il savait tout de la mer
Mais il ignorait tout de l’homme.
Et un jour il se laissa prendre au bout
d’un tout petit hameçon.

Madeleine Le Floch ("Petits contes verts pour le printemps et pour l'hiver" - Éditions Saint-Germain-des-Prés, 1975)

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Vert de lune

Une idée fixe
un soir de carnaval
se déguisa en cerf-
volant
et se laissa
monter
jusqu'à la lune
où elle germa.

Quand vous irez sur
la lune
si vous rencontrez un cerf-
volant
ou une fleur
qui a l'air de venir
d'ailleurs
méfiez-vous!

C'est peut-être
une idée fixe
qui cherche
à redescendre.

Madeleine Le Floch ("Petits contes verts pour le printemps et pour l'hiver" - Éditions Saint-Germain-des-Prés, 1975)

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Deux poèmes sous  forme de calligrammes :

Haricot vert

L
e

ha
ri
cot
vert
était
très
comp
lexé
dep
uis
que
sa
li
gn
e
n’
ét
ai
t
pl
us
à
l
a
m
o
d
e

Madeleine Le Floch ("Petits contes verts pour le printemps et pour l'hiver" - Éditions Saint-Germain-des-Prés, 1975)

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Vertige ("vert-tige", vous aviez deviné)

calligramme_la_fleur

Madeleine Le Floch ("Petits contes verts pour le printemps et pour l'hiver" - Éditions Saint-Germain-des-Prés, 1975)



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1 avril 2008

Madeleine Ley

Madeleine Ley (1901-1981) est une romancière et poète belge.

La girafe

Je voudrais une girafe
Aussi haute que la maison
Avec deux petites cornes
Et des sabots bien cirés
Je voudrais une girafe
Pour entrer sans escalier
Par la lucarne du grenier.

Madeleine Ley ("60 poésies 60 comptines" - éditions Le Centurion)

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En rêve j'ai trouvé

En rêve j'ai trouvé
(Le joli, joli rêve !)
en rêve j'ai trouvé
la clochette enchantée
qui dit la vérité.

En rêve j'ai trouvé
(Était-ce bien un rêve ?)
en rêve j'ai trouvé
les miettes semées par le Petit Poucet !

En rêve j'ai trouvé
(L'étrange, étrange rêve !)
en rêve j'ai trouvé
la citrouille si grosse
qui se change en carosse !

Dans mon plus joli rêve,
au pied d'un blanc perron,
j'ai trouvé, Cendrillon,
ta pantoufle de verre ...

(Madeleine Ley ("Petites voix" - Éditions Stock, 1930)

fille_verte_cr_ation__PP10Des exemples de création poétique en CE1 à la manière de Madeleine Ley :
http://www.ac-nancy-metz.fr/petitspoetes/HTML/SALLESDEJEUX/JEURIME.html

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L’araignée

Araignée grise
Araignée d’argent
Ton échelle exquise
Tremble dans le vent.
Toile d’araignée
Émerveillement
Lourde de rosée
Dans le matin blanc !
Ouvrage subtil
Qui frissonne et ploie
Ô maison de fil
Escalier de soie.
Araignée grise
Araignée d’argent
Ton échelle exquise
Tremble dans le vent.

Madeleine Ley ("Petites voix" - Éditions Stock, 1930)

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Grand-père

Dans la chambre du grand-père
il y avait un coquillage
qui soupirait et chantait
comme le vent et la mer.

Dans la chambre du grand-père
il y avait un petit coffre
en bois luisant jaune clair,
qu’il rapporta de ses voyages
Et que lui seul savait ouvrir.

Il y avait deux Japonais
en ivoire, sous un globe ;
et tout au fond d’un tiroir,
dans son écrin de velours vert,
bijou poli par les vagues,
la pipe en écume de mer !

Madeleine Ley



1 avril 2008

Claude Maillard, Gabrielle Marquet

Claude Maillard est une auteure contemporaine de poésies et de romans.

Calvaire

avec mes cinq doigts
trempés dans le whisky
avec mon mouchoir que je déchire
avec mes cris hurlés à tue-tête
avec mes larmes
avec le briquet que je jette par la fenêtre
et le crayon rouge que je casse en deux
je te cloue
et tu oses encore vivre

Claude Maillard ("ventre amer" - éditions  Librairie Saint-Germain-des-Prés, 1972)



Gabrielle Marquet, romancière et poète, est née en 1923.

Le sentier

Jamais le sentier
qu'inscrit au sol
l'homme qui marche
n'est droit.

D'instinct
sans qu'il en décide
il le trace ondulé
souple comme la pensée
les caresses.

Gabrielle Marquet

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Fantaisie

Lorsque livres et journaux
eurent dévoré des forêts,
on n'imprima plus.

Un poète un peu fou
proposa de planter
le contenu des bibliothèques.

Peut-être - va savoir
en ressurgirait-il quelques arbres ?

Cela marcha.

On attribua ces années-là
le Goncourt à un chêne,
le Fémina à un tilleul
et le Renaudot à un hêtre.

Gabrielle Marquet (source : http://supervielle.univers.free.fr)

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Les cailloux

Les cailloux ont tout vu
Tout su.

Ils ont cent millions d'années.

Il y en a qui possèdent au ventre
une goutte de cataclysme.

En les hochant on peut l'entendre
prisonnière et tranquillisée.

Et puis après ?
dit l'éphémère
follement vivante
et fragile et fleur
et vertige
pour une journée.

Gabrielle Marquet (source : http://kabelle-roy.over-blog.com)



1 avril 2008

Jeanne Marvig, Lise Mathieu, Louise Michel, Janine Mitaud, Jeanine Moulin

Jeanne Marvig (1882-1956*) est une romancière et poète française, née en haute-Garonne. * merci à la lectrice qui nous a permis de corriger la date de sa disparition.

Le petit lapin

Dans le pré qui vers l'eau dévale,
Un lapin sauvage détale.
Un saut bref, un rapide élan,
Et montrant son panache blanc,
Il fuit vers la forêt prochaine.
Une touffe de marjolaine
L'arrête un peu. Faisant le guet,
Il entr'ouvre un œil inquiet,
Et, seule, son oreille bouge !
Un bond brusque dans le foin rouge,
Et, n'entendant plus aucun bruit,
Le nez au vent, humant la nuit
Où déjà la lune se lève,
Assis sur son derrière, il rêve.

Jeanne Marvig (voir plus bas les références)

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Le ruisseau

Ce n'est qu'un tout petit ruisseau,
Un peu d'eau vive qui glougloute,
Une vasque fut son berceau,
On ne le voit pas, on l'écoute.

Il a des façons de gamin
Pour sautiller de pierre en pierre,
On y puise au creux de la main
En écartant un brin de lierre.

Il a des franges de roseaux
Sur ses bords fleuris de pervenches
Et des aulnes où les oiseaux
Font du trapèze sur les branches.

Si, dans son lit, le vent brutal
Penche un brin d'osier qui le borde,
Le petit ruisseau de cristal
S'amuse à sauter à la corde.
   
Puis sous les aulnes chevelus,
Caressant le cresson et l'ache,
Il s'enfonce...On ne l'entend plus...
Sans doute il joue à cache-cache.
   
Petit ruisseau, je voudrais bien,
Moi qui suis un rêve qui passe,
Que dans mon cœur ainsi qu'au tien
Se mirent le ciel et l'espace !

Jeanne Marvig ("Le jardin d'Isabélou", édité par l'auteure, 1947) et dans l'anthologie d'Armand Got * et de Charles Vildrac , "La Poèmeraie", Armand-Colin, 1963) - * aussi dans la précédente anthologie d'Armand Got : "La Poèmeraie", première partie, La Souris verte" (Librairie Gedalge, 1928)



1 avril 2008

Marguerite de Navarre

Marguerite de Navarre (1492-1549). Elle est la soeur du roi François 1er et la mère du futur Henri IV.

 

J'aime une amie entièrement parfaite ...

J'aime une amie entièrement parfaite,
Tant que j'en sens satisfait mon désir.
Nature l'a, quant à la beauté, faite
Pour à tout oeil donner parfait plaisir ;
Grâce y a fait son chef d'oeuvre à loisir,
Et les vertus y ont mis leur pouvoir,
Tant que l'ouïr, la hanter et la voir
Sont soeurs témoins de sa perfection :
Un mal y a, c'est qu'elle peut avoir
En corps parfait coeur sans affection.

Marguerite de Navarre

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Le temps est bref et ma volonté grande ...

Le temps est bref et ma volonté grande,
Qui ne me veut permettre le penser ;
Ma passion me contraint et commande,
Selon le temps, le parler compenser.
Jusques ici j'ai craint de m'avancer,
En attendant un temps de long loisir,
Mais il n'est pas en moi de le choisir ;
Par quoi du peu faut que mon profit fasse :
En peu de mots vous dirai mon désir,
C'est que je n'ai volonté ni plaisir
Que d'être sûr de votre bonne grâce.

Marguerite de Navarre



1 avril 2008

PP 09 - L'humour de LOUISA PAULIN

- Louisa Paulin -

Louisa Paulin (1888-1944) a vécu dans le Tarn (naissance à Réalmont), où elle a été institutrice. Elle écrit ses poèmes d'abord uniquement en français, puis en français et en occitan.
“Je me suis mise à la langue d'Oc par repentir d'avoir si longtemps ignoré mon pays et peut-être de l'avoir un peu méprisé”. Un texte se trouve rangé dans la catégorie
 POÉSIES PAR THÈME : le calendrier, Noël, le nouvel an ...

D'autres textes, dans les deux langues sont rangés ici : éloge de l'autre, page 5

Cette "Chanson de mariage" a été mise en musique par Henri Rys. On la trouve souvent sans les troisième et quatrième couplets :

Chanson de mariage

La pie veut se marier,
C'est pour rire, c'est pour rire,
La pie veut se marier,
C'est pour rire et pour pleurer.

Elle épousera le geai,
C'est pour rire, c'est pour rire,
Elle épousera le geai,
C'est pour rire et s'amuser.

C'est un fort joli garçon,
C'est pour rire, c'est pour rire,
C'est un fort joli garçon,
C'est pour rire sans façon.

Il a un bel habit bleu,
C'est pour rire, c'est pour rire,
Il a un bel habit bleu,
C'est pour rire quand on peut.

La pie est folle du geai,
C'est pour rire, c'est pour rire,
La pie est folle du geai,
C'est pour rire et pour chanter.

Quand ils se sont fiancés,
C'est pour rire, c'est pour rire,
Quand ils se sont fiancés,
On a ri, chanté, dansé.

Le jour ils se sont griffés,
C'est pour rire, c'est pour rire,
Le jour ils se sont griffés,
Ce n'est que pour commencer.

Demain ils s'épouseront,
C'est pour rire, c'est pour rire,
Demain ils s'épouseront,
Et le soir ils se battront.

La pie veut se marier,
C'est pour rire, c'est pour rire,
La pie veut se marier,
C'est pour rire et pour pleurer.

Louisa Paulin (dans l'anthologie d'Armand Got "Pin Pon d'or" - éditions Colin-Bourrelier, 1972)

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Tout comme celle-ci, dont on fera peut-être l'économie du dernier couplet :

Chanson pour rire

Le Rat, la Rate sont partis
Quel beau voyage !
Le Rat, la Rate sont partis
Pour voir Paris.

Ils sont partis en avion
Quel beau voyage !
Ils sont partis en avion
avec Raton.

En arrivant se sont assis
Quel beau voyage !
En arrivant se sont assis
Pour voir Paris.

Sur Notre-Dame de Paris
Quel beau voyage !
Sur Notre-Dame de Paris
Quel beau pays !

Ils ont mangé la Tour Eiffel
Quel beau voyage !
Ils ont mangé la Tour Eiffel
Au caramel.

Ils reviendront tous par sans-fil
Quel beau voyage !
Ils reviendront tous par sans-fil
Ainsi soit-il !

Louisa Paulin (dans l'anthologie d'Armand Got "Pin Pon d'or" - éditions Colin-Bourrelier, 1972)

logo_cr_ation_po_tique Une chansonnette à la manière de Louisa Paulin

Des classes se sont amusées ici à créer des comptines chantées à la manière de ces deux chansons de Louisa Paulin. A vous de voir si...
En maternelle : http://www.perigord.com/asso/asco/pages/ecoles.htm
En Cycle 3 (CM) : http://www.ac-nancy-metz.fr/ia88/Lubine/chansons_pour_rire.htm

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