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1 août 2007

L'hiver de Théophile Gautier

Théophile Gautier (1811-1872) est un écrivain et un poète, également critique d'art reconnu.
Plus peut-être que ses poèmes, on connaît ses romans classiques pour la jeunesse, régulièrement réédités et parfois adaptés au cinéma : Le Capitaine Fracasse, Le Roman de la momie.

Décembre (titre proposé, ce passage est extrait du long poème "Intérieurs")

Un brouillard épais noie
L'horizon où tournoie
Un nuage blafard,
Et le soleil s'efface,
Pâle comme la face
D'une vieille sans fard.
La haute cheminée,
Sombre et chaperonnée
D'un tourbillon fumeux,
Comme un mât de navire,
De sa pointe déchire
Le bord du ciel brumeux.
Sur un ton monotone
La bise hurle et tonne
Dans le corridor noir :
C'est l'hiver, c'est décembre,
Il faut garder la chambre
Du matin jusqu'au soir.
Les fleurs de la gelée
Sur la vitre étoilée
Courent en rameaux blancs,
Et mon chat qui grelotte,
Se ramasse en pelote
Près des tisons croulants.

Théophile Gautier (recueil "Intérieurs" dans "Premières Poésies, Albertus, La Comédie de la Mort, Les Intérieurs et les paysages" , 1845)


Fantaisies d’hiver (extrait : strophes I et II sur les 5 strophes de ce poème)

I

Le nez rouge, la face blême,
Sur un pupitre de glaçons,
L’hiver exécute son thème
Dans le quatuor des saisons.

Il chante d’une voix peu sûre
Des airs vieillots et chevrotants ;
Son pied glacé bat la mesure
Et la semelle en même temps ;

Et comme Haendel, dont la perruque
Perdait sa farine en tremblant,
Il fait envoler de sa nuque
La neige qui la poudre à blanc.

II

Dans le bassin des Tuileries,
Le cygne s’est pris en nageant,
Et les arbres, comme aux féeries,
Sont en filigrane d’argent.

Les vases ont des fleurs de givre,
Sous la charmille aux blancs réseaux ;
Et sur la neige on voit se suivre
Les pas étoilés des oiseaux.

(...)

Théophile Gautier ("Émaux et camées")


Cette dernière feuille pour l'hiver :

La dernière feuille

Dans la forêt chauve et rouillée
Il ne reste plus au rameau
Qu'une pauvre feuille oubliée,
Rien qu'une feuille et qu'un oiseau.

Il ne reste plus en mon âme
Qu'un seul amour pour y chanter,
Mais le vent d'automne, qui brame
Ne permet pas de l'écouter ;

L'oiseau s'en va, la feuille tombe,
L'amour s'éteint, car c'est l'hiver.
Petit oiseau, viens sur ma tombe
Chanter, quand l'arbre sera vert !

Théophile Gautier ("Poésies")


La bonne soirée

Quel temps de chien ! - il pleut, il neige ;
Les cochers, transis sur leur siège,
Ont le nez bleu.
Par ce vilain soir de décembre,
Qu'il ferait bon garder la chambre,
Devant son feu !
...

On n'entend rien dans le silence
Que le pendule qui balance
Son disque d'or,
Et que le vent qui pleure et rôde,
Parcourant, pour entrer en fraude,
Le corridor.

Théophile Gautier ("Émaux et camées", 1852)


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