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1 mars 2008

René-Guy CADOU - le féminin en poésie

René Guy Cadou (1920-1951) avait écrit, comme une prémonition : "Je ne ferai jamais que quelques pas sur cette terre". À partir de 1943, Hélène Cadou, poète comme lui, l'accompagne pour ce court séjour. C'est pour elle qu'il écrit "Hélène ou le règne végétal", publié en février 1951 (Le poète est mort de maladie en mars de la même année, à 31 ans). On trouvera trois textes sur ce blog dans la catégorie POÉSIES PAR THÈME : l'école, et d'autres, dans diverses catégories pour la classe, dont celui-ci :

L'enfant précoce

Une lampe naquit sous la mer
Un oiseau chanta
Alors dans un village reculé
Une petite fille se mit à écrire
Pour elle seule
Le plus beau poème
Elle n'avait pas appris l'orthographe
Elle dessinait dans le sable
Des locomotives
Et des wagons pleins de soleil
Elle affrontait les arbres gauchement
Avec des majuscules enlacées et des cœurs
Elle ne disait rien de l'amour
Pour ne pas mentir
Et quand le soir descendait en elle
Par ses joues
Elle appelait son chien doucement
Et disait
« Et maintenant cherche ta vie ».

René-Guy Cadou ("Les amis d'enfance" - 1965)

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Sainte-Reine-de-Bretagne

Sainte-Reine de Bretagne
En Brière où je suis né
A se souvenir on gagne
Du bonheur pour des années !

Est-ce toi qui me consoles
Lente odeur des soirs de juin
Le foin mûr des tournesols
Le chant d'un oiseau lointain ?

C'est la pluie ancienne et molle
Qui descend sur le jardin
Et ma mère en robe blanche
Un bouquet dans chaque main.

René-Guy Cadou ("Les amis d'enfance" - 1965)

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Parmi toutes mes roses

Parmi toutes mes roses
La plus rouge sera pour le mendiant
Qui boite plus bas que la route
La jaune sera pour un jockey
C'est la couleur des champs de courses
J'en donnerai une aussi à Marie
Qui pleure en cachette le dimanche
Mais la plus belle oh ! la plus belle
Je la réserve pour ma mère
Ma mère aimait tant les roses !

René-Guy Cadou ("Les amis d'enfance" - 1965)

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Un texte à la mémoire detoutes les femmes victimes des camps d'extermination :

Ravensbrück

À Ravensbrück en Allemagne
On torture on brûle les femmes

On leur a coupé les cheveux
Qui donnaient la lumière au monde

On les a couvertes de honte
Mais leur amour vaut ce qu’il veut

La nuit le gel tombent sur elles
La main qui porte son couteau

Elles voient des amis fidèles
Cachés dans les plis d’un drapeau

Elles voient. Le bourreau qui veille
A peur soudain de ces regards

Elles sont loin dans le soleil
Et ont espoir en notre espoir.

René-Guy Cadou (écrit en 1943 (à vérifier) - "Poésie la vie entière" - 1965, et "La Résistance et ses poètes" - éditions Pierre Seghers, 1974)

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Je t'atteindrai* Hélène

Je t’atteindrai* Hélène
A travers les prairies
A travers les matins de gel et de lumière
Sous la peau des vergers
Dans la cage de pierre
Où ton épaule fait son nid

Tu es de tous les jours
L’inquiète la dormante.
Sur mes yeux
Tes deux mains sont des barques errantes
A ce front transparent
On reconnaît l’été
Et lorsqu’il suffit de savoir ton passé
Les herbes les gibiers les fleuves me répondent

Sans t’avoir jamais vue
Je t’appelais déjà
Chaque feuille en tombant
Me rappelait ton pas
La vague qui s’ouvrait
Recréait ton visage
Et tu étais l’auberge
Aux portes des villages.

Je t’atteindrai* Hélène, et non "je t'attendrai". Ce contre-sens est assez répandu, y compris sur le blog, mais c'est rectifié !
René-Guy Cadou ("La vie rêvée" - 1944)



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