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1 mars 2008

Maurice MAETERLINCK - le féminin en poésie

Maurice Maeterlinck (1862-1949) est un écrivain et poète belge de langue française, prix Prix Nobel de littérature en 1911. Il est surtout connu pour deux oeuvres d'entomologie : "La vie des abeilles" et "La vie des fourmis".

les poèmes qui suivent sont extraits du livre cité plus bas, dans le chapitre "Quinze chansons". En voici quelques passages sur le thème féminin. Ils portent pour titre le numéro d'ordre dans le recueil.

II

Et s'il revenait un jour, que faut-il lui dire ?
- Dites-lui qu'on l'attendit jusqu'à s'en mourir.

Et s'il m'interroge encore sans me reconnaître ?
- Parlez-lui comme une soeur. Il souffre peut-être.

Et s'il demande où vous êtes, que faut-il répondre ?
- Donnez-lui mon anneau d'or, sans rien lui répondre.

Et s'il veut savoir pourquoi la salle est déserte ?
- Montrez-lui la lampe éteinte et la porte ouverte.

Et s'il m'interroge alors sur la dernière heure ?
- Dites-lui que j'ai souri de peur qu'il ne pleure !

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IV

Les filles aux yeux bandés
    (Ôtez les bandeaux d'or)
Les filles aux yeux bandés
Cherchent leurs destinées ...

Ont ouvert à midi,
     (Gardez les bandeaux d'or)
Ont ouvert à midi,
Le palais des prairies ...

Ont salué la vie,
    (Serrez les bandeaux d'or)
Ont salué la vie,
Et ne sont point sorties ...

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VII

Les sept filles d'Orlamonde,
    Quand la fée fut morte,
Les sept filles d'Orlamonde,
    Ont cherché les portes.

Ont allumé leurs sept lampes,
    Ont ouvert les tours,
Ont ouvert quatre cents salles,
    Sans trouver le jour...

Arrivent aux grottes sonores,
    Descendent alors ;
Et sur une porte close,
    Trouvent une clef d'or.

Voient l'océan par les fentes,
    Ont peur de mourir,
Et frappent à la porte close,
    Sans oser l'ouvrir ...

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VIII

Elle avait trois couronnes d'or,
À qui les donna-t-elle ?
Elle en donne une à ses parents :
Ont acheté trois réseaux d'or
Et l'ont gardée jusqu'au printemps.

Elle en donne une à ses amants :
Ont acheté trois rets d'argent
Et l'ont gardée jusqu'à l'automne.

Elle en donne une à ses enfants :
Ont acheté trois nœuds de fer,
Et l'ont enchaînée tout l'hiver.

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IX

Elle est venue vers le palais
Le soleil se levait à peine ;
Elle est venue vers le palais,
Les chevaliers se regardèrent
Toutes les femmes se taisaient.

Elle s'arrêta devant la porte,
Le soleil se levait à peine ;
Elle s'arrêta devant la porte
On entendit marcher la reine
Et son époux l'interrogeait.

Où allez-vous, où allez-vous ?
- Prenez garde, on y voit à peine ;
Où allez-vous, où allez-vous ?
Quelqu'un vous attend-il là-bas ?
Mais elle ne répondait pas.

Elle descendit vers l'inconnue,
- Prenez garde, on y voit à peine -
Elle descendit vers l'inconnue,
L'inconnue embrassa la reine,
Elles ne se dirent pas un mot
Et s'éloignèrent aussitôt.

Son époux pleurait sur le seuil
- Prenez garde, on y voit à peine ;
Son époux pleurait sur le seuil,
On entendait marcher la reine,
On entendait tomber les feuilles.

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XI

Ma mère, n'entendez-vous rien?
Ma mère, on vient avertir...
Ma fille, donnez-moi vos mains.
Ma fille, c'est un grand navire...

Ma mère, il faut prendre garde...
Ma fille, ce sont ceux qui partent...
Ma mère, est-ce un grand danger ?
Ma fille, il va s'éloigner...

Ma mère. Elle approche encore...
Ma fille, il est dans le port.
Ma mère, Elle ouvre la porte...
Ma fille, ce sont ceux qui sortent.

Ma mère, c'est quelqu'un qui entre...
Ma fille, il a levé l'ancré.
Ma mère, Elle parle à voix basse...
Ma fille, ce sont ceux qui passent.

Ma mère, Elle prend les étoiles!...
Ma fille, c'est l'ombre des voiles.
Ma mère. Elle frappe aux fenêtres...
Ma fille, elles s'ouvrent peut-être...

Ma mère, on n'y voit plus clair...
Ma fille, il va vers la mer.
Ma mère, je l'entends partout...
Ma fille, de qui parlez-vous ?

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XIII

J'ai cherché trente ans, mes sœurs,
    Où s'est-il caché ?
J'ai marché trente ans, mes sœurs,
    Sans m'en approcher...

J'ai marché trente ans, mes sœurs,
    Et mes pieds sont las,
II était partout, mes sœurs,
    Et n'existe pas...

L'heure est triste enfin, mes sœurs,
    Ôtez mes sandales,
Le soir meurt aussi, mes sœurs,
    Et mon âme a mal ...

Vous avez seize ans, mes sœurs,
    Allez loin d'ici,
Prenez mon bourdon, mes sœurs,
    Et cherchez aussi ...

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XIV

Les trois sœurs ont voulu mourir
Elles ont mis leurs couronnes d'or
Et sont allées chercher leur mort.

S'en sont allées vers la forêt :
"Forêt, donnez-nous notre mort,
Voici nos trois couronnes d'or."

La forêt se mit à sourire
Et leur donna douze baisers
Qui leur montrèrent l'avenir.

Les trois sœurs ont voulu mourir
S'en sont allées chercher la mer
Trois ans après la rencontrèrent:

"Ô mer donnez-nous notre mort,
Voici nos trois couronnes d'or."

Et la mer se mit à pleurer
Et leur donna trois cents baisers,
Qui leur montrèrent le passé.

Les trois sœurs ont voulu mourir
S'en sont allées chercher la ville
La trouvèrent au milieu d'une île :

"Ô ville, donnez-nous notre mort,
Voici nos trois couronnes d'or."

Et la ville, s'ouvrant à l'instant
Les couvrit de baisers ardents,
Qui leur montrèrent leur présent.
 

Maurice Maeterlinck ("Serres Chaudes, Quinze Chansons, Nouveaux Poèmes" - éditions "À L'enseigne Du Chat Qui Pêche", 1947)



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