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15 mai 2009

José María de HEREDIA - PRINT POÈTES 11 : PAYSAGES en français

José María de Heredia (1842-1905) est né à Cuba. Il n'a été naturalisé français qu'en 1893, mais est venu en France à l'âge de neuf ans, et a écrit toute son œuvre, textes historiques et poésie en français. Il est l'auteur d'un seul recueil de poèmes, Les Trophées, en 1893, mais c'est l'un des principaux animateurs, avec Leconte de Lisle, du mouvement poétique Le Parnasse (Les Parnassiens sont des défenseurs de "l'art pour l'art").

Un paysage du tout Nouveau monde :

Les conquérants

Comme un vol de gerfauts* hors du charnier natal,
Fatigués de porter leurs misères hautaines,
De Palos de Moguer*, routiers et capitaines
Partaient, ivres d’un rêve héroïque et brutal.

Ils allaient conquérir le fabuleux métal
Que Cipango* mûrit dans ses mines lointaines,
Et les vents alizés inclinaient leurs antennes
Aux bords mystérieux du monde Occidental.

Chaque soir, espérant des lendemains épiques,
L’azur phosphorescent de la mer des Tropiques
Enchantait leur sommeil d’un mirage doré ;

Ou penchés à l’avant des blanches caravelles,
Ils regardaient monter en un ciel ignoré
Du fond de l’Océan des étoiles nouvelles.

José María de Heredia (Les Trophées - 1893) *Le gerfaut est le faucon gerfaut, oiseau rapace - *Palos de Moguer, c'est "Palos" ou plus précisément "Palos de La Frontera", le port espagnol d'Andalousie d'où Christophe Colomb a embarqué pour la découverte de l'Amérique.*Cipango est le nom que Colomb donna à l'île des Caraïbes (actuelle Cuba) qu'il atteignit à son premier voyage, croyant être arrivé en Orient  par la route de l'ouest. Le nom donné plus tard au "Japon" dérive de "Cipango".

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Le récif de corail

Le soleil sous la mer, mystérieuse aurore,
Eclaire la forêt des coraux abyssins
Qui mêle, aux profondeurs de ses tièdes bassins,
La bête épanouie et la vivante flore.

Et tout ce que le sel ou l'iode colore,
Mousse, algue chevelue, anémones, oursins,
Couvre de pourpre sombre, en somptueux dessins,
Le fond vermiculé du pâle madrépore.

De sa spendide écaille éteignant les émaux,
Un grand poisson navigue à travers les rameaux;
Dans l'ombre transparente indolemment il rôde;

Et, brusquement, d'un coup de sa nageoire en feu
Il fait, par le cristal morne, immobile et bleu,
Courir un frisson d'or, de nacre et d'émeraude.

José María de Heredia (Les Trophées - 1893)

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Un paysage de France :

Bretagne

Pour que le sang joyeux dompte l'esprit morose,
Il faut, tout parfumé du sel des goëmons,
Que le souffle atlantique emplisse tes poumons ;
Arvor t'offre ses caps que la mer blanche arrose.

L'ajonc fleurit et la bruyère est déjà rose.
La terre des vieux clans, des nains et des démons,
Ami, te garde encor, sur le granit des monts,
L'homme immobile auprès de l'immuable chose.

Viens. Partout tu verras, par les landes d'Arez*,
Monter vers le ciel morne, infrangible cyprès,
Le menhir sous lequel gît la cendre du Brave ;

Et l'Océan, qui roule en un lit d'algues d'or
Is la voluptueuse et la grande Occismor,
Bercera ton cœur triste à son murmure grave.

José María de Heredia (Les Trophées - 1893) - *Arez, sans doute les monts d'Arrée.


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