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15 mai 2009

Jeanne MARVIG, Stéphane MALLARMÉ - PRINT POÈTES 11 : PAYSAGES en français

Jeanne Marvig (1882-1956), romancière et poète française, est née en Haute-Garonne. De son nom Jeannne Mary, née Viguier, elle a fait un pseudonyme. Elle est l'auteure de nombreux recueils de poèmes, de pièces de théâtre, et d'une intéressante anthologie : "La Poésie méridionale" (paru en 1939). Le poème le plus connu de l'auteure, "Le petit lapin", est ailleurs sur ce blog.

Le ruisseau

Ce n'est qu'un tout petit ruisseau,
Un peu d'eau vive qui glougloute,
Une vasque fut son berceau,
On ne le voit pas, on l'écoute.

Il a des façons de gamin
Pour sautiller de pierre en pierre,
On y puise au creux de la main
En écartant un brin de lierre.

Il a des franges de roseaux
Sur ses bords fleuris de pervenches
Et des aulnes où les oiseaux
Font du trapèze sur les branches.

Si, dans son lit, le vent brutal
Penche un brin d'osier qui le borde,
Le petit ruisseau de cristal
S'amuse à sauter à la corde.

Puis sous les aulnes chevelus,
Caressant le cresson et l'ache,
Il s'enfonce...On ne l'entend plus...
Sans doute il joue à cache-cache.

Petit ruisseau, je voudrais bien,
Moi qui suis un rêve qui passe,
Que dans mon cœur ainsi qu'au tien
Se mirent le ciel et l'espace !

Jeanne Marvig ("Le jardin d'Isabélou", édité par l'auteure, 1947) et dans l'anthologie d'Armand Got * et de Charles Vildrac , "La Poèmeraie", Armand-Colin, 1963) - * On le trouve aussi dans la précédente anthologie d'Armand Got : "La Poèmeraie", première partie, La Souris verte" (Librairie Gedalge, 1928)

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La voiture roulait

La voiture roulait doucement sous les arbres,
Platanes de novembre aux blondissants rameaux,
Aux fûts du blanc poli de l’ivoire ou des marbres,
Comme un cloître roman unissant leurs arceaux.

Nous nous sentions glisser sous la lente caresse
De la feuille, au matin, toute emperlée encor
Du vent, sur notre front agitant son ivresse
De l’automne accourant vers nous ruisselant d’or ! …

De l’or, de l’or, de l’or ! Or rougeoyant du cuivre,
Or des buires gardant de mystiques encens,
Or des fils de la vierge étincelants de givre,
Acajous mordorés ou chromes flavescents,

Tous les ors en suspens dans le jour et la flamme
Tourbillonnant au rythme lent des feuilles d’or,
Je les ai, frissonnants, recueillis dans mon âme,
Aux vestales du Temps ravissant leur trésor,

Pour qu’un jour très prochain où les corolles mortes
Auront livré leur corps fragile au vent brutal,
Je puisse, en vers dorés, rappeler leurs cohortes,
Et que mon cœur, pareil aux sources de cristal

Où, dans l’arbre penché, se mire tout l’automne,
Où la feuille, en glissant, dit tout le bois vermeil,
Te rende, aux jours éteints de l’hiver monotone,
Avec ses souvenirs émus, tout le soleil !

Jeanne Marvig ("Des riens …  tout l’infini ", Bibliothèque Internationale d'Édition, 1913)

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Ce passage d'une poésie plus longue, ici titré "L'Arbre", est emprunté au site http://arbrealettres.wordpress.com, où on trouvera d'autres textes de l'auteure, (trouvés et mis en ligne par Jean-François Laffont) 

L'Arbre (strophe extraite d'un poème, titre proposé)

Je suis l’Arbre : un tronc droit substantiel et dur,
La lente ascension d’un assemblage pur
De fibres, de rayons, de silence et de sève,
Je suis l’Arbre,une force invincible qui rêve,
La colonne du temple où sans faste et sans bruit
Le firmament s’unit aux mousses dans la nuit.
Je suis l’Arbre porteur de vie et de lumière,
L’eau puisée au cœur sombre et poreux de la terre
Qui rejoint dans l’orgueil du feuillage nombreux
Cette eau vive échappée aux prunelles des dieux.

Jeanne Marvig ("Des riens …  tout l’infini ", Bibliothèque Internationale d'Édition, 1913)



Stéphane Mallarmé  (1842-1898), est identifié comme poète ayant renouvelé le symbolisme, dans un style fermé, "difficile", où la musique du vers prime sur la lisibilité du propos. Il a écrit également des pièces de théâtre et traduit Edgar Poë.

Renouveau (titre original : Vere novo)

Le printemps maladif a chassé tristement
L’hiver, saison de l’art serein, l’hiver lucide,
Et dans mon être à qui le sang morne préside
L’impuissance s’étire en un long bâillement.

Des crépuscules blancs tiédissent sous mon crâne
Qu’un cercle de fer serre ainsi qu’un vieux tombeau,
Et, triste, j’erre après un Rêve vague et beau,
Par les champs où la sève immense se pavane.

Puis je tombe, énervé de parfums d’arbres, las,
Et creusant de ma face une fosse à mon Rêve,
Mordant la terre chaude où poussent les lilas,

J’attends en m’abîmant que mon ennui s’élève…
— Cependant l’Azur rit sur la haie en éveil,
Où les oiseaux en fleur gazouillent au soleil.

Stéphane Mallarmé ("Le Parnasse contemporain -Recueil de vers nouveaux", éditions Lemerre, 1867, et "Poésies complètes", 1887)

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De ce passage, où le poète voudrait, à la manière du "Chinois au coeur limpide et fin", peindre un paysage sur une tasse, on retiendra une étonnante image : "Un clair croissant perdu par une blanche nue / Trempe sa corne calme en la glace des eaux / Non loin de trois grand cils d'émeraude, roseaux." :

Peindre un paysage (titre proposé)
   
(fin du poème  "Las de l'amer repos")

[...]

 Serein, je vais choisir un jeune paysage
Que je peindrais encor sur les tasses, distrait.
Une ligne d'azur mince et pâle serait
Un lac, parmi le ciel de porcelaine nue,
Un clair croissant perdu par une blanche nue
Trempe sa corne calme en la glace des eaux,
Non loin de trois grand cils d'émeraude, roseaux
.

Stéphane Mallarmé ("Le Parnasse contemporain - Recueil de vers nouveaux", éditions Lemerre, 1867, et "Poésies complètes", 1887)


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