Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
lieu commun
1 novembre 2009

Jammes, Jean - PP12 - ENFANCES - TEXTES EN FRANÇAIS

- Francis Jammes -

Francis Jammes (1868-1938) est l'auteur de "La Prière", poème chanté par Georges Brassens (voir la catégorie BRASSENS chante les poètes) et on le retrouvera dans POÉSIES PAR THÈME : l'école avec "Souvenirs d'enfance" et aussi ici, avec ses amis les ânes : http://lieucommun.canalblog.com/archives/2007/04/29/6769130.html.

L'école est fermée

L'enfant lit l'almanach près de son panier d'œufs.

Et, en dehors des Saints et du temps qu'il fera,

elle peut contempler les beaux signes des cieux :

Chèvre, Taureau, Bélier, Poisson, et coetera.
Ainsi, peut-elle croire, petite paysanne,

qu'au-dessus d'elle, dans les constellations,

il y a des marchés, pareils avec des ânes,

des taureaux, des béliers, des chèvres, des poissons.
C'est le marché du Ciel sans doute qu'elle lit.

Et, quand la page tourne au signe des Balances,

elle se dit qu'au Ciel comme à l'épicerie

on pèse le café, le sel, et les consciences.

Francis Jammes

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Le facteur

Lorsque j'étais enfant, ma mère me disait :
"Si, homme, il m'avait fallu choisir un métier,
C'est un facteur rural que j'aurais voulu être."
Et moi je l'admirais quand il passait, ses guêtres,
Et ses cannes de houx cueillies dans les clairières.
Ah ! Il était pour moi le parcoureur de terres,
Le voyageur qui s'en revient de l'inconnu.
Son monde était immense, en effet, j'avais vu,
Un jour après midi que nous nous promenions,
Que la route pouvait aller jusqu'à Ozon *.


* Ozon est un village des Hautes-Pyrénées, proche de la ville de Tournay où vivaient les parents de Francis Jammes.
Francis Jammes ("De l'angélus de l'aube à l'angélus du soir" - Mercure de France, 1898)

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Ces deux poèmes (le second est le plus connu, chanté par Brassens), en forme de prières à Dieu, expriment la foi catholique de Jammes, celle qui traverse toute son œuvre :

Prière pour qu'un enfant ne meure pas

Mon Dieu, conservez-leur ce tout petit enfant,
comme vous conservez une herbe dans le vent.
Qu’est-ce que ça vous fait, puisque la mère pleure,
de ne pas le faire mourir là, tout à l’heure,
comme une chose que l’on ne peut éviter ?
Si vous le laissez vivre, il s’en ira jeter
des roses, l’an prochain, dans la Fête-Dieu claire ?
Mais vous êtes trop bon. Ce n’est pas vous, mon Dieu,
qui, sur les joues en roses, posez la mort bleue,
à moins que vous n’ayez de beaux endroits où mettre
auprès de leurs mamans leurs fils à la fenêtre ?
Mais pourquoi pas ici ? Ah ! Puisque l’heure sonne,
rappelez-vous, mon Dieu, devant l’enfant qui meurt,
que vous vivez toujours auprès de votre Mère.


Francis Jammes ("De l'angélus de l'aube à l'angélus du soir" - Mercure de France, 1898)

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

"La Prière" est le titre donné par Brassens à ce texte, qu'il a fortement remanié. La version donnée ci-dessous est donc assez différente du texte original qui suit, dont le titre est "Les mystères douloureux". On trouve une analyse de ce texte, chanté par Brassens, ici : Brassens - analyse de "La Prière" de Francis Jammes

La prière

Mon Dieu, conservez-leur ce tout petit enfant,
comme vous conservez une herbe dans le vent.
Qu’est-ce que ça vous fait, puisque la mère pleure,
de ne pas le faire mourir là, tout à l’heure,
comme une chose que l’on ne peut éviter ?
Si vous le laissez vivre, il s’en ira jeter
des roses, l’an prochain, dans la Fête-Dieu claire ?
Mais vous êtes trop bon. Ce n’est pas vous, mon Dieu,
qui, sur les joues en roses, posez la mort bleue,
à moins que vous n’ayez de beaux endroits où mettre
auprès de leurs mamans leurs fils à la fenêtre ?
Mais pourquoi pas ici ? Ah ! Puisque l’heure sonne,
rappelez-vous, mon Dieu, devant l’enfant qui meurt,
que vous vivez toujours auprès de votre Mère.


poème de Francis Jammes repris par Georges Brassens d'après le texte de
Francis Jammes (chapitre Rosaire, texte "Ainsi que Crusoë dans son île déserte…" )

Rosaire (deux passages)

32
(cette strophe annonce le passage 33 qui correspond au poème)


Ainsi que Crusoë dans son île déserte,
Le poète guette, à l’amère solitude,
Quel voile apportera la béatitude,
À son exil. La mer, comme une porte ouverte,
Semble donner l’espoir qu’apparaîtra soudain
Le bateau qui rira à l’horizon d’étain.
Et la fièvre prend le poète sur la grève.
Il croit voir cette voile. Il n’y a pourtant rien
Que le toujours pareil si accablant du rêve.
Le poète agonise. Il a soif, il a faim,
sa passion lui tend du fiel et du vinaigre.
Et les seuls fruits offerts au naufragé par Dieu,
ce sont les fruits des cinq mystères douloureux :

- - - - - - - -
33

Agonie
Par le petit garçon qui meurt près de sa mère
tandis que des enfants s'amusent au parterre,
et par l'oiseau blessé, qui ne sait pas comment
son aile tout-à-coup s'ensanglante et descend ;
par la soif et la faim et le délire ardent :
Je vous salue, Marie.

Flagellation
Par les gosses battus,
par l'ivrogne qui rentre,
par l'âne qui reçoit des coups de pied au ventre,
et par l'humiliation de l'innocent châtié ;
par la vierge vendue qu'on a déshabillée,
par le fils dont la mère a été insultée :
Je vous salue, Marie.

Couronnement d'épines
Par le mendiant qui n'eut d'autre couronne
que le vol des frelons, amis des vergers jaunes ;
et d'autre sceptre qu'un bâton contre les chiens ;
par le poète dont saigne le front qui est ceint
des ronces des désirs que jamais il n'atteint :
Je vous salue, Marie.

Portement de croix
Par la vieille qui, trébuchant sous trop de poids
s'écrie : "Mon Dieu !" ; par le malheureux dont les bras
ne purent s'appuyer sur une amour humaine ;
comme la croix du Fils sur Simon de Cyrène
par le cheval tombé sous le chariot qu'il traîne :
Je vous salue, Marie.

Crucifiement *
Par les quatre horizons qui crucifient le monde,
par tous ceux dont la chair se déchire ou succombe,
par ceux qui sont sans pieds, par ceux qui sont sans mains ;
par le malade que l'on opère et qui geint,
et par le juste mis au rang des assassins :
Je vous salue, Marie.

*c'est bien "Crucifiement" et non "Cruxifixion, réservé au supplice du Christ" - Les intertitres en italique sont dans le poème de Francis Jammes. On notera l'absence de la dernière strophe de "La Prière". Normal, elle a été ajoutée par Brassens et change sans aucun doute le "sens unique" du texte initial.
poème de Francis Jammes repris par Georges Brassens d'après le texte de
Francis Jammes ("Les mystères douloureux" dans "Clairières dans le ciel" suivi de "l'Eglise habillée de feuilles", Mercure de France, 1905 et "Clairières dans le ciel 1902-1906 - En Dieu - Tristesses, le Poète et sa femme, Poésie diverses, l'Eglise habillée de feuilles" réédition en Gallimard poésie 1980)



- Georges Jean -

Georges Jean , poète et enseignant, est né à Besançon en 1920. Il est l'auteur de recueils de poésie et d'anthologies poétiques pour les enfants.

"L'école est fermée", pour retourner en vacances le temps d'un poème :

L'école est fermée

Le tableau s'ennuie ;
Et les araignées
Dit-on étudient
La géométrie
Pour améliorer
L'étoile des toiles :
Toiles d'araignées,
Bien évidemment.

L'école est fermée
Les souris s'instruisent,
Les papillons lisent
Les pupitres luisent,
Ainsi que les bancs.

L'école est fermée
Mais si l'on écoute
Au fond du silence,
Les enfants sont là
Qui parlent tout bas
Et dans la lumière,
Des grains de poussière,
Ils revivent toute l'année qui passa,
Et qui s'en alla.

Georges Jean

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Ici

Ici
Le feu
La musique est proche

Le bruit de la mer
Frappe les derniers murs du vent

Les oiseaux sont partis
À la limite de l'espace
La douce amertume du temps Ouvre les griffes du néant

Et dans les marées enfouies
Les coquillages du silence
Chantent dans les mains de l'enfance.

Georges Jean ("Parcours immobile" - le dé bleu, 1995)



 

Publicité
Commentaires
Publicité