- Victor Hugo -
Victor Hugo (1802-1885) est trop important pour être présenté dans un simple paragraphe. Voir ici sa biographie et sa bibliographie considérables :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Victor_Hugo
Ronde pour les enfants
Fillettes, les fleurs sont écloses,
Dansez, courons.
Je suis ébloui par les roses
Et par vos fronts.
Chez les fleurs vous êtes les reines ;
Nous le dirons
Aux bois, aux prés, aux marjolaines,
Aux liserons.
Avec l'oiselle l'oiseau cause,
Et s'interrompt
Pour la quereller d'un bec rose,
Aux baisers prompt.
Donnez-nous, gaités éphémères,
Futurs tendrons,
Beaucoup de baisers... - À vos mères
Nous les rendrons.
Victor Hugo ("Toute la Lyre" 1893 - posthume)
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
J'eus toujours de l'amour pour les choses ailées ...
J'eus toujours de l'amour pour les choses ailées.
Lorsque j'étais enfant, j'allais sous les feuillées,
J'y prenais dans les nids de tout petits oiseaux.
D'abord je leur faisais des cages de roseaux
Où je les élevais parmi des mousses vertes.
Plus tard je leur laissais les fenêtres ouvertes.
Ils ne s'envolaient point ; ou, s'ils fuyaient aux bois,
Quand je les rappelais ils venaient à ma voix.
Une colombe et moi longtemps nous nous aimâmes.
Maintenant je sais l'art d'apprivoiser les âmes.
Victor Hugo ("Les Rayons et les ombres, XXXVIII, 1840)
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
Chanson de grand-père
Dansez, les petites filles,
Toutes en rond.
En vous voyant si gentilles,
Les bois riront.
Dansez, les petites reines,
Toutes en rond.
Les amoureux sous les frênes
S'embrasseront.
Dansez les petites folles,
Toutes en rond.
Les bouquins dans les écoles
Bougonneront.
Dansez, les petites belles,
Toutes en rond.
Les oiseaux avec leurs ailes
Applaudiront.
Dansez, les petites fées,
Toutes en rond.
Dansez, de bleuets coiffées,
L'aurore au front.
Dansez, les petites femmes,
Toutes en rond.
Les messieurs diront aux dames
Ce qu'ils voudront.
Victor Hugo ("L'art d'être grand-père" 1877)
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
Mes deux filles
Dans le frais clair-obscur du soir charmant qui tombe,
L'une pareille au cygne et l'autre à la colombe,
Belles, et toutes deux joyeuses, ô douceur
Voyez, la grande sœur et la petite sœur
Sont assises au seuil du jardin, et sur elles
Un bouquet d’œillets blancs aux longues tiges frêles,
Dans une urne de marbre agité par le vent,
Se penche, et les regarde, immobile et vivant,
Et frissonne dans l'ombre, et semble, au bord du vase,
Un vol de papillon arrêté dans l'extase.
Victor Hugo ("Les Contemplations" - 1856)
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
Les enfants lisent, troupe blonde ...
Les enfants lisent, troupe blonde ;
Ils épellent, je les entends ;
Et le maître d'école gronde
Dans la lumière du printemps.
J'aperçois l'école entrouverte ;
Et je rôde au bord des marais ;
Toute la grande saison verte
Frissonne au loin dans les forêts.
Tout rit, tout chante ; c'est la fête
De l'infini que nous voyons ;
La beauté des fleurs semble faite
Avec la candeur des rayons.
J'épelle aussi moi ; je me penche
Sur l'immense livre joyeux ;
Ô champs, quel vers que la pervenche !
Quelle strophe que l'aigle, ô cieux !
Mais, mystère ! rien n'est sans tache.
Rien ! - Qui peut dire par quels noeuds
La végétation rattache
Le lys chaste au chardon hargneux ?
Tandis que là-bas siffle un merle,
La sarcelle, des roseaux plats,
Sort, ayant au bec une perle ;
Cette perle agonise, hélas !
C'est le poisson qui, tout à l'heure,
Poursuivait l'aragne, courant
Sur sa bleue et vague demeure,
Sinistre monde transparent.
Un coup de fusil dans la haie,
Abois d'un chien ; c'est le chasseur.
Et, pensif, je sens une plaie
Parmi toute cette douceur.
Et, sous l'herbe pressant la fange,
Triste passant de ce beau lieu,
Je songe au mal, énigme étrange,
Faute d'orthographe de Dieu.
Victor Hugo ("Les chansons des rues et des bois" 1865)
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
Adèle Hugo (on se souvient peut-être d'Isabelle Adjani dans le rôle titre de "Adèle H", film de Truffaut) est la seconde fille de Victor Hugo. Née en 1830 et disparue en 1915, 20 ans après lui, elle est le seul enfant de l'auteur qui lui ait survécu. Vers la fin de sa vie, il lui adresse ce poème :
À ma fille Adèle
Tout enfant, tu dormais près de moi, rose et fraîche,
Comme un petit Jésus assoupi dans sa crèche ;
Ton pur sommeil était si calme et si charmant
Que tu n'entendais pas l'oiseau chanter dans l'ombre ;
Moi, pensif, j'aspirais toute la douceur sombre
Du mystérieux firmament.
Et j'écoutais voler sur ta tête les anges ;
Et je te regardais dormir ; et sur tes langes
J'effeuillais des jasmins et des oeillets sans bruit ;
Et je priais, veillant sur tes paupières closes ;
Et mes yeux se mouillaient de pleurs, songeant aux choses
Qui nous attendent dans la nuit.
Un jour mon tour viendra de dormir ; et ma couche,
Faite d'ombre, sera si morne et si farouche
Que je n'entendrai pas non plus chanter l'oiseau ;
Et la nuit sera noire ; alors, ô ma colombe,
Larmes, prière et fleurs, tu rendras à ma tombe
Ce que j'ai fait pour ton berceau.
Victor Hugo ("Les quatre vents de l'esprit", 1881)
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
Regardez : les enfants se sont assis en rond ...
Regardez : les enfants se sont assis en rond.
Leur mère est à côté, leur mère au jeune front
Qu'on prend pour une soeur aînée ;
Inquiète, au milieu de leurs jeux ingénus,
De sentir s'agiter leurs chiffres inconnus
Dans l'urne de la destinée.
Près d'elle naît leur rire et finissent leurs pleurs.
Et son coeur est si pur et si pareil aux leurs,
Et sa lumière est si choisie,
Qu'en passant à travers les rayons de ses jours,
La vie aux mille soins, laborieux et lourds,
Se transfigure en poésie !
Toujours elle les suit, veillant et regardant,
Soit que janvier rassemble au coin de l'âtre ardent
Leur joie aux plaisirs occupée,
Soit qu'un doux vent de mai, qui ride le ruisseau,
Remue au-dessus d'eux les feuilles, vert monceau
D'où tombe une ombre découpée.
Parfois, lorsque, passant près d'eux, un indigent
Contemple avec envie un beau hochet d'argent
Que sa faim dévorante admire,
La mère est là ; pour faire, au nom du Dieu vivant,
Du hochet une aumône, un ange de l'enfant,
Il ne lui faut qu'un doux sourire !
Et moi qui, mère, enfants, les vois tous sous mes yeux,
Tandis qu'auprès de moi les petits sont joyeux
Comme des oiseaux sur les grèves,
Mon coeur gronde et bouillonne, et je sens lentement,
Couvercle soulevé par un flot écumant,
S'entr'ouvrir mon front plein de rêves.
Victor Hugo ("Les Voies intérieures" 1837)
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
Poème pour "croquer le marmot" !
L'ogre
Un brave ogre des bois, natif de Moscovie,
Était fort amoureux d'une fée, et l'envie
Qu'il avait d'épouser cette dame s'accrut
Au point de rendre fou ce pauvre cœur tout brut :
L'ogre un beau jour d'hiver peigne sa peau velue,
Se présente au palais de la fée, et salue,
Et s'annonce à l'huissier comme prince Ogrousky.
La fée avait un fils, on ne sait pas de qui.
Elle était ce jour-là sortie, et quant au mioche,
Bel enfant blond nourri de crème et de brioche,
Don fait par quelque Ulysse à cette Calypso,
Il était sous la porte et jouait au cerceau.
On laissa l'ogre et lui tout seuls dans l'antichambre.
Comment passer le temps quand il neige en décembre.
Et quand on n'a personne avec qui dire un mot ?
L'ogre se mit alors à croquer le marmot.
Victor Hugo (extrait de "Bons conseils aux amants", dans le recueil "Toute la lyre", Nouvelle série XI)
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
L'enfant
Les Turcs ont passé là. Tout est ruine et deuil.
Chio, l'île des vins, n'est plus qu'un sombre écueil,
Chio, qu'ombrageaient les charmilles,
Chio, qui dans les flots reflétait ses grands bois,
Ses coteaux, ses palais, et le soir quelquefois
Un choeur dansant de jeunes filles.
Tout est désert. Mais non ; seul près des murs noircis,
Un enfant aux yeux bleus, un enfant grec, assis,
Courbait sa tête humiliée ;
Il avait pour asile, il avait pour appui
Une blanche aubépine, une fleur, comme lui
Dans le grand ravage oubliée.
Ah ! pauvre enfant, pieds nus sur les rocs anguleux !
Hélas ! pour essuyer les pleurs de tes yeux bleus
Comme le ciel et comme l'onde,
Pour que dans leur azur, de larmes orageux,
Passe le vif éclair de la joie et des jeux,
Pour relever ta tète blonde,
Que veux-tu ? Bel enfant, que te faut-il donner
Pour rattacher gaîment et gaîment ramener
En boucles sur ta blanche épaule
Ces cheveux, qui du fer n'ont pas subi l'affront,
Et qui pleurent épars autour de ton beau front,
Comme les feuilles sur le saule ?
Qui pourrait dissiper tes chagrins nébuleux ?
Est-ce d'avoir ce lys, bleu comme tes yeux bleus,
Qui d'Iran borde le puits sombre ?
Ou le fruit du tuba, de cet arbre si grand,
Qu'un cheval au galop met, toujours en courant,
Cent ans à sortir de son ombre ?
Veux-tu, pour me sourire, un bel oiseau des bois,
Qui chante avec un chant plus doux que le hautbois,
Plus éclatant que les cymbales ?
Que veux-tu ? fleur, beau fruit, ou l'oiseau merveilleux ?
- Ami, dit l'enfant grec, dit l'enfant aux yeux bleus,
Je veux de la poudre et des balles
Victor Hugo ("Les Orientales" 1829)
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
De l'ordre des choses
Dieu fait les questions pour que l'enfant réponde
Dieu fait les questions pour que l'enfant réponde.
" Les deux bêtes les plus gracieuses du monde,
Le chat et la souris, se haïssent. Pourquoi ?
Explique-moi cela, Jeanne. " Non sans effroi
Devant l'énormité de l'ombre et du mystère,
Jeanne se mit à rire. " Eh bien ? - Petit grand-père,
je ne sais pas. jouons. " Et Jeanne repartit :
" Vois-tu, le chat c'est gros, la souris c'est petit.
- Eh bien ? " Et Jeanne alors, en se grattant la tête,
Reprit : " Si la souris était la grosse bête,
À moins que le bon Dieu là-haut ne se fâchât,
Ce serait la souris qui mangerait le chat. "
Victor Hugo ("La Légende des siècles" 1859)
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
Chanson pour faire danser en rond les petits enfants
Grand bal sous le tamarin.
On danse et l'on tambourine.
Tout bas parlent, sans chagrin,
Mathurin à Mathurine,
Mathurine à Mathurin.
C'est le soir, quel joyeux train !
Chantons à pleine poitrine
Au bal plutôt qu'au lutrin.
Mathurin a Mathurine,
Mathurine a Mathurin.
Découpe comme au burin,
L'arbre, au bord de l'eau marine,
Est noir sur le ciel serein.
Mathurin a Mathurine,
Mathurine a Mathurin.
Dans le bois rôde Isengrin.
Le magister endoctrine
Un moineau pillant le grain.
Mathurin a Mathurine,
Mathurine a Mathurin.
Broutant l'herbe brin à brin,
Le lièvre a dans la narine
L'appétit du romarin,
Mathurin a Mathurine,
Mathurine a Mathurin.
Sous l'ormeau le pèlerin
Demande à la pèlerine
Un baiser pour un quatrain.
Mathurin a Mathurine,
Mathurine a Mathurin.
Derrière un pli de terrain,
Nous entendons la clarine
Du cheval d'un voiturin.
Mathurin a Mathurine,
Mathurine a Mathurin.
Victor Hugo ("L'art d'être grand-père" 1877)
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
Le travail des enfants
Melancholia (passage)
Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit ?
Ces doux êtres pensifs que la fièvre maigrit ?
Ces filles de huit ans qu'on voit cheminer seules ?
Ils s'en vont travailler quinze heures sous des meules ;
Ils vont, de l'aube au soir, faire éternellement
Dans la même prison le même mouvement.
Accroupis sous les dents d'une machine sombre,
Monstre hideux qui mâche on ne sait quoi dans l'ombre,
Innocents dans un bagne, anges dans un enfer,
Ils travaillent. Tout est d'airain, tout est de fer.
Jamais on ne s'arrête et jamais on ne joue.
Aussi quelle pâleur ! la cendre est sur leur joue.
Il fait à peine jour, ils sont déjà bien las.
Ils ne comprennent rien à leur destin, hélas !
Ils semblent dire à Dieu : « Petits comme nous sommes,
Notre père, voyez ce que nous font les hommes ! »
O servitude infâme imposée à l'enfant !
Rachitisme ! travail dont le souffle étouffant
Défait ce qu'a fait Dieu ; qui tue, œuvre insensée,
La beauté sur les fronts, dans les cœurs la pensée,
Et qui ferait - c'est là son fruit le plus certain ! -
D'Apollon un bossu, de Voltaire un crétin !
Travail mauvais qui prend l'âge tendre en sa serre,
Qui produit la richesse en créant la misère,
Qui se sert d'un enfant ainsi que d'un outil !
Progrès dont on demande : « Où va-t-il ? que veut-il ? »
Qui brise la jeunesse en fleur ! qui donne, en somme,
Une âme à la machine et la retire à l'homme !
Que ce travail, haï des mères, soit maudit !
Maudit comme le vice où l'on s'abâtardit,
Maudit comme l'opprobre et comme le blasphème !
O Dieu ! qu'il soit maudit au nom du travail même,
Au nom du vrai travail, sain, fécond, généreux,
Qui fait le peuple libre et qui rend l'homme heureux !
Victor Hugo ("Les Contemplations", III, 1856)
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
De ce long poème classique de Hugo, dont l'entame est connue, on pourra proposer des passages, dont la première strophe, qui se prêtel au procédé de production d'écrit indiqué
Lorsque l'enfant paraît ...
Lorsque l'enfant paraît, le cercle de famille
Applaudit à grands cris.
Son doux regard qui brille
Fait briller tous les yeux,
Et les plus tristes fronts, les plus souillés peut-être,
Se dérident soudain à voir l'enfant paraître,
Innocent et joyeux.
Soit que juin ait verdi mon seuil, ou que novembre
Fasse autour d'un grand feu vacillant dans la chambre
Les chaises se toucher,
Quand l'enfant vient, la joie arrive et nous éclaire.
On rit, on se récrie, on l'appelle, et sa mère
Tremble à le voir marcher.
Quelquefois nous parlons, en remuant la flamme,
De patrie et de Dieu, des poètes, de l'âme
Qui s'élève en priant ;
L'enfant paraît, adieu le ciel et la patrie
Et les poètes saints ! la grave causerie
S'arrête en souriant.
La nuit, quand l'homme dort, quand l'esprit rêve, à l'heure
Où l'on entend gémir, comme une voix qui pleure,
L'onde entre les roseaux,
Si l'aube tout à coup là-bas luit comme un phare,
Sa clarté dans les champs éveille une fanfare
De cloches et d'oiseaux.
Enfant, vous êtes l'aube et mon âme est la plaine
Qui des plus douces fleurs embaume son haleine
Quand vous la respirez ;
Mon âme est la forêt dont les sombres ramures
S'emplissent pour vous seul de suaves murmures
Et de rayons dorés !
Car vos beaux yeux sont pleins de douceurs infinies,
Car vos petites mains, joyeuses et bénies,
N'ont point mal fait encor ;
Jamais vos jeunes pas n'ont touché notre fange,
Tête sacrée ! enfant aux cheveux blonds ! bel ange
À l'auréole d'or !
Vous êtes parmi nous la colombe de l'arche.
Vos pieds tendres et purs n'ont point l'âge où l'on marche.
Vos ailes sont d'azur.
Sans le comprendre encor vous regardez le monde.
Double virginité ! corps où rien n'est immonde,
Âme où rien n'est impur !
Il est si beau, l'enfant, avec son doux sourire,
Sa douce bonne foi, sa voix qui veut tout dire,
Ses pleurs vite apaisés,
Laissant errer sa vue étonnée et ravie,
Offrant de toutes parts sa jeune âme à la vie
Et sa bouche aux baisers !
Seigneur ! préservez-moi, préservez ceux que j'aime,
Frères, parents, amis, et mes ennemis même
Dans le mal triomphants,
De jamais voir, Seigneur ! l'été sans fleurs vermeilles,
La cage sans oiseaux, la ruche sans abeilles,
La maison sans enfants !
Victor Hugo ("Les feuilles d'automne", 1831)
Détournement des premiers vers de "Lorsque l'enfant paraît ..."
Ici, une liste (contributions individuelles) a été établie à partir du simple titre de ce poème. On peut étendre le procédé à d'autres textes de Victor Hugo et à d'autres auteurs, comme le montrent les pages suivantes à cette adresse : http://sites.radiofrance.fr/parvis/zlorsque.htm - Idée : réunir toutes les productions d'élèves pour constituer un poème répétitif (ne pas abuser de la censure !) ...