Decaunes, Deharme, Delarue-Mardrus, Desbordes-Valmore, Désert - PP12 - ENFANCES - TEXTES EN FRANÇAIS
- Luc Decaunes - et proverbes
Luc Decaunes (1913-2001), instituteur et journaliste français, était écrivain, biographe ("Les idées noires" , "Vie de Paul Éluard"...) et poète ("Le feu défendu", "Récréations", "Le cœur légendaire"...).
Sans appartenir lui-même réellement au Mouvement surréaliste, il était proche d'Éluard, Aragon, Tzara.
Du recueil "Chansons pour un bichon", qui comprend 60 chansons pour enfants (dont Luc Decaunes a écrit également la musique) et qu'on peut considérer comme des poèmes, voici deux titres :
Le porc-épic (chanson)
Avez-vous vu le porc-épic
Qui se baladait place du Trône ?
Avez-vous vu le porc-épic
Qui remontait la rue Lepic ?
Pic pic pic !
Dit le porc-épic,
Je ne pique pas, ma parole !
Pic pic pic !
Dit le porc-épic,
Je ne pique pas les aspics !
Luc Decaunes ("Chansons pour un bichon" - Éditions Seghers, 1979 et réédition 1999)
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Le tamanoir n'est pas bien vu (chanson)
Refrain :
Non !
Je ne veux pas vous voir,
Monsieur le Tamanoir !
I
Dans notre ferme il est un chien
Qui sent mauvais, qui ne vaut rien ;
Chacun se sauve quand il vient.
Moi... je l'appelle mon copain.
II
Dans la montagne il est un loup
Avec des yeux comme des trous
Et le cœur dur comme caillou
... À qui j'ai donné rendez-vous.
III
Dans la rivière est un poisson
Qui ne mord pas les hameçons,
Seulement les petits garçons.
... On est amis comme cochons !
IV
Et dans mon lit sont des souris
Rongeant mes pieds à petits cris.
... Je leur apporte chaque nuit
Du bon fromage et du pain bis.
V
J'ai rencontré un éléphant,
Trompe terrible et grandes dents,
Qui fait peur à tous les enfants !
... Il a mon cœur, ce bon géant.
Luc Decaunes ("Chansons pour un bichon" - Éditions Seghers, 1979 et réédition 1999)
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Dans son recueil "Récréations" (Éditions Rougerie, 1977), Luc Decaunes s'est amusé à détourner des proverbes, des dictons.
En voici quelques-uns, choisis parmi les plus "convenables". Le jeu pour les élèves consiste à retrouver le proverbe initial :
Proverbes
Il n'y a pas de fusée sans queue.
Qui va en classe, perd sa grâce.
L'ennui porte conseil.
Il y a loin de la poule au lièvre.
Plus on a de poux, plus on vit.
Un bon chien vaut mieux que deux rats.
Tel blair, tel pif.
Qui trop embrase mal éteint *.
Luc Decaunes ("Récréations" - Éditions Rougerie, 1977)
* On trouve ce dernier proverbe dans un album du "Chat" de Philippe Geluck, les grands spirituels se rencontrent.
Détournement de proverbes, de dictons
Répertorier des dictons et des proverbes, dans lesquels on remplacera certains noms ou verbes par des mots de sonorités approchantes, en gardant la construction initiale. C'est encore mieux si le proverbe prend un nouveau sens, amusant (comme plusieurs dans la liste ci-dessus).
Exemples classiques (ou presque) :
Ne remets jamais à deux mains ce que tu peux faire avec une seule.
Un seul hêtre vous manque et tout est des peupliers (attribué à Raymond Queneau).
À vaincre sans baril, on triomphe sans boire.
- Une variante consiste à ne modifier que la fin du proverbe, pour provoquer une surprise. marquer un temps d'arrêt avant la "chute".
Exemples :
Neige en novembre ... Noël en décembre.
C'est au pied du mur qu'on voit le mieux ... le mur (JM Bigard).
On a souvent besoin de petits pois chez soi (ancienne publicité)
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Exemples d'un autre auteur, Guy de la Mothe ("Jeu des proverbes travestis", dans "Notes en marge") :
Jamais deux sans trois devient > Jamais deux sans toi.
À quelque chose malheur est bon devient > À quelque rose bonheur est bon.
Mon verre n'est pas grand mais je bois dans mon verre devient > Mon rêve n'est pas grand mais je bois dans mon rêve.
variante proposée par le blog : Mon rêve n'est pas grand mais je crois dans (ou "en") mon rêve.
- Lise Deharme -
Lise Deharme (1907-1981), est une romancière et poète française, proche des Surréalistes.
Quelques poèmes pour les enfants :
L'horloger
La petite bête
Qui est dans la montre
Je l’entends gratter
Je l’entends taper
Je l’entends sonner
Que dit-elle ? Tic-tac
Tic-tac-tic
La petite bête
Est morte ce soir
Monsieur l’horloger
Veux-tu la retrouver
Veux-tu la ramener
Ma petite bête.
Ne veut plus chanter
La petite bête
Monsieur l’horloger
Me l’a retrouvée
Elle était coincée
Par un grain de blé
Que dit-elle ? Tic-tac
Tic-tac-tic
Lise Deharme ("Le coeur de Pic" - photographies de Claude Cahun - éditions Corti, 1937 et Éditions MeMo, 2004)
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La poule noire
La poule noire
dans le potager
a crié
comme une enragée.
Les fermiers
sont allés la voir ;
elle a dit qu'il allait pleuvoir.
On ne l'a pas crue lanturlu,
et mon beau chapeau est perdu !
Lise Deharme ("Cahiers de curieuse personne" - éditions des Cahiers libres, 1933)
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La plume
Une plume est tombée
par terre.
Va la ramasser.
- Pour quoi faire ?
Il va pousser un plumier.
Lise Deharme ("Le coeur de Pic" - photographies de Claude Cahun - éditions Corti, 1937 et Éditions MeMo, 2004)
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Curieuse
Tes cheveux sont des araignées noires et griffues
ton front un désert de sable blond
ton nez une vague de son
tes dents ont faim
ta bouche est fine
ton menton
une colline aiguë
mais tes yeux sont deux cratères
de lave et de gouffres ouverts
semés d'étincelles et de feu
Tes yeux sont deux mondes perdus.
Lise Deharme ("Le coeur de Pic" - photographies de Claude Cahun - éditions Corti, 1937 et Éditions MeMo, 2004)
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Le cochon blond
Le cochon blond
aime le jambon
Il l’aime
jusqu’à l’indigestion
mais ce n’est pas bon
pour lui-même.
Lise Deharme ("Cahiers de curieuse personne" - éditions des Cahiers libres, 1933)
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Les pâquerettes
Les pâquerettes
trop simplettes
sont des petites dames
sans âme.
Elles font des rondes le jeudi
et sont mangées par les brebis
le vendredi.
Lise Deharme ("Cahiers de curieuse personne" - éditions des Cahiers libres, 1933)
- Lucie Delarue-Mardrus -
Lucie Delarue-Mardrus (1874-1945) a écrit de nombreux poèmes, romans, contes et nouvelles. Elle était aussi dessinatrice, sculptrice et historienne.
Notre recueil référence est "Poèmes mignons pour les enfants". C'est de cet ouvrage que sont tirés les textes ci-dessous.
Petites souris
C’est la petite souris grise,
Dans sa cachette elle est assise.
Quand elle n’est pas dans son trou,
C’est qu’elle galope partout.
C’est la petite souris blanche
Qui ronge le pain sur la planche.
Aussitôt qu’elle entend du bruit,
Dans sa maison elle s’enfuit.
C’est la petite souris brune
Qui se promène au clair de lune,
Si le chat miaule en dormant,
Elle se sauve prestement.
C’est la petite souris rouge,
Elle a peur aussitôt qu’on bouge !
Mais, lorsque personne n’est là,
Elle mange tout ce qu’on a.
Lucie Delarue-Mardrus (ouvrage cité)
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Problème
On coupe deux pommes en quatre,
Combien cela fait-il de quarts ?
Hélas ! Au lieu de me débattre,
J'aimerais mieux manger les parts !
Lucie Delarue-Mardrus (ouvrage cité)
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Le chat noir
J'ai dans ma cave un chat noir.
Ses yeux sont de couleur claire.
Mais s'il les ferme, bonsoir !
Pour le trouver, rien á faire !
Lucie Delarue-Mardrus (ouvrage cité)
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Les poissons rouges
- Les poissons rouges du bocal
Ont de l'eau par-dessus la tête.
Cela ne leur fait donc pas mal ?
- Bien sûr que non, petite bête !
Vois s'ils sont vifs et déliés !
C'est dans l'air qu'ils seraient noyés.
Lucie Delarue-Mardrus (ouvrage cité)
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Les vaches
Quand je traverse le terrain,
Les vaches des fermes modèles,
Pourquoi donc me regardent-elles ?
Pourtant je ne suis pas un train !
Lucie Delarue-Mardrus (ouvrage cité)
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Le cochon
- Pourquoi marche-t-il, le cochon,
Si fier à travers la prairie ?
- C'est qu'à lui tout seul, des pieds au front,
Il est une charcuterie.
Lucie Delarue-Mardrus ("Poèmes mignons pour les enfants" - Gedalge, 1929)
- Marceline Desbordes-Valmore -
Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) publie à l'âge de 23 ans son premier recueil : Élégies, Marie et Romances. Sensible, romantique, lyrique, sa poésie humaniste et sociale invente de nouvelles formes dont se sont inspirés sans doute des poètes comme Verlaine et Rimbaud.
plusieurs poèmes, pour sa fille et pour d'autres enfants :
Ma fille
T'es ma fille ! T'es ma poule !
T'es le petit coeur qui roule
Tout à l'entour de mon coeur !
T'es le p'tit Jésus d'ta mère !
Tiens ! gnia pas d'souffrance amère
Que ma fill' n'en soit l'vainqueur.
Gnia pas à dir', faut qu'tu manges.
Quoiqu' tu vienn's d'avec les anges,
Faut manger pour bien grandir.
Mon enfant, j't'aim' tant qu'ça m'lasse;
C'est comme un' cord' qui m'enlace,
Qu' çà finit par m'étourdir.
Qué qu'ça m'fait si m' manqu' queuqu'chose,
Quand j'vois ton p'tit nez tout rose,
Tes dents blanch's comm' des jasmins ;
J'prends tes yeux pour mes étoiles,
Et quand j'te sors de tes toiles
J'tiens l'bon Dieu dans mes deux mains.
T'es ma fille ! T'es ma poule !
T'es le petit coeur qui roule
Tout à l'entour de mon coeur !
T'es le p'tit Jésus d'ta mère !
Tiens ! gnia pas d'souffrance amère
Que ma fill' n'en soit l'vainqueur !
Marceline Desbordes-Valmore ("Poésies en patois")
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À mes enfants
Quand le soleil y passe, ouvrez votre fenêtre ;
Lui seul sait essuyer l’humide et sombre hiver.
Si le bonheur absent vient pour vous reconnaître,
Que votre cœur charmé, tout grand lui soit ouvert !
Gardez-vous de bouder, enfants, contre vous-mêmes.
Sachez : l’or est moins pur qu’un tendre et doux conseil.
Enfants : ne pas sourire à l’ami qui vous aime,
C’est tourner le dos au soleil.
Marceline Desbordes-Valmore
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L'oreiller d'un enfant
Cher petit oreiller, doux et chaud sous ma tête,
Plein de plume choisie, et blanc ! et fait pour moi !
Quand on a peur du vent, des loups, de la tempête,
Cher petit oreiller, que je dors bien sur toi !
Beaucoup, beaucoup d'enfants pauvres et nus, sans mère,
Sans maison, n'ont jamais d'oreiller pour dormir ;
Ils ont toujours sommeil. Ô destinée amère !
Maman ! douce maman ! cela me fait gémir.
Et quand j'ai prié Dieu pour tous ces petits anges
Qui n'ont pas d'oreiller, moi j'embrasse le mien.
Seule, dans mon doux nid qu'à tes pieds tu m'arranges,
Je te bénis, ma mère, et je touche le tien !
Je ne m'éveillerai qu'à la lueur première
De l'aube ; au rideau bleu c'est si gai de la voir !
Je vais dire tout bas ma plus tendre prière :
Donne encore un baiser, douce maman ! Bonsoir !
Marceline Desbordes-Valmore
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Au revoir
Sous tes longs cheveux d'or, quand tu cours sur la grève
Au vent,
Si quelque prompt ramier touche ton front qui rêve
Souvent,
De cette aile d'oiseau ne prends pas, ô ma fille !
D'effroi :
Pour baiser son enfant** c'est une âme qui brille :
C'est moi !
Parmi d'autres enfants qui te font toute heureuse,
Le soir,
Quand tu vas au jardin, lasse d'être rieuse,
T'asseoir;
Si tu t'inquiétais comment je passe l'heure,
Sans toi,
Penche un peu ton oreille à cet oiseau qui pleure :
C'est moi !
Marceline Desbordes-Valmore
* articulation pour l'équilibre du vers : "t'inqui/étais"
** Variante possible : "pour aimer son enfant " (le sens du verbe a évolué). Il serait évidemment préférable de garder la version originale ...
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Un nouveau-né (passage)
...
Toi, cher petit dormeur, notre monde te plaît :
Ton âme est toute blanche et n'a bu que du lait !
Depuis si peu d'instants descendu sur la terre,
Tes yeux nagent encor dans un divin mystère ;
Tu revois la maison d'où tu viens, ton beau ciel,
Et ton baiser qui s'ouvre en a gardé du miel !
Marceline Desbordes-Valmore
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Jours d'été
Pour regarder de près ces aurores nouvelles,
Mes six ans curieux battaient toutes leurs ailes ;
Marchant sur l'alphabet rangé sur mes genoux,
La mouche en bourdonnant me disait : "Venez-vous ? ..."
et mon nom qui teintait dans l'air ardent de joie,
les pigeons sans liens sous leur robe de soie,
Mollement envolés de maison en maison,
Dont le fluide essor entraînait ma raison,
Les arbres, hors des murs, poussant leurs têtes vertes,
jusqu'au fond des jardins les demeures ouvertes,
le rire de l'été sonnant de toutes parts,
Et le congé, sans livre ! errant aux vieux remparts :
Tout combattait ma soeur à l'aiguille attachée ;
tout passait en chantant sous ma tête penchée ;
Tout m'enlevait, boudeuse, et riante à la fois ;
Et l'alphabet toujours s'endormait dans ma voix.
Marceline Desbordes-Valmore ("Bouquets et prières")
- Anne-Marie Désert -
Anne-Marie Désert est une auteure contemporaine. Elle a publié deux recueils : "L'arbre transparent", 1974, réédité en 1983, et le récent "Quatre saisons dans l'arbre transparent", éditions Books On Demand, juin 2010. On retrouve dans ce dernier, avec d'autres textes, les poèmes du premier recueil.
"j'ai ma maison dans un arbre ..."
Anne-Marie Désert a publié son premier recueil en 1983, que des poètes ont salué (Norge, Guillevic ...).
Elle nous donne à voir (août 2010) ce beau texte, qui peut ouvrir les chemins de la poésie sensible aux élèves, dès l'élémentaire :
LES VACHES (titre proposé)
UN TEMPS J’AVAIS UN GRAND SAC
OÙ S’ÉGARAIENT PARFOIS LES VACHES.
J’AIMAIS OUVRIR MON SAC
POUR REGARDER LES TROUPEAUX.
SANS UN REGARD,
LEURS YEUX TROUVAIENT DES CHEMINS
DE TRAVERSE EN HAUT DES ARBRES.
ET DANS LE SILENCE
JE NE LAISSAIS RIEN ENTRER
QUE LEURS SABOTS.
Anne-Marie Désert ("L'arbre transparent") - texte original en capitales d'imprimerie