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1 novembre 2009

Decaunes, Deharme, Delarue-Mardrus, Desbordes-Valmore, Désert - PP12 - ENFANCES - TEXTES EN FRANÇAIS

- Luc Decaunes - et proverbes

Luc Decaunes (1913-2001), instituteur et journaliste français, était écrivain, biographe ("Les idées noires" , "Vie de Paul Éluard"...) et poète ("Le feu défendu", "Récréations", "Le cœur légendaire"...).
Sans appartenir lui-même réellement au Mouvement surréaliste, il était proche d'Éluard, Aragon, Tzara.

Du recueil "Chansons pour un bichon", qui comprend 60 chansons pour enfants (dont Luc Decaunes a écrit également la musique) et qu'on peut considérer comme des poèmes, voici deux titres :

Le porc-épic (chanson)

Avez-vous vu le porc-épic
Qui se baladait place du Trône ?
Avez-vous vu le porc-épic
Qui remontait la rue Lepic ?
Pic pic pic !
Dit le porc-épic,
Je ne pique pas, ma parole !
Pic pic pic !
Dit le porc-épic,
Je ne pique pas les aspics !

Luc Decaunes ("Chansons pour un bichon" - Éditions Seghers, 1979 et réédition 1999)

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Le tamanoir n'est pas bien vu (chanson)

Refrain :
Non !
Je ne veux pas vous voir,
Monsieur le Tamanoir !

I
Dans notre ferme il est un chien
Qui sent mauvais, qui ne vaut rien ;
Chacun se sauve quand il vient.
Moi... je l'appelle mon copain.

II
Dans la montagne il est un loup
Avec des yeux comme des trous
Et le cœur
dur comme caillou
... À qui j'ai donné rendez-vous.

III
Dans la rivière est un poisson
Qui ne mord pas les hameçons,
Seulement les petits garçons.
... On est amis comme cochons !

IV
Et dans mon lit sont des souris
Rongeant mes pieds à petits cris.
... Je leur apporte chaque nuit
Du bon fromage et du pain bis.

V
J'ai rencontré un éléphant,
Trompe terrible et grandes dents,
Qui fait peur à tous les enfants !
... Il a mon cœur, ce bon géant.

Luc Decaunes ("Chansons pour un bichon" - Éditions Seghers, 1979 et réédition 1999)

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Dans son recueil "Récréations" (Éditions Rougerie, 1977), Luc Decaunes s'est amusé à détourner des proverbes, des dictons.
En voici quelques-uns, choisis parmi les plus "convenables". Le jeu pour les élèves consiste à retrouver le proverbe initial :

Proverbes

Il n'y a pas de fusée sans queue.

Qui va en classe, perd sa grâce.

L'ennui porte conseil.

Il y a loin de la poule au lièvre.

Plus on a de poux, plus on vit.

Un bon chien vaut mieux que deux rats.

Tel blair, tel pif.

Qui trop embrase mal éteint *.

Luc Decaunes ("Récréations" - Éditions Rougerie, 1977)

* On trouve ce dernier proverbe dans un album du "Chat" de Philippe Geluck, les grands spirituels se rencontrent.

logo_cr_ation_po_tiqueDétournement de proverbes, de dictons

Répertorier des dictons et des proverbes, dans lesquels on remplacera certains noms ou verbes par des mots de sonorités approchantes, en gardant la construction initiale. C'est encore mieux si le proverbe prend un nouveau sens, amusant (comme plusieurs dans la liste ci-dessus).

Exemples classiques (ou presque) :

Ne remets jamais à deux mains ce que tu peux faire avec une seule.
Un seul hêtre vous manque et tout est des peupliers (attribué à Raymond Queneau).
À vaincre sans baril, on triomphe sans boire.

  • Une variante consiste à ne modifier que la fin du proverbe, pour provoquer une surprise. marquer un temps d'arrêt avant la "chute".

Exemples :
Neige en novembre ... Noël en décembre.
C'est au pied du mur qu'on voit le mieux ... le mur (JM Bigard).
On a souvent besoin de petits pois chez soi (ancienne publicité) 

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Exemples d'un autre auteur, Guy de la Mothe ("Jeu des proverbes travestis", dans "Notes en marge") :

Jamais deux sans trois devient >  Jamais deux sans toi.
À quelque chose malheur est bon devient >  À quelque rose bonheur est bon.
Mon verre n'est pas grand mais je bois dans mon verre devient >  Mon rêve n'est pas grand mais je bois dans mon rêve.

variante proposée par le blog  : Mon rêve n'est pas grand mais je crois dans (ou "en") mon rêve.


 


 

- Lise Deharme -

Lise Deharme (1907-1981), est une romancière et poète française, proche des Surréalistes.

Quelques poèmes pour les enfants :

L'horloger

La petite bête
Qui est dans la montre
Je l’entends gratter
Je l’entends taper
Je l’entends sonner
Que dit-elle ? Tic-tac
Tic-tac-tic

La petite bête
Est morte ce soir
Monsieur l’horloger
Veux-tu la retrouver
Veux-tu la ramener
Ma petite bête.
Ne veut plus chanter

La petite bête
Monsieur l’horloger
Me l’a retrouvée
Elle était coincée
Par un grain de blé
Que dit-elle ? Tic-tac
Tic-tac-tic

Lise Deharme ("Le coeur de Pic" -  photographies de Claude Cahun - éditions Corti, 1937 et Éditions MeMo, 2004)

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La poule noire

La poule noire
dans le potager
a crié
comme une enragée.
Les fermiers
sont allés la voir ;
elle a dit qu'il allait pleuvoir.
On ne l'a pas crue lanturlu,
et mon beau chapeau est perdu !

Lise Deharme ("Cahiers de curieuse personne" - éditions des Cahiers libres, 1933)

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La plume

Une plume est tombée
par terre.
Va la ramasser.
- Pour quoi faire ?
Il va pousser un plumier.

Lise Deharme ("Le coeur de Pic" -  photographies de Claude Cahun - éditions Corti, 1937 et Éditions MeMo, 2004)

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Curieuse

Tes cheveux sont des araignées noires et griffues
ton front un désert de sable blond
ton nez une vague de son
tes dents ont faim
ta bouche est fine
ton menton
une colline aiguë
mais tes yeux sont deux cratères
de lave et de gouffres ouverts
semés d'étincelles et de feu
Tes yeux sont deux mondes perdus.

Lise Deharme ("Le coeur de Pic" -  photographies de Claude Cahun - éditions Corti, 1937 et Éditions MeMo, 2004)

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Le cochon blond

Le cochon blond
aime le jambon
Il l’aime
jusqu’à l’indigestion
mais ce n’est pas bon
pour lui-même.

Lise Deharme ("Cahiers de curieuse personne" - éditions des Cahiers libres, 1933)

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Les pâquerettes

Les pâquerettes
trop simplettes
sont des petites dames
sans âme.
Elles font des rondes le jeudi
et sont mangées par les brebis
le vendredi.

Lise Deharme ("Cahiers de curieuse personne" - éditions des Cahiers libres, 1933)



- Lucie Delarue-Mardrus -

Lucie Delarue-Mardrus (1874-1945) a écrit de nombreux poèmes, romans, contes et nouvelles. Elle était aussi dessinatrice, sculptrice et historienne.

Notre recueil référence est "Poèmes mignons pour les enfants". C'est de cet ouvrage que sont tirés les textes ci-dessous.

 

Petites souris

C’est la petite souris grise,
Dans sa cachette elle est assise.
Quand elle n’est pas dans son trou,
C’est qu’elle galope partout.

C’est la petite souris blanche
Qui ronge le pain sur la planche.
Aussitôt qu’elle entend du bruit,
Dans sa maison elle s’enfuit.

C’est la petite souris brune
Qui se promène au clair de lune,
Si le chat miaule en dormant,
Elle se sauve prestement.

C’est la petite souris rouge,
Elle a peur aussitôt qu’on bouge !
Mais, lorsque personne n’est là,
Elle mange tout ce qu’on a.

Lucie Delarue-Mardrus (ouvrage cité)

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Problème

On coupe deux pommes en quatre,
Combien cela fait-il de quarts ?

Hélas ! Au lieu de me débattre,
J'aimerais mieux manger les parts !

Lucie Delarue-Mardrus (ouvrage cité)

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Le chat noir

J'ai dans ma cave un chat noir.
Ses yeux sont de couleur claire.
Mais s'il les ferme, bonsoir !
Pour le trouver, rien á faire !

Lucie Delarue-Mardrus (ouvrage cité)

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Les poissons rouges

- Les poissons rouges du bocal
Ont de l'eau par-dessus la tête.
Cela ne leur fait donc pas mal ?

- Bien sûr que non, petite bête !
Vois s'ils sont vifs et déliés !
C'est dans l'air qu'ils seraient noyés.

Lucie Delarue-Mardrus (ouvrage cité)

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Les vaches

Quand je traverse le terrain,
Les vaches des fermes modèles,
Pourquoi donc me regardent-elles ?
Pourtant je ne suis pas un train !

Lucie Delarue-Mardrus (ouvrage cité)

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Le cochon

- Pourquoi marche-t-il, le cochon,
Si fier à travers la prairie ?

- C'est qu'à lui tout seul, des pieds au front,
Il est une charcuterie.

Lucie Delarue-Mardrus ("Poèmes mignons pour les enfants" - Gedalge, 1929)



- Marceline Desbordes-Valmore -

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) publie à l'âge de 23 ans son premier recueil : Élégies, Marie et Romances. Sensible, romantique, lyrique, sa poésie humaniste et sociale invente de nouvelles formes dont se sont inspirés sans doute des poètes comme Verlaine et Rimbaud.

plusieurs poèmes, pour sa fille et pour d'autres enfants :

Ma fille

T'es ma fille ! T'es ma poule !
T'es le petit coeur qui roule
Tout à l'entour de mon coeur !
T'es le p'tit Jésus d'ta mère !
Tiens ! gnia pas d'souffrance amère
Que ma fill' n'en soit l'vainqueur.

Gnia pas à dir', faut qu'tu manges.
Quoiqu' tu vienn's d'avec les anges,
Faut manger pour bien grandir.
Mon enfant, j't'aim' tant qu'ça m'lasse;
C'est comme un' cord' qui m'enlace,
Qu' çà finit par m'étourdir.

Qué qu'ça m'fait si m' manqu' queuqu'chose,
Quand j'vois ton p'tit nez tout rose,
Tes dents blanch's comm' des jasmins ;
J'prends tes yeux pour mes étoiles,
Et quand j'te sors de tes toiles
J'tiens l'bon Dieu dans mes deux mains.

T'es ma fille ! T'es ma poule !
T'es le petit coeur qui roule
Tout à l'entour de mon coeur !
T'es le p'tit Jésus d'ta mère !
Tiens ! gnia pas d'souffrance amère
Que ma fill' n'en soit l'vainqueur !
 

Marceline Desbordes-Valmore ("Poésies en patois") 

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À mes enfants

Quand le soleil y passe, ouvrez votre fenêtre ;
Lui seul sait essuyer l’humide et sombre hiver.
Si le bonheur absent vient pour vous reconnaître,
Que votre cœur charmé, tout grand lui soit ouvert !

Gardez-vous de bouder, enfants, contre vous-mêmes.
Sachez : l’or est moins pur qu’un tendre et doux conseil.
Enfants : ne pas sourire à l’ami qui vous aime,
C’est tourner le dos au soleil.

Marceline Desbordes-Valmore

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L'oreiller d'un enfant

Cher petit oreiller, doux et chaud sous ma tête,
Plein de plume choisie, et blanc ! et fait pour moi !
Quand on a peur du vent, des loups, de la tempête,
Cher petit oreiller, que je dors bien sur toi !

Beaucoup, beaucoup d'enfants pauvres et nus, sans mère,
Sans maison, n'ont jamais d'oreiller pour dormir ;
Ils ont toujours sommeil. Ô destinée amère !
Maman ! douce maman ! cela me fait gémir.

Et quand j'ai prié Dieu pour tous ces petits anges
Qui n'ont pas d'oreiller, moi j'embrasse le mien.
Seule, dans mon doux nid qu'à tes pieds tu m'arranges,
Je te bénis, ma mère, et je touche le tien !

Je ne m'éveillerai qu'à la lueur première
De l'aube ; au rideau bleu c'est si gai de la voir !
Je vais dire tout bas ma plus tendre prière :
Donne encore un baiser, douce maman ! Bonsoir !

Marceline Desbordes-Valmore

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Au revoir

Sous tes longs cheveux d'or, quand tu cours sur la grève
Au vent,
Si quelque prompt ramier touche ton front qui rêve
Souvent,
De cette aile d'oiseau ne prends pas, ô ma fille !
D'effroi :
Pour baiser son enfant** c'est une âme qui brille :
C'est moi !
Parmi d'autres enfants qui te font toute heureuse,
Le soir,
Quand tu vas au jardin, lasse d'être rieuse,
T'asseoir;
Si tu t'inquiétais comment je passe l'heure,
Sans toi,
Penche un peu ton oreille à cet oiseau qui pleure :
C'est moi !

Marceline Desbordes-Valmore

* articulation pour l'équilibre du vers : "t'inqui/étais"
** Variante possible : "pour aimer son enfant " (le sens du verbe a évolué). Il serait évidemment préférable de garder la version originale ...

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Un nouveau-né (passage)

...
Toi, cher petit dormeur, notre monde te plaît :
Ton âme est toute blanche et n'a bu que du lait !
Depuis si peu d'instants descendu sur la terre,
Tes yeux nagent encor dans un divin mystère ;
Tu revois la maison d'où tu viens, ton beau ciel,
Et ton baiser qui s'ouvre en a gardé du miel !

Marceline Desbordes-Valmore

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Jours d'été

Pour regarder de près ces aurores nouvelles,
Mes six ans curieux battaient toutes leurs ailes ;
Marchant sur l'alphabet rangé sur mes genoux,
La mouche en bourdonnant me disait : "Venez-vous ? ..."
et mon nom qui teintait dans l'air ardent de joie,
les pigeons sans liens sous leur robe de soie,
Mollement envolés de maison en maison,
Dont le fluide essor entraînait ma raison,
Les arbres, hors des murs, poussant leurs têtes vertes,
jusqu'au fond des jardins les demeures ouvertes,
le rire de l'été sonnant de toutes parts,
Et le congé, sans livre ! errant aux vieux remparts :
Tout combattait ma soeur à l'aiguille attachée ;
tout passait en chantant sous ma tête penchée ;
Tout m'enlevait, boudeuse, et riante à la fois ;
Et l'alphabet toujours s'endormait dans ma voix.

Marceline Desbordes-Valmore ("Bouquets et prières")



- Anne-Marie Désert -

Anne-Marie Désert est une auteure contemporaine. Elle a publié deux recueils : "L'arbre transparent", 1974, réédité en 1983, et le récent "Quatre saisons dans l'arbre transparent", éditions Books On Demand, juin 2010. On retrouve dans ce dernier, avec d'autres textes, les poèmes du premier recueil.

"j'ai ma maison dans un arbre ..."

Anne-Marie Désert a publié son premier recueil en 1983, que des poètes ont salué (Norge, Guillevic ...).

Elle nous donne à voir (août 2010) ce beau texte, qui peut ouvrir les chemins de la poésie sensible aux élèves, dès l'élémentaire :

LES VACHES (titre proposé)

UN TEMPS J’AVAIS UN GRAND SAC
OÙ S’ÉGARAIENT PARFOIS LES VACHES.

J’AIMAIS OUVRIR MON SAC
POUR REGARDER LES TROUPEAUX.

SANS UN REGARD,
LEURS YEUX TROUVAIENT DES CHEMINS
DE TRAVERSE EN HAUT DES ARBRES.

ET DANS LE SILENCE
JE NE LAISSAIS RIEN ENTRER
QUE LEURS SABOTS
.

Anne-Marie Désert ("L'arbre transparent") - texte original en capitales d'imprimerie



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1 novembre 2009

Delouze, Dès, Desbiens, Desnos - PP12 - ENFANCES - TEXTES EN FRANÇAIS

- Marc Delouze -

Marc Delouze est né en 1945.
Extraits de sa biographie sur le site du Printemps des Poètes :
Son premier recueil paraît en 1971. Quelques années plus tard, se refusant à "faire le poète", il s'installe dans un silence éditorial d'une vingtaine d'années, pendant lesquelles il travaille à la recherche de nouveaux supports d'expression poétique liés à la Cité : spectacles de rue, poésie musicale, interventions diverses...et, en 1982, il crée l'association "Les Parvis Poétiques", qui organise des événements, des festivals, des expositions sonores, des lectures-spectacles, etc.

Dernière publication en date : "C'est le monde qui parle" (récit - éditions Verdier, 2007).

Marc Delouze a mis en poèmes animaux les instruments de musique, en voici deux :

Le tambourin

Chitiki le kangourou
a volé plein de grelots
se karapatte à grands sauts
mais son ventre fait un bruit
à réveiller les nuages
Chitiki Chitiki
Chitiki le kangourou
n'est pas surpris

IL EST SOURD

Marc Delouze

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La grosse caisse

Tontakès
le dinosaure
patatauge
dans la gadoue
puis il s'essore
comme un torchon

À PATTES

Marc Delouze



- Henri Dès -

Henri Dès, auteur-compositeur-interprète suisse, est né en 1940. Auteur de plus de 20 albums, il est très connu des enfants, pour ses spectacles publics et scolaires.

Le site officiel du chanteur, où on peut écouter des extraits de tous les titres, rangés par album, et imprimer est ici :
http://www.henrides.net/

On trouve une sélection de textes (31) avec partition, ici :
http://perso.orange.fr/partitions/primaire/des/des.htm

Voici le début d'une chanson extraite du CD Les bêtises (photo):

Avec les copains

On aime bien avec les copainsHenri_D_s_b_tises
Aller faire un tour dans le bois tout près.
On y passe l'après-midi
On fait les malins
On est comme des fous.

On aime bien avec les copains
Aller faire un tour en forêt
On y passe l'après-midi
La forêt elle est rien qu'à nous.

On prend des fusils de chasse
Bout de bois sur un bout d'tuyau
On se frotte la figure
Les deux mains trempées dans de la boue.

On dit qu"on part à la chasse
Dans le pays des zozos
Ça nous fait une drôle d'allure
Y a des loups garous partout ...

Henri Dès (CD "Les bêtises" - Disques Mary Josée, 1999)

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Un deuxième texte, extrait d'un autre disque :

La marche des chapeaux

Quand je mets mon chapeau gris
C'est pour aller sous la pluie

Quand je mets mon chapeau vert
C'est que je suis en colère
Et je mets mon chapeau mou
Quand ça ne va plus du tout

Quand je mets mon galurin
C'est pour aller au jardin

Quand je mets mon chapeau bleu
C'est que ça va déjà mieux
Et je mets mon chapeau blanc
Quand je suis très content

Quand je mets mon p'tit béret
C'est pour aller au muguet

Et je mets mon chapeau rond
Pour aller aux champignons
Avec une plume au bout
C'est pour aller partout

Quand je mets mon grand chapeau
C'est pour jouer du piano

Quand je mets ma p'tite casquette
C'est pour jouer d'la trompette
Et je mets mon capuchon
Pour jouer du violon

Henri Dès (dans le disque "Flagada" - Disques Mary Josée, 2005)



- Patrice Desbiens -

Patrice Desbiens , musicien et poète "Franco-Ontarien" comme il se définit lui-même (il écrit en anglais et en français), est né au Canada dans l'Ontario en 1948. Il s'installe à Québec en 1988.

  • Des recueils aux titres étonnants : "Un Pépin de pomme sur un poêle à bois" en 1995 (Prix Champlain), "La Fissure de la fiction" en 1997 (Prix de poésie Estuaire en 1999), "L’effet de la pluie poussée par le vent sur les bâtiments" en 1999, "Bleu comme un feu" en 2001, et "Hennissements" en 2002, tous aux éditions Prise de parole.
  • Les éditions Prise de parole ont réédité en 2010 trois œuvres de Patrice Desbiens en un seul volume : "Poèmes anglais, Le pays de personne et La fissure de la fiction" (collection Bibliothèque canadienne française) à se procurer pour découvrir cet auteur.

Les poèmes choisis qui suivent situent les souvenirs en Ontario, évidemment, à Timmins, sa ville natale, ou à Sudbury.

À ma naissance
à l’hôpital Notre-Dame à Timmins
tout le monde
veut savoir
c’est-tu
un gars
c’est-tu
une fille ?
Le docteur Boutin regarde le petit
corps césuré qui
flotte comme un cerf-volant au bout
de son cordon ombilical et répond
non ... c’est un poète ...

Patrice Desbiens (passage extrait de "Décalage", Prise de parole, 2008)v

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Je me souviens ...

Je me souviens d'une station wagon qui coupe la nuit
qui ouvre la nuit du nord comme un couteau de chasse
ouvre sa proie
Nous sommes tous là
ma mère ma sœur son mari et ses enfants tous
dans cette voiture c'est
Johnny B. Good Leblanc qui conduit son visage vaguement
éclairé par la lueur du tableau de bord
Je suis le seul des passagers qui ne dort pas tandis
qu'on continue avec un océan de vert meurtri de
chaque côté
Ma soeur dort sur le banc d'en avant
la noirceur qui rentre et sort de sa bouche ouverte
La nuit est longue et sans plis
La nuit est longue et sans plis
La nuit est longue et sans plis
La nuit est longue et sans Soudainement
quelque chose déchire le tissu quelque chose bouge
là et
le pare-brise devient un écran cinémascope les phares
de Twentieth Century Fox et Gulf Western éclairant
l'animal l'animal l'orignal en plein milieu du chemin
qui fige et
fixe son destin qui roule vers lui à 60 milles à
l'heure
Ses yeux ses yeux ses yeux ô dieu son regard jusqu'à
la dernière minute et le choc sourd-muet de fer contre
chair
Et ma soeur qui se réveille en criant un grand cri
fou et
final comme si l'âme de l'orignal avait passé dans
elle en
mourant et enfin
le silence
le silence de notre silence dans
le silence entre
Timmins et Toronto.

Patrice Desbiens (Sudbury, poèmes 1979-1985, Prise de parole, 2000)

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Je suis tout petit ...

[...]

Je suis tout petit.
Je suis dans la maison de ma
mère comme si j’étais dans
son ventre.
J’ai chaud.
Je suis bien.
Je ne me rappelle de rien.
Je joue avec mes Dinky Toys sur
un lit à couverte rouge.
Les plis dans la couverte forment
des montagnes et des vallées où je
les fais promener.

Où je leur fais vivre des vies et des morts
sans corps et sans pays.
Je suis présent dans le passé.
Ma mère me regarde jouer avec mes
Dinky Toys en préparant le déjeuner.
J’écris ceci :
ce mot :
soupane.
Je ne vois rien.
J’ai faim.
J’ai les mains sales d’avoir tellement
joué à la guerre.
Je stationne mes Dinky Toys
dans le hangar sous le lit et je m’assois
à la table.
Je mange comme un ange
les ailes en bavettes sur les
genoux.
Ma mère me regarde
[...]

* titre proposé, ce passage se situe au début du recueil, long poème sans autre titre que celui de l'ouvrage.

Patrice Desbiens (extrait de "Un Pépin de pomme sur un poêle à bois", Prise de parole, 1995)


- Robert Desnos -

Robert Desnos (1900-1945) a fait partie avec Benjamin Péret et André Breton du mouvement Dada et du surréalisme. Il rompra plus tard avec eux. Auteur de nombreux textes poétiques, ses poèmes pour les enfants sont très connus ("Chantefables et Chantefleurs" - Gründ éditeur, 1952).

"Je suis un acrobate de fortune
qui termine son numéro
dans l'exacte nuance de dérisoire."
Robert Desnos, poème "Identité"

D'autres textes de Desnos sont présents sur le blog dans différentes catégories pour la classe (La fourmi - Le pélican - L'escargot - La grenouille aux souliers percés - Les hiboux - Le zèbre - L'oiseau du Colorado - Il était une feuille). Une autre série de textes, souvent plus graves*, sont rangés dans la catégorie du "Printemps des Poètes 2008 : l'Autre" - *voir le complément à la biographie de Desnos dans cette catégorie.

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Ce poème joue sur les échanges de lettres ou de syllabes, à la manière, de contrepèteries, et d'invention de mots, sans l'intention grivoise des contrepèteries classiques :

Le canapé de Paméla

Le canapé de Paméla
Le Panapé de Caméla
Le Panala de Camépé

Est un beau canaquois
Est un nabeau est un naquois
Charmante Panapé
Charmante Paméla

Le charme de Paméla
Le charme du canapé
Il est passé par ici
Il repassera par là
C’est un nabeau c’est un naquois
Charmante Paméla
Délicieux canapé

Robert Desnos ("Youki 1930 Poésie" - publication posthume dans "Destinée arbitraire" - Gallimard, 1975)

logo_cr_ation_po_tique Jouer avec les syllabes

Les élèves peuvent rechercher des mots connus dans le dictionnaire en suivant, comme dans le poème de Robert Desnos, certains critères : le même nombre de syllabes et des voyelles communes, ou pas. Ils s'exercent à la permutation simple de syllabes entre deux mots, et en vérifient le possible effet amusant. On construit ensuite autour des mots appariés un texte structuré, en enrichissant le thème développé, sur le mode humoristique.

L'exemple proposé par le blog ci-dessous, avec des prénoms, est déjà placé au paragraphe Jacques Charpentreau :

Mes trouvailles

J'ai cueilli des radis pour Annie
des rideaux, des radeaux pour Anna...
(texte complet au paragraphe Charpentreau)

On retrouvera avec d'autres auteurs [Boby Lapointe par exemple] d'autres procédés basés sur les jeux de mots.
Voir également "La Belle Lisse Poire du prince de Motordu" de Pef, ainsi que les autres livres de la série, et le "Dictionnaire des mots tordus ", du même auteur.

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Dans le texte qui suit, on observera l'emboîtement des vers. Seule la partie en couleur de ce texte est proposée en élémentaire.

Chant du ciel

La fleur des Alpes disait au coquillage : « tu luis »
Le coquillage disait à la mer : « tu résonnes »
La mer disait au bateau : « tu trembles »
Le bateau disait au feu : « tu brilles »
Le feu me disait : « je brille moins que ses yeux »
Le bateau me disait : « je tremble moins que ton coeur quand elle paraît »

La mer me disait : « je résonne moins que son nom en ton amour »
Le coquillage me disait : « je luis moins que le phosphore du désir dans ton rêve creux »
La fleur des Alpes me disait :« elle est belle »
Je disais : « elle est belle, elle est belle, elle est émouvante ».

Robert Desnos ("Corps et biens", les ténèbres - Gallimard,1930 et Poésie/Gallimard, 1968)

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Dans celui-ci, l'humour est sujet du poème :

Le souci

Et pour qui sont ces six soucis ?
Ces six soucis sont pour mémoire.
Ne froncez donc pas les sourcils,
Ne faites donc pas une histoire,
Mais souriez, car vous aussi,
Vous aussi, aurez des soucis.

Robert Desnos ("Chantefables et Chantefleurs" - Gründ éditeur, publication posthume en 1952)

[La première édition réunit les recueils Chantefables (1944*) et Chantefleurs (1952) ainsi que des jeux de langages, des "poèmes à dire, à chanter, à danser", que Robert Desnos avait écrits pour les enfants de ses amis pendant l'occupation. La préface est de sa compagne, Youki, et les textes sont illustrés par Gabrielle Sauvain.]source : www.marelibri.com *Robert Desnos a été arrêté en 1944 et déporté, avant d'avoir vu la parution de "Chantefables".

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C'était un bon copain

Il avait le cœur sur la main
Et la cervelle dans la lune
C'était un bon copain
Il avait l'estomac dans les talons
Et les yeux dans nos yeux
C'était un triste copain
Il avait la tête à l'envers
Et le feu là où vous pensez
Mais non quoi il avait le feu au derrière
C'était un drôle de copain
Quand il prenait les jambes à son cou
Il mettait son nez partout
C'était un charmant copain
Il avait une dent contre Étienne
A la tienne Étienne à la tienne mon vieux
C'était un amour de copain
Il n'avait pas la langue dans sa poche
Ni la main dans la poche du voisin
Il ne pleurait jamais dans mon gilet
C'était un copain
C'était un bon copain.

Robert Desnos ("Corps et biens" - Gallimard,1930 et Poésie/Gallimard, 1968)

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L’hippocampe

Gloire, gloire au bel hippocampe,
Cheval marin, cheval de trempe,
Qu’aucun jockey n’a chevauché,
Hip ! Hip ! Hip ! pour l’hippocampe.

Gloire ! Gloire au bel hippocampe,
Dans une poche, sur son ventre,
Il porte et il couve ses œufs.
Là, ses petits sont bien chez eux.
Hip ! Hip ! Hip ! pour l’hippocampe.

Robert Desnos ("Chantefables et Chantefleurs" - Gründ éditeur, publication posthume en 1952)

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Les hiboux

Ce sont les mères des hiboux
Qui désiraient chercher les poux
De leurs enfants, leurs petits choux,
En les tenant sur les genoux.

Leurs yeux d'or valent des bijoux
Leur bec est dur comme cailloux,
Ils sont doux comme des joujoux,
Mais aux hiboux point de genoux !

Votre histoire se passait où ?
Chez les Zoulous ? Les Andalous ?
Ou dans la cabane bambou ?
A Moscou ? Ou à Tombouctou ?
En Anjou ou dans le Poitou ?
Au Pérou ou chez les Mandchous ?

Hou ! Hou !
Pas du tout, c'était chez les fous.

Robert Desnos ("Chantefables et Chantefleurs" - Gründ éditeur, publication posthume en 1952)

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Le pélican

Le capitaine Jonathan,
Étant âgé de dix-huit ans
Capture un jour un pélican
Dans une île d'Extrême-orient,

Le pélican de Jonathan
Au matin, pond un oeuf tout blanc
Et il en sort un pélican
Lui ressemblant étonnamment.

Et ce deuxième pélican
Pond, à son tour, un oeuf tout blanc
D'où sort, inévitablement
Un autre, qui en fait autant.

Cela peut durer pendant très longtemps
Si l'on ne fait pas d'omelette avant.

Robert Desnos ("Chantefables et Chantefleurs" - Gründ éditeur, publication posthume en 1952)

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Le blaireau

Pour faire ma barbe
Je veux un blaireau,
Graine de rhubarbe,
Graine de poireau.

Par mes poils de barbe !
S'écrie le blaireau,
Graine de rhubarbe,
Graine de poireau,

Tu feras ta barbe
Avec un poireau,
Graine de rhubarbe,
T'auras pas ma peau.

Robert Desnos ("Chantefables et Chantefleurs" - Gründ éditeur, publication posthume en 1952)

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Illustr_Desnos_fourmi

Fourmi_au_feutre_ind_l_bile_JSE2<< ci-contre, fourmi au feutre indélébile sur fond gouache et huile, réalisation en élémentaire en atelier d'arts plastiques. Techniques d'illustration visibles sur le blog
http://jourssemisentre2.canalblog.com/

La fourmi

Une fourmi de dix-huit mètres
Avec un chapeau sur la tête,
Ça n'existe pas, ça n'existe pas.
Une fourmi traînant un char
Plein de pingouins et de canards,
Ça n'existe pas, ça n'existe pas.
Une fourmi parlant français;
Parlant latin et javanais,
Ça n'existe pas, ça n'existe pas.
Eh ! Pourquoi pas ?

Robert Desnos ("Chantefables et Chantefleurs" - Gründ éditeur, publication posthume en 1952)

logo_cr_ation_po_tiqueÀ la manière de "une fourmi de dix-huit mètres ..."

voici une adresse où vous trouverez des textes imités de "La fourmi" : http://clicnet.swarthmore.edu/rire/textes/desnos.html

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La dame pavot nouvelle épousée

La dame pavot nouvelle épousée
a demandé à son mari
Quelle est l'année ?
Quel est le mois ?
Quelle est la semaine ?
Quel est le jour ?
Quelle est l'heure ?
Et son mari a répondu
- Nous sommes en l'an quarante
nous sommes au mois de Juillobre
semaine des quatre jeudis
jour de gloire
midi sonné.
Belle année, agréable mois,
charmante semaine,
jour merveilleux
Heure délicieuse.

Robert Desnos ("Le parterre d'Hyacinthe" publication posthume dans "Destinée arbitraire" - Gallimard, 1975).

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Par un point situé sur un plan...

Par un point situé sur un plan
On ne peut faire passer qu'une perpendiculaire
à ce plan.
On dit ça...
Mais par tous les points de mon plan à moi
On peut faire passer tous les hommes, tous les animaux de la terre
Alors votre perpendiculaire me fait rire.
Et pas seulement les hommes et les bêtes
Mais encore beaucoup de choses
Des cailloux
Des fleurs
Des nuages
Mon père et ma mère
Un bateau à voiles
Un tuyau de poêle
Et si cela me plaît
Quatre cents millions de perpendiculaires.

Robert Desnos ("La géométrie de Daniel" 1939 - publié aux éditions Gallimard dans "Destinée arbitraire", en 1975)

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L'oiseau du Colorado

L’oiseau du Colorado
Mange du miel et des gâteaux
Du chocolat et des mandarines
Des dragées des nougatines
Des framboises des roudoudous
De la glace et du caramel mou.

L’oiseau du Colorado
Boit du champagne et du sirop
Suc de fraise et lait d’autruche
Jus d’ananas glacé en cruche
Sang de pêche et navet
Whisky menthe et café.

L’oiseau du Colorado
Dans un grand lit fait un petit dodo
Puis il s’envole dans les nuages
Pour regarder les images
Et jouer un bon moment
Avec la pluie et le beau temps.

Robert Desnos ("La ménagerie de Tristan" publié dans "Destinée arbitraire" - Poésie Gallimard, 1975)

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Le poisson sans-souci (extrait)

Le poisson sans-souci
Vous dit bonjour vous dit bonsoir
Ah ! qu’il est doux qu’il est poli
Le poisson sans-souci.

Il ne craint pas le mois d’avril
Et tant pis pour le pêcheur
Adieu l’appât adieu le fil
Et le poisson cuit dans le beurre.

[...]

Le poisson sans-souci
Qui dit bonjour qui dit bonsoir
Ah ! qu’il est doux et poli
Le poisson sans-souci
Le souci sans souci
Le Poissy sans Soissons
Le saucisson sans poids
Le poisson sans-souci.

Robert Desnos ("La ménagerie de Tristan" publié dans "Destinée arbitraire" - Poésie Gallimard, 1975)

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Les passages du poème qui suit sont comparables à des bribes d'images au sortir d'un rêve qu'on ne parvient pas à reconstituer. Des collages de mots, un bout de phrase ...

Demi-rêve (extrait)

abougazelle élaromire
Elaroseille a la mijelle
a la mirate a la taraise

[...]

Il est bonjour au coeur de lune
Le ciel alors lagélami
Lagélasou lagésommeil
Lagébonneil Légésonjour.

Robert Desnos ("Destinée arbitraire" - Poésie Gallimard, 1975)

logo_cr_ation_po_tiqueInventer des mots : Les mots inventés ici par Robert Desnos sont choisis pour leur sonorité, leur pouvoir d'évocation, et pour le rythme du poème.

On peut obtenir un effet approchant en partant d'un poème court , existant ou original, en remplaçant la plupart des mots par des associations de syllabes aux sonorités plaisantes.

Voir Guillevic, Boby Lapointe, Boris Vian.



1 novembre 2009

Desnoues, Develle, Deville, Dubois-Jallais - PP12 - ENFANCES - TEXTES EN FRANÇAIS

- Lucienne Desnoues -

Lucienne Desnoues (1921-2004) poète, a également écrit des contes pour les enfants,.

Rimes riches pour mirliton (extrait)

Pourquoi grognes-tu Gaston ?
T'agace-t-on ?
As-tu pris la grippe ? A-t-on
Écrasé ton ripaton ?
Sur la patte à ton chaton
Marcha-t-on ?
...

Lors des étés à hannetons
Ahane-t-on ?
Quand on est un baryton,
Barrit-on ?
Et python,
Épie-t-on ?
Lorsqu'on est émir, lit-on
En jouant du mirliton ?

Lucienne Desnoues (dans "Mon premier livre de poèmes pour rire" - réunis par Jacques Charpentreau - Éditions Ouvrières, Petite Enfance heureuse, 1986)

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Mesures

Les kilomètres signés
Marquise de Sévigné.
Les arpents de La Fontaine
Aux mesures bien certaines
Dans leurs jalons inégaux.
Les hectares de Hugo.
Flaubert qui ponce et qui rogne.
Verlaine en ses doigts d'ivrogne.
Une jauge de cristal.
Le gros tonnage mental
Des Écoles, des Églises,
Quatre vers qui se relisent,
Quatre mille jamais plus,
Quatre millions jamais lus.
Rimbaud, voltage terrible.
Mallarmé, avare crible
Pour des onces, des carats.
Le gramme qui survivra.
Le quintal qu'on enterre.
L'alexandrin solitaire
Qui reverdira pourtant,
Repercement du printemps.
La toise du grand Molière.
Le lourd aunage de lierre
Qui drape Chateaubriand.
Tes sveltes compas brillants,
Tes balances minuscules,
Proust. O Balzac, tes bascules.
L'acre et le mille hantés
De Shakespeare et de Bronté.
Melville, tes encablures
Où des baleines se plurent.
La veste de Féodor,
La lieue où l'ogre s'endort.

Quels mesureurs elles eurent
Nos humaines démesures !

Lucienne Desnoues ("La plume d'oie", 1971)

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Le face-à-face

Toute droite, la violette,
Avec ses oreilles de faon,
Ecoute le chant triomphant
De la source qui la reflète.

A h ! Quelle passion me pousse
A saisir ce gibier subtil,
Ce frais petit fauve d'avril,
Entre mon index et mon pouce ?

je te hausserai vers la nue
Et je renverserai le front
Et face-à-face nous serons,
Moi le géant, toi la menue.

Si claire figure foncée,
Lueur montant du fond du noir,
Mon espoir et mon désespoir,
L'infini dans une pincée,

Fleur enfant, très ancien sourire,
Éternel museau d'un instant,
Qu'avons-nous donc tous les printemps
De si pathétique à nous dire ?

Lucienne Desnoues 



- Jean-Pierre Develle -

Jean-Pierre Develle est un auteur contemporain. Ce texte a été trouvé dans le recueil du Concours de poésie de la RATP :

Qu’est-ce qui ne va pas sur la terre ?

C’est le chat, dit la souris
C’est le lion, dit la gazelle
C’est le loup, dit l’agneau
C’est l’homme, dit l’homme

Jean-Pierre Develle ("Des rimes et des rames" - recueil de textes du concours Concours de poésie dans le métro 2002-2003, éditions de la Voûte)



- Michel Deville -

Michel Deville est né en 1931. C'est un cinéaste connu : Un Monde presque paisible, La Maladie de Sachs, Benjamin ou les Mémoires d’un puceau, Péril en la demeure, le Dossier 51, La Lectrice
C'est aussi un poète, moins connu, auteur de huit recueils au Cherche-midi éditeur : Rien n'est sûr, Poézies, Mots en l'air, L'Air de rien ...

Sabotage

Ils avaient fabriqué
Un chat botté,
Mais mal  :
Il zézayait,
Leur animal.

Moralité :
Le saboté.

Michel Deville ("Poèmes zimpromptus", éditions Saint-Germain-des-Prés, 1984)

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Tristan et Yseutmots_en_l_air_blog

- Parle-moi, dit Yseut à Tristan.
- Je t'aime, dit Tristan à Yseut.
- Je sais. Mais c'est tout ? demanda Yseut.
- Je t'aime beaucoup, répondit Tristan.
- Mais encore ? insista Yseut.
- Je t'adore, ajouta Tristan.
- C'est attristant, pensa Yseut.

Michel Deville ("Mots en l'air" 1993)

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Un autre clin d'oeil :

Mots Croisés

Les grands seigneurs, les chevaliers,
Les grands prélats ou de moins grands
Et la cohorte des manants
En route vers Jérusalem
S'arrêtaient le soir, harassés.
Certains écrivaient des poèmes,
D'autres, toujours l'amour des mots,
Devant les grilles des châteaux
Jouaient à un jeu
Baptisé
En souvenir d'eux
Mots croisés.

Michel Deville ("les Croisades")

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Un texte à la manière de Rudyard Kipling ("Tu seras un homme mon fils", voir plus bas ) ...

Lorsque et si ...

Lorsque l'on tremble encore à l'approche de l'autre,
Lorsque le doute encore est infiniment nôtre,
Lorsque les intuitions sont approximatives,
Lorsque devient l'humeur, pour un rien, agressive,
Lorsque la main est moite et le regard crétin,
Lorsque le tutoiement est encore incertain,
Lorsqu'on éclate en pleurs pour une peccadille,
C'est qu'on est amoureux, ma fille.

Si tu ne trembles plus, si tu n'as plus de doute,
Si ton humeur est droite ainsi qu'une autoroute,
Si galante est ta main
Et ton regard câlin,
Si tu en viens au tu sans tergiversation,
Si tu ne pleures plus avec obstination,
Si tu tires la langue à toute ta famille,
Tu seras un homme, ma fille.

Michel Deville ("Rien n'est sûr")

Voici le poème original, que Rudyard Kipling, a écrit "If ..." (Si ...), en 1910. C'est la version traduite de l'anglais par l'écrivain Pierre Maurois (en 1918), qui est généralement retenue :

Tu seras un Homme, mon Fils (autre titre : Si ...)

Si tu peux voir détruit l'ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
Ou, perdre d'un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir ;

Si tu peux être amant sans être fou d'amour,
Si tu peux être fort sans cesser d'être tendre
Et, te sentant haï sans haïr à ton tour,
Pourtant lutter et te défendre ;

Si tu peux supporter d'entendre tes paroles
Travesties par des gueux pour exciter des sots,
Et d'entendre mentir sur toi leur bouche folle,
Sans mentir toi-même d'un seul mot ;

Si tu peux rester digne en étant populaire,
Si tu peux rester peuple en conseillant les rois
Et si tu peux aimer tous tes amis en frère
Sans qu'aucun d'eux soit tout pour toi ;

Si tu sais méditer, observer et connaître
Sans jamais devenir sceptique ou destructeur ;
Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître,
Penser sans n'être qu'un penseur ;

Si tu peux être dur sans jamais être en rage,
Si tu peux être brave et jamais imprudent,
Si tu sais être bon, si tu sais être sage
Sans être moral ni pédant ;

Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite
Et recevoir ces deux menteurs d'un même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront,

Alors, les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire
Seront à tout jamais tes esclaves soumis
Et, ce qui vaut bien mieux que les Rois et la Gloire,

Tu seras un Homme, mon fils.

Rudyard Kipling   (Bernard Lavilliers l'a mis en musique et interprété (1988).

Pour les amateurs, il existe d'autres traductions de la poésie de Kipling, la dernière de 2006 !

Voyez plutôt ici : http://www.crescenzo.nom.fr/kipling.html

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Le vieux cheval

On le fit galoper,
Il galopa,
Puis on le fit marcher
(Au pas au pas),
Ensuite on exigea
Qu'il voulût bien trotter,
Mais là, tout net, il refusa
Et laconique, il expliqua :
- Trot, c'est trop

Michel Deville ("poéZies" - Le cherche midi éditeur, 1990)

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Le chat chinois

Cet après-midi
Un chat chinois prit
La portion de riz
D'un gros poussah gris
qui poussa des cris
Que l'on entendit
De Chine à Paris.

Le chat rit ravi
Du charivari.

Michel Deville ("poéZies" - Le cherche midi éditeur, 1990)



- Denise Dubois-Jallais -

Denise Dubois-Jallais, romancière et poète, est née en 1932. "Exaltation de la vie quotidienne" rassemble une partie de son oeuvre poétique.

Le temps des mirages

Tu dis
Regarde les cheveux
Et c'est un arbre
Tu dis
Donne la lune
Pour manger
Tu dis
Je t'aime
Grand comme une maison
Tu prends les grains de café
Pour des chocolats
Le mimosa
Pour des œufs durs
Les nuages
Pour des locomotives
Tu crois
Que les phares ont des yeux
Que les autos ont des oreilles
Que les chats parlent
Que les vaches existent
Seulement sur les gruyères.

Denise Dubois-Jallais ("Exaltation de la vie quotidienne"- éditions Stock, 1976)

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Les rites

Je te dis
Bonsoir Cerise
Bonsoir Pain d'épice
Dors bien mon sapin
À demain laitue
Sois sage écureuil à la crème
Et tu ris
Tu ris de toute ta bouche claire
Et j'entends ton cœur qui bat fort
Comme celui d'un faon qui court
Et tu m'embrasses
Et tu jettes tous
les draps
Et tu tires mes tresses
Et tu me dis bonsoir à l'oreille
En trébuchant
Sur tes deux ans
Et ton pyjama

Denise Dubois-Jallais ("Les couleurs de la mer"- éditions Seghers, 1956)



1 novembre 2009

Dupuy-Dunier, Durry - PP12 - ENFANCES - TEXTES EN FRANÇAIS

- Chantal Dupuy-Dunier -

Chantal Dupuy-Dunier est née en 1949.

Pour nous, plus grands, nos chagrins d'enfants :

Les animaux ...

Les animaux,
Les petits,
Les gros aussi, ils meurent tous,
ceux des maisons
comme ceux qui vivent dehors,
Les fourmis de dix-huit mètres
avec ou sans chapeau,
les étourneaux trop étourdis,
la chèvre de Monsieur Seguin.
Elle s'est battue toute la nuit
avant de se faire bouffer par le loup
au matin
- ça m'fout encore la larme à l'oeil
cette histoire parfumée
d'accent provençal et de serpolet -,
cette chèvre-là, elle est restée,
en quelque sorte,
mon héros dans la vie,
une libertaire,
une vraie résistante.

Chantal Dupuy-Dunier ("Où qu'on va après ?" - éditions Le dé bleu)



- Yves Duteil -

Yves Duteil (né en 1949 ) est un auteur-compositeur-interprète français.

"Prendre un enfant par la main" est sans doute sa chanson la plus connue.


Prendre un enfant par la main

Prendre un enfant par la main
Pour l'emmener vers demain.
Pour lui donner la confiance en son pas
Prendre un enfant pour un roi.
Prendre un enfant dans ses bras
Et pour la première fois
Sécher ses larmes en étouffant de joie
Prendre un enfant dans ses bras.

Prendre un enfant par le coeur
Pour soulager ses malheurs,
Tout doucement, sans parler, sans pudeur,
Prendre un enfant sur son coeur.
Prendre un enfant dans ses bras
Mais pour la première fois
Verser des larmes en étouffant sa joie,
Prendre un enfant contre soi.

Prendre un enfant par la main
Et lui chanter des refrains
Pour qu'il s'endorme à la tombée du jour,
Prendre un enfant par l'amour.
Prendre un enfant comme il vient
Et consoler ses chagrins,
Vivre sa vie des années puis soudain,
Prendre un enfant par la main,
En regardant tout au bout du chemin

Prendre un enfant pour le sien.

Yves Duteil (dans l'album : Tarentelle, EMI, 1977)



- Marie-Jeanne Durry -

Marie-Jeanne Durry (1901-1980) est une poète, essayiste et universitaire, auteure de recueils de poésie et d'ouvrages sur des écrivains (Chateaubriand, Flaubert ...)

Rêve d'enfant ?

Chanson

J'ai volé un petit nuage
Pour me promener

Je flotte sur les villages
D'un monde abandonné

Vous pouvez vous mettre en chasse
Vous ne m'attraperez pas

Mais d'en haut je tends mes nasses
Viens partager mon repas

De gouttes et d'étincelles
Viens partager mon repas

Je plonge et je te soulève
Jusqu'à mon nid dans le ciel

Le soleil est sur nos lèvres
Un gâteau de miel

Écoute comme je chante
Vois naître dans l'air

Les agiles couleurs changeantes
Qui frémissent sur la mer.

Marie-Jeanne Durry



1 novembre 2009

Éluard, Ferré, Fombeure- PP12 - ENFANCES - TEXTES EN FRANÇAIS

- Paul Éluard -

Paul Éluard (1895-1952) est l'un des plus importants poètes du Mouvement surréaliste. Il a aussi participé au mouvement Dada.

Sur la maison du rire

Sur la maison du rire
Un oiseau rit dans ses ailes,
Le monde est si léger
Qu'il n'est plus à sa place
Et si gai
Qu'il ne lui manque rien.

Paul Éluard

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Dans Paris

Dans Paris il y a une rue;
Dans cette rue il y a une maison;
Dans cette maison il y a un escalier;
Dans cet escalier il y a une chambre;
Dans cette chambre il y a une table;livre_Eluard_dans_paris
Sur cette table il y a un tapis;
Sur ce tapis il y a une cage;

Dans cette cage il y a un nid;
Dans ce nid il y a un œuf,
Dans cet œuf il y a un oiseau.

L'oiseau renversa l'œuf;
L'œuf renversa le nid;
Le nid renversa la cage;

La cage renversa le tapis;
Le tapis renversa la table;
La table renversa la chambre;
La chambre renversa l'escalier;
L'escalier renversa la maison;
La maison renversa la rue;
La rue renversa la ville de Paris.

Paul Éluard (livre "Dans Paris, il y a ..." Didier Jeunesse, 1998 et Rue du Monde, Collection  Petits Géants, 2001)

logo_cr_ation_po_tiqueÀ la manière de "dans Paris il y a ...", le poème-gigogne :

À la manière de Paul Éluard, on construira un poème avec un enchaînement d'éléments, d'événements, à la manière d'emboîtements de poupées gigognes. Voyez ici des exemples de création poétique sur ce modèle : http://ecperchl.edres74.ac-grenoble.fr/spip.php?article28

Mais on privilégiera, pour le thème de l'humour, les situations les plus bizarres. On pourait imaginer par exemple ce genre de comptine en boucle (voir Marabout, bout d'ficelle dans le paragraphe des Jeux):

Dans ma maison il y a ma chambre / dans ma chambre il y a une armoire / dans cette armoire  il y a un arbre / dans cet arbre il y a une maison / Dans cette maison il y a ma chambre ...



- Léo Ferré -

Léo Ferré (1916-1993) est un poète, auteur-compositeur interprète. Anarchiste militant à sa manière pour une organisation libertaire de la société. Antimilitariste bien sûr et contre tous les dogmes, il a aussi magnifiquement chanté l'amour, et ici, l'enfance :

L'enfance

Souviens-toi des souliers usés, des vendredis
Et le poisson qui se rendait sur la table à midi
Et qu'il marchait tout seul, qu'il n'était pas poli
Frais ou pas le maquereau faut que ça fasse des chichis
Souviens-toi des jeudis et de la mère Larousse
Le frangin à rabat comme un flic à tes trousses
Et ta plume qui grattait sous l'oeil de ce bandit
Qu'une certaine envie mettait à ta merci

L'enfance
C'est un chagrin cueilli de frais
C'est un jardin, c'est un bouquet
C'est des épines aussi
L'enfance
C'est le paradis dans du cambouis
C'est des caresses au fond de la nuit
C'est une leçon d'ennui
L'enfance
C'est des copains qu'on a perdus
C'est des petites mômes qu'on n'a pas eues
C'est une chanson toute nue
L'enfance
L'enfance
C'est un jouet qui s'est arrêté
C'est l'innocence rapiécée
C'est toujours ça de passé
L'enfance

Souviens-toi des frangines qu'avaient même pas dix piges
Dans la nuit retrouvée on jouait à se faire la pige
Même qu'elles étaient girondes avec leurs yeux barrés
Juste en dessous comme une ombre, comme le fard du péché
Souviens-toi des silences au fond des corridors
Et ce halètement divin, je l'entends encore,
Et puis la nuit fidèle à se rappeler ces trucs-là
Et cette foutue mémoire qui me tient par le bras

L'enfance
C'est un pays plein de chansons
C'est le remords de la raison
C'est la folie aussi
L'enfance
C'est l'enfer sous le tableau noir
C'est Tahiti dans un dortoir
C'est l'âme de la nuit
L'enfance
C'est un oiseau que on a manqué
C'est un chat qu'on a chahuté
Et c'est la cruauté
L'enfance
L'enfance
C'est jour après jour quitter l'ombre
Et vers la proie et vers le nombre
C'est apprendre a frapper
L'enfance

Souviens-toi des bonbons et puis du père Noël
De la toupie qui tournait qui tournait qui tournait
Qui tournait qui tournait qui tournait qui tournait ...

Léo Ferré (album "Ferré 64" Barclay, 1964)

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Quand j'étais môme

Quand j’étais môme
A la radio, on jouait "Please,
Peanut vendor"*
C’est bien d’accord

Quand j’étais môme
Les filles avaient une fleur exquise
Qu’elles nous fanaient
Pour deux baisers

Quand j’étais môme
On avait aussi nos idoles
Danielle Darrieux
On n’ fait pas mieux

Quand j’étais môme
On f’sait marcher nos belles guiboles
Dans les dancings
Et dans l’ smoking
D’ papa!

Quand j’étais môme
La musique coulait comme du miel
A Europe Un
Sur les copains

Quand j’étais môme
Les filles qu’étaient encore pucelles
On les mettait
Dans un musée

Quand j’étais môme
On avait aussi nos idoles
C’était Johnny
Ou quoi ou qui

Quand j’étais môme
On f’sait du rock et d’ la bricole
Un peu partout
Avec les sous
D’ papa!

Quand tu s’ras môme
Sur des planètes distinguées
On t’apprendra le temps d’aimer
Quand tu s’ras môme
Les filles auront la Voie lactée
Et des comètes dans l’ tablier

Quand tu s’ras môme
Sur ton palier en guise d’idole
Une nébuleuse
Ou Bételgeuse
Quand tu s’ras môme
On t’apprendra la bonne parole
La bonne recette
Pour jamais être
Papa!

Y aura plus d’ môme
Plus jamais d’ môme
Y aura plus rien
Pas même un chien
Un pauvre chien
Y aura qu’ du vent
Et plus d’amant
Y aura qu’ la lune
Qui f’ra l’ tapin
Pour les savants, pour les savants, pour les savants ...

* "Please", "Peanut vendor" sont des titres de chansons de l'époque (Bing Crosby, Dean Martin ? ...)

Léo Ferré (album "Ferré 64" Barclay 80218, année 1964)



- Maurice Fombeure -

Maurice Fombeure (1906-1981) est un romancier et poète français.
Son recueil de poèmes le plus connu est "À dos d'oiseau", édité en 1942 aux éditions Gallimard et disponible en Poésie-Gallimard.

Une enfance d'autrefois, dont on mesurera à la fois la similtude et les différences

Les écoliers

Sur la route couleur de sable,
En capuchon noir et pointu,
Le "moyen", le "bon", le "passable"
Vont à galoches que veux-tu
Vers leur école intarissable.
 
Ils ont dans leurs plumiers des gommes

Et des hannetons du matin,

Dans leurs poches du pain, des pommes,
Des billes, ô précieux butin
Gagné sur d'autres petits hommes.
 
Ils ont la ruse et la paresse
Mais l'innocence et la fraîcheur
Près d'eux les filles ont des tresses
Et des yeux bleus couleur de fleur,
Et des vraies fleurs pour leur maîtresse.
 
Puis les voilà tous à s'asseoir.
Dans l'école crépie de lune
On les enferme jusqu'au soir,
Jusqu'à ce qu'il leur pousse plume
Pour s'envoler. Après, bonsoir !

Maurice Fombeure ("À chat petit" - éditions Gallimard, 1967)

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La jument familière

 

Une grande jument morte
Qui galope dans mes nuits.
Ce n’est pas un cauchemar
Mais un soupir de l’enfance.

Une grande jument blanche,
Grave, douce et débonnaire,
Dans un silence de tonnerre
Passe entre les haies en fleurs.

Mon grand-père tient les rênes,
Chapeau melon sur les yeux.
La fumée des cigarettes
Monte droit dans le soir bleu.

Buissons fleuris d’amertume…
La rivière parle bas ;
Le village dort au son des enclumes,
Puis s’allume, feu par feu.

Mais voici, mangée de pluie,
Mangée de neige et de vent
La grande nuit intérieure
Où je me penche souvent,

Où la jument trotte l’amble…
Grande et douce jument morte
Qui fut de notre famille
Et qui finit humblement.

 

Maurice Fombeure ("À dos d'oiseau" - éditions Gallimard, 1942 réédité en 1971)

 

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Chanson de la pluie

À dos de mule
À dos d'oiseau
À dos de libellule hulot
À dos de rat-mulot
À pas  de campanule
À bras de mélilot
S'en va la pluie à bulles
S'en va la pluie sur l'eau

Une pluie fil à fil
Qu'habille l'horizon
Et de fil en aiguille
Va jusqu'à la maison,
" Va jusqu'à la maison
Tu trouveras ma mère
Qu'est assise au tison
Qui recoud des linceuls
Ou qui tire au rouet
Toute  sa vie amère,
Demande-lui z'à boire
Z'à boire et à manger..."
Mais la pluie perd la mémoire
À force de voyager,

À force de voyager
Sur ses pattes de gouttes rondes
Faire le tour du monde.
À dos de mule
À dos d'oiseau
À dos de libellule hulot
À dos de rat-mulot
À pas de campanule
À bras de mélilot
S'en va la pluie à bulles
S'en va la pluie sur l'eau !

Maurice Fombeure ("À chat petit" - éditions Gallimard, 1967)

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Air de ronde

On dansa la ronde,
Mais le roi pleura.
Il pleurait sur une
Qui n’était pas là.

On chanta la messe,
Mais le roi pleura.
Il pleurait pour une
Qui n’était pas là

Au clair de la lune,
Le roi se tua,
Se tua pour une
Qui n’était pas là.

Oui, sous les fougères
J’ai vu tout cela,
Avec ma bergère
Qui n’était pas là.

Maurice Fombeure



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1 novembre 2009

La Fontaine - PP12 - ENFANCES - TEXTES EN FRANÇAIS

- Jean de La Fontaine -

Jean de la Fontaine (1621-1695) a été avocat au parlement de Paris, puis a assuré quelque temps la charge de Maître des Eaux et Forêts à Château-Thierry.
Il est entré ensuite au service de Fouquet (Surintendant des Finances du roi Louis XIV), qui sera  disgracié et jeté en prison, mais à qui La Fontaine restera fidèle. D'où sans doute ses mauvaises relations avec Colbert (Ministre) et le roi, que les Fables n'arrangeront pas.
Il a fréquenté Molière, Boileau et Racine et accédé à l'Académie, au fauteuil de Colbert.

Il a écrit 243 fables.
La Fontaine s'est grandement inspiré des fables d'Esope (entre-autres), dont il a réécrit la plupart en langue poétique.

La Fortune et le jeune Enfant

Sur le bord d'un puits très profond
Dormait étendu de son long
Un Enfant alors dans ses classes.
Tout est aux Ecoliers couchette et matelas.
Un honnête homme en pareil cas
Aurait fait un saut de vingt brasses.
Près de là tout heureusement
La Fortune passa, l'éveilla doucement,
Lui disant : Mon mignon, je vous sauve la vie.
Soyez une autre fois plus sage, je vous prie.
Si vous fussiez tombé, l'on s'en fût pris à moi ;
Cependant c'était votre faute.
Je vous demande, en bonne foi,
Si cette imprudence si haute
Provient de mon caprice. Elle part à ces mots.
Pour moi, j'approuve son propos.
Il n'arrive rien dans le monde
Qu'il ne faille qu'elle en réponde.
Nous la faisons de tous Echos.
Elle est prise à garant de toutes aventures.
Est-on sot, étourdi, prend-on mal ses mesures ;
On pense en être quitte en accusant son sort :
Bref la Fortune a toujours tort.

Jean de La Fontaine (Fables - Livre V)

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L'Enfant et le Maître d'école

Dans ce récit je prétends faire voir
D'un certain sot la remontrance vaine.
Un jeune enfant dans l'eau se laissa choir,
En badinant sur les bords de la Seine.
Le Ciel permit qu'un saule se trouva,
Dont le branchage, après Dieu, le sauva.
S'étant pris, dis-je, aux branches de ce saule,
Par cet endroit passe un Maître d'école.
L'Enfant lui crie : "Au secours ! je péris. "
Le Magister, se tournant à ses cris,
D'un ton fort grave à contre-temps s'avise
De le tancer : "Ah! le petit babouin !
Voyez, dit-il, où l'a mis sa sottise !
Et puis, prenez de tels fripons le soin.
Que les parents sont malheureux qu'il faille
Toujours veiller à semblable canaille !
Qu'ils ont de maux ! et que je plains leur sort ! "
Ayant tout dit, il mit l'enfant à bord.
Je blâme ici plus de gens qu'on ne pense.
Tout babillard, tout censeur, tout pédant,
Se peut connaître au discours que j'avance :
Chacun des trois fait un peuple fort grand ;
Le Créateur en a béni l'engeance.
En toute affaire ils ne font que songer
Aux moyens d'exercer leur langue.
Hé ! mon ami, tire-moi de danger :
Tu feras après ta harangue.

Jean de La Fontaine (Fables - Livre I)

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Le Loup, la Mère et l'Enfant

Dans ce récit je prétends faire voir
D'un certain sot la remontrance vaine.
Un jeune enfant dans l'eau se laissa choir,
En badinant sur les bords de la Seine.
Le Ciel permit qu'un saule se trouva,
Dont le branchage, après Dieu, le sauva.
S'étant pris, dis-je, aux branches de ce saule,
Par cet endroit passe un Maître d'école.
L'Enfant lui crie : "Au secours ! je péris. "
Le Magister, se tournant à ses cris,
D'un ton fort grave à contre-temps s'avise
De le tancer : "Ah! le petit babouin !
Voyez, dit-il, où l'a mis sa sottise !
Et puis, prenez de tels fripons le soin.
Que les parents sont malheureux qu'il faille
Toujours veiller à semblable canaille !
Qu'ils ont de maux ! et que je plains leur sort ! "
Ayant tout dit, il mit l'enfant à bord.
Je blâme ici plus de gens qu'on ne pense.
Tout babillard, tout censeur, tout pédant,
Se peut connaître au discours que j'avance :
Chacun des trois fait un peuple fort grand ;
Le Créateur en a béni l'engeance.
En toute affaire ils ne font que songer
Aux moyens d'exercer leur langue.
Hé ! mon ami, tire-moi de danger :
Tu feras après ta harangue.

Jean de La Fontaine (Fables - Livre IV)



1 novembre 2009

Forneret, Fort, Fourest, Frédérique - PP12 - ENFANCES - TEXTES EN FRANÇAIS

- Xavier Forneret -

Xavier Forneret (1809-1884), contemporain de Victor Hugo, est un romancier ("Le diamant de l'herbe") et un poète non conformiste, adepte de l'humour noir.

Le texte qui suit, le plus connu de l'auteur, figure dans l'Anthologie de l'humour noir, d'André Breton, qui sans considérer Xavier Forneret comme un Surréaliste avant l'heure (trop excentrique, imprévisible), lui trouvait quand même un lien de parenté certain.

Un pauvre honteux

Il l'a tirée
De sa poche percée,
L'a mise sous ses yeux ;
Et l'a bien regardée
En disant : " Malheureux ! "

Il l'a soufflée
De sa bouche humectée ;
Il avait presque peur
D'une horrible pensée
Qui vint le prendre au cœur.

Il l'a mouillée
D'une larme gelée
Qui fondit par hasard ;
Sa chambre était trouée
Encor plus qu'un bazar.

Il l'a frottée
Ne l'a pas réchauffée
A peine il la sentait ;
Car, par le froid pincée,
Elle se retirait.

Il l'a pesée
Comme on pèse une idée,
En l'appuyant sur l'air.
Puis il l'a mesurée
Avec du fil de fer.

Il l'a touchée
De sa lèvre ridée. -
D'un frénétique effroi
Elle s'est écriée :
Adieu, embrasse-moi !

Il l'a baisée,
Et après l'a croisée
Sur l'horloge du corps,
Qui rendait, mal montée,
De mats et lourds accords.

Il l'a palpée
D'une main décidée
A la faire mourir. -
- Oui, c'est une bouchée
Dont on peut se nourrir.

Il l'a pliée,
Il l'a cassée,
Il l'a placée,
Il l'a coupée ;
Il l'a lavée,
Il l'a portée,
Il l'a grillée,
Il l'a mangée.

Quand il n'était pas grand on lui avait dit : Si tu as faim, mange une de tes mains.

Xavier Forneret (texte intitulé "Vapeur 13" dans le recueil "Vapeurs, ni vers ni prose", éditions Duverger, 1838)



- Paul Fort -

Paul Fort (1872-1960), est l'auteur des Ballades françaises, éditées à partir de 1894, et jusqu'en 1958. Particularités : c'est sous ce seul titre qu'il continue à publier ensuite ses poèmes, aux vers disposés comme de la prose, et dont les textes occupent  40 tomes !
Le thème du poème suivant a inspiré une chanson (intitulée "Si tous les gars du monde"). D'autres poèmes de Paul Fort, souvent très connus, se promènent sur le blog (Le petit cheval, Le bonheur est dans le pré, La mer, La marine ...)

Georges Brassens a mis en musique (catégorie BRASSENS chante les poètes) Le petit cheval (titré La complainte du petit cheval blanc) et La marine.

La ronde autour du monde

Si toutes les filles du monde voulaient s'donner la main, Tout autour de la mer elles pourraient faire une ronde.
Si tous les gars du monde voulaient bien êtr' marins, Ils f'raient avec leurs barques un joli pont sur l'onde.
Alors on pourrait faire une ronde autour du monde, Si tous les gens du monde voulaient s'donner la main.

Paul Fort (Ballades françaises T1 - 1897 - Flammarion)



- Georges Fourest -

Georges Fourest (1867-1945) est un poète français, auteur de deux recueils, "La Négresse blonde" (1909) et "Le Géranium ovipare" (1935), publiés aux éditions Messein, réédités en 1997 par José Corti et par d'autres éditeurs ensuite. Son humour est provocateur, rabelaisien, parodique.

Ce poème est peut-être accessible en cycle 3 :

Sardines à l’huile

Sardines à l’huile fine sans têtes et sans arêtes.
(Réclames des sardiniers, passim*.)

Dans leur cercueil de fer-blanc
plein d’huile au puant relent
marinent décapités
ces petits corps argentés
pareils aux guillotinés
là-bas au champ des navets !
Elles ont vu les mers, les
côtes grises de Thulé,
sous les brumes argentées
la Mer du Nord enchantée...
Maintenant dans le fer-blanc
et l’huile au puant relent
de toxiques restaurants
les servent à leurs clients !
Mais loin derrière la nue
leur pauvre âmette ingénue
dit sa muette chanson
au Paradis-des-poissons,
une mer fraîche et lunaire
pâle comme un poitrinaire,
la Mer de Sérénité
aux longs reflets argentés
où durant l’éternité,
sans plus craindre jamais les
cormorans et les filets,
après leur mort nageront
tous les bons petits poissons !...

Sans voix, sans mains, sans genoux*
sardines, priez pour nous !...

*Tout ce qu’il faut pour prier. (Note de l’auteur)
Georges Fourest ("La Négresse blonde", 1909) - * "passim" signifie "en divers endroits"

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Georges Fourest s'est essayé au poème-adresse. Voyez sa production, en forme d'acrostiche, au paragraphe Stéphane Mallarmé, et les suggestions de création pour la classe. C'est ici : http://lieucommun.canalblog.com/archives/2008/04/01/12316804.html

Petits Lapons

Dans leur cahute enfumée
Bien soigneusement fermée
Les braves petits lapons
Boivent l'huile de poisson !

Dehors on entend le vent
Pleurer ; Les méchants ours blancs
Grondent en grinçant des dents
Et depuis longtemps la mort
Le pâle soleil du nord !
Mais dans la brume enfumée
Les braves petits lapons
Boivent l'huile de poisson ...

Sans rien dire, ils sont assis,
Père, mère, aïeul, les six
Enfants, le petit dernier
Bave en son berceau d'osier:
Leur bon vieux renne au poil roux
Les regarde, l'air si doux !

Bientôt ils s'endormiront
Et demain ils reboiront
La bonne huile de poisson,
Et puis se rendormiront
Et puis, un jour, ils mourront !
Ainsi coulera leur vie
Monotone et sans envie...
Et plus d'un poète envie

Les braves petits lapons
Buveurs d'huile de poisson !


Georges Fourest ("La Négresse blonde", 1909) - * "passim" signifie "en divers endroits"



- Jacques Fournier -

Jacques Fournier, enseignant et poète français, est né en 1959.

Trois recueils parmi d'autres : Poèmes pris au vol, éditions Pluie d’étoiles, en 2001, et Les Dits de la pierre et du sculpteur, éditions L’épi de seigle, en 2000 (l'auteur co-dirige cette dernière maison d'édition), et Enfance/Enfances", éditions Donner à voir, 2003. Il est également directeur de la Maison de la Poésie de Saint-Quentin-en-Yvelines (dpt 78). Les enseignants de maternelle ont peut-être aperçu sa signature, dans les fiches pédagogiques de l'Éducation Enfantine (revue publiée par Nathan)

Une flaque ...

Une flaque
juste pour tes pieds
à peine plus grande
que l’envie que tu as
d’éclats d’eau
sur les jambes des dames
à l’entour

Une flaque
à pieds joints

Et la claque
(injustice ?)
en retour

Jacques Fournier ("Enfance/Enfances", éditions Donner à voir, 2003)



- André Frédérique -

André Frédérique (1915-1957), est un poète d'humour sombre, disparu volontairement trop jeune. Ses recueils s'intitulent : Aigremorts (1947 - Gallimard),  Histoires blanches (1946, repris en 1957 - Gallimard), Poésie sournoise (réédité en 1957- Seghers).

Le crocodile

Le crocodile du notaire faisait
peur aux enfants qu’il
guettait au fond de la maison
dans sa niche il attendait
en comptant les minutes
la sortie du saute-ruisseau
aussi dût-on le tuer
avec du sublimé jusqu’à
ce qu’il fut de moins en
moins crocodile
d’abord
codicille puis
cédille à
sa mort il ne restait de lui qu’
un
cil.

André Frédérique, ("Histoires blanches" - Gallimard, 1946)

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Acclimatation

Mes amis m’ont confié leur girafe avant de partir en voyage, pensant me faire plaisir, en égayant ma solitude. Je ne loge pas volontiers les mammifères, néanmoins je ne puis refuser à ce qui part d’une intention louable. Mon humeur n’en est pas moins sobre : j’habite un petit appartement au sixième.
D’abord l’ennui d’imaginer quelque raison valable pour le concierge. Les premiers temps, l’animal caché sous un décor, je fais celui qui déménage des poutres. Jusqu’à ce que le concierge s’inquiète d’un tel trafic : moi qui, avant, passais comme une ombre. Je me résous à l’habiller en chien. Ce n’est pas parfait. Là non plus je n’évite pas les soupçons. Ni les moqueries des enfants.
Le propriétaire vient en personne vérifier les résonances des murs (à ce qu’il dit). Tandis qu’il frappe (feignant l’intérêt) sur les cloisons avec un petit maillet de bois, son œil scrute les alentours. Je ne doute pas qu’il ne soit là pour le chien. Caché derrière un paravent, j’aboie, j’aboie. Il s’en retourne mécontent, assez peu rassuré.
D’autres personnes arrivent, des amis, des employés, des curieux qu’il envoie. Tous pour des raisons diverses, inspectent, flairent, ramassent des poils.
À contrecœur j’enferme la pauvre bête dans un placard. Son sabot de nuit frappe, et, à la longue, le bruit cesse.
À leur retour, j’achèterai pour mes amis une autre girafe.

André Frédérique, ("Histoires blanches" - Gallimard, 1946)

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Exercices de logique

Un homme qui serait mort mais qui ne serait pas né
Un homme qui naîtrait après sa mort
Un homme qui mourrait en naissant mais qui ne naîtrait pas en mourant
Un homme qui ne mourrait pas
Un homme qui naîtrait une fois sur deux
Un homme qui mourrait quelquefois
Un homme qui n'arrêterait pas de naître
Un homme qui ne finirait pas de mourir
Un homme qui naîtrait de sa belle mort
Un homme qui naîtrait au-dessous de la ceinture et qui mourrait au-dessus
Un homme qui ne serait ni né ni mort
Cet homme-là n'est pas encore né.

André Frédérique, ("Aigremorts" - Guy Lévis-Mano, 1947)

logo_cr_ation_po_tiqueÀ la manière de "Exercices de logique"

La structure de ce  texte se prête plutôt facilement à la création poétique.
Un exemple à cette adresse :
http://www.af.spb.ru/bull3/TRAD.HTM

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Seconde classe

Dans le métro les gens sont tristes
derrière leurs lunettes
ceux qui ont des barbes mâchent le poil
ceux qui ont des journaux les dévorent
mais les vieilles femmes ont encore plus de peine
qui ne peuvent mâcher les barbes et
qui ne savent pas lire.

*découpage respecté
André Frédérique ("Aigremorts" -1947 ; cité dans la revue "Poésie 1", n°22 de février 1972)

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La face

Il était laid avec ses deux bouches
Sous le nez sans cesse agitées
oui disait la droite non disait la gauche
et patati et patata
Il mit ses énormes moustaches
sur elles comme un drap*.

*majuscules et découpage respectés
André Frédérique ("Aigremorts" -1947 ; cité dans la revue "Poésie 1", n°22 de février 1972)



1 novembre 2009

Gamarra, Gélis - PP12 - ENFANCES - TEXTES EN FRANÇAIS

- Pierre Gamarra -

Pierre Gamarra (1919-2009), est un écrivain ("Le maître d'école"), journaliste, critique et poète. Il a obtenu le Prix Jeunesse - Grand Prix du roman de la Société des Gens de Lettres.

Les enfants

Les enfants sont en soie, les enfants sont en laine
les enfants sont en sucre fin.
Caroline, Marjolaine,
Frédéric, Delphin.

Les enfants sont de blé, les enfants sont d'avoine,
d'orge, de riz ou de maïs.
Pierre, Paul, Antoine,
Marie, Anaïs.

Les enfants sont de feu, les enfants sont de braise,
de soleil, de ciel et d'azur.
Corinne, Sucette, Arthur,
Sylvette, Thérèse.

Les enfants sont de chair, les enfants sont de sang,
de tendresse et de patience,
d'amour, de souvenance,
Margot et Laurence,
Denis et Vincent.

Pierre Gamarra

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L'avenir

Les platanes de l'école
se recouvrent d'encre bleue
et de réglisse.
Dans la rue, les enfants glissent.
On voit sauter les cartables
le long des trottoirs.
Des alphabets et des fables
se répandent dans le soir.
Des verbes de toute sorte
et des chiffres par milliers
s'échappent des fins cahiers
et courent de porte en porte.
En classe, les rois s'endorment,
même Vercingétorix
referme ses yeux d'onyx.
Jeanne d'Arc ne bouge plus,
Pasteur étouffe un bâillement.
Un chien gémit, des télés
bavardent dans les maisons.
Les enfants balancent
leurs cartables lourds.
Les vieux rois s'endorment,
les enfants sautillent.
L'avenir commence
d'une porte à l'autre.

Pierre Gamarra

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Un enfant m’a dit

Un enfant m’a dit : le Soleil
Est un œuf dans la poêle bleue…

Un enfant m’a dit : le Soleil
Est une orange dans la neige…

Un enfant m’a dit : le Soleil
Est une pêche jaune et rouge…

Un enfant m’a dit : le Soleil
Est un bijou sur une robe…

Un enfant m’a dit : je voudrais
Je voudrais cueillir le Soleil.


Pierre Gamarra

logo_cr_ation_po_tique Un enfant m'a dit

Ici, des exemples de production poétique à partir de ce texte :
http://ecole_de_frans.pagesperso-orange.fr/Pierre%20Gamarra.html
ou ici en CM :
http://cm-campeneac.over-blog.com/article-ecrire-a-la-maniere-de-pierre-gamarra-un-enfant-m-a-dit-86494906.html

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La pendule

Je suis la pendule, tic !
Je suis la pendule, tac !
On dirait que je mastique
Du mastic et des moustiques
Quand je sonne et quand je craque
Je suis la pendule, tic !
Je suis la pendule, tac !

J’avance ou bien je recule
Tic-tac, je suis la pendule,
Je brille quand on m’astique,
Je ne suis pas fantastique
Mais je connais l’arithmétique,
J’ai plus d’un tour dans mon sac,
Je suis la pendule, tac !
Je suis la pendule, tac !

Pierre Gamarra

logo_cr_ation_po_tique Les objets s'expriment 

Il n'y a pas de raison (non, il n'y en a pas), comme les animaux, les objets parlent, et ça peut être drôle. On fera raconter en vers rimés ou libres, par les objets de notre entourage, leurs tracas et leurs plaisirs, peut-être leurs aventures ? Penser aux objets domestiques : Le frigo, la machine à café, le téléviseur, la console de jeux, le téléphone, même le paillasson ou l'éponge,  et aux autres, qu'ils nous appartiennent ou pas : la voiture, un avion, le caddie de supermarché, le cartable, le ballon de rugby ...

  • Autres possibilités : Faire raconter les objets naturels (la rivière, une montagne, la mer), ou artificiels du paysage (un pont sur le fleuve, la cour de récréation, une tour d'habitation promise à la démolition, un clocher d'église, le coq du clocher...) Les animaux évidemment, domestiques ou sauvages, disparus ou bien actuels. De nombreux textes peuvent servir de modèle.

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Le cosmonaute et son hôte

Sur une planète inconnue,
un cosmonaute rencontra
un étrange animal;
il avait le poil ras,
une tête trois fois cornue,
trois yeux, trois pattes et trois bras !
« Est il vilain! pensa le cosmonaute
en s'approchant prudemment de son hôte.
Son teint a la couleur d'une vieille échalote,
son nez a l'air d'une carotte.
Est ce un ruminant? Un rongeur? »
Soudain, une vive rougeur
colora plus encor le visage tricorne.
Une surprise sans bornes
fit chavirer ses trois yeux.
" Quoi! Rêvé je ? dit il. D'où nous vient, justes cieux,
ce personnage si bizarre sans crier gare !
Il n'a que deux mains et deux pieds,
il n'est pas tout à fait entier.
Regardez comme. il a l'air bête,
il n'a que deux yeux dans la tête !
Sans cornes, comme il a l'air sot !"
C'était du voyageur arrivé de la Terre
que parlait l'être planétaire.
Se croyant seul parfait et digne du pinceau,
il trouvait au Terrien un bien vilain museau.
Nous croyons trop souvent que, seule, notre tête
est de toutes la plus parfaite!

Pierre Gamarra (" Salut, Monsieur de la Fontaine" - éditions ART, Le Temps des cerises)

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Le moqueur moqué


Un escargot se croyant beau,
Se croyant gros, se moquait d'une coccinelle.
Elle était mince, elle était frêle !
Vraiment, avait-on jamais vu insecte aussi menu !
Vint à passer une hirondelle
Qui s'esbaudit du limaçon.
Quel brimborion, s'écria-t-elle !
C'est le plus maigre du canton !
Vint à passer un caneton.
Cette hirondelle est minuscule,
Voyez sa taille ridicule !
Dit-il sur un ton méprisant.
Or, un faisan
aperçut le canard et secoua la tête :
Quelle est cette si minime bête
Au corps si drôlement bâti !
Un aigle qui planait leur jeta ces paroles :
Êtes-vous fous ? Êtes-vous folles ?
Qui se moque du précédent sera moqué par le suivant.
Celui qui d'un autre se moque
A propos de son bec, à propos de sa coque,
De sa taille ou de son caquet,
Risque à son tour d'être moqué !

Pierre Gamarra (" Salut, Monsieur de la Fontaine" - éditions ART, Le Temps des cerises)



- Robert Gélis -

Robert Gélis, romancier et poète pour la jeunesse, est né en 1938. Il a publié des recueils de poésies (Poèmes à tu et à toi, En faisant des galipoètes...) et des contes (Histoires et contes du loup-phoque...) d'humour et d'humanité. On le retrouvera dans les poésies C2 pour la classe (Mon stylo) et dans la catégorie Printemps des Poètes 2008, l'Autre (texte titré : L'autre, Visite).

... "L'Important, c'est d'accrocher des rires
Aux branches sèches de la vie …"

Robert Gélis, extrait du poème "L'Important"

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Mon stylo

Si mon stylo était magique
Avec des mots en herbe,
J'écrirais des poèmes superbes,
Avec des mots en cage,
J'écrirais des poèmes sauvages.

Si mon stylo était artiste,
Avec les mots les plus bêtes,
J'écrirais des poèmes en fête,
Avec des mots de tous les jours
J'écrirais des poèmes d'amour.

Mais mon stylo est un farceur
Qui n'en fait qu'à sa tête,
Et mes poèmes sur mon coeur
Font des pirouettes.

Robert Gélis

logo_cr_ation_po_tique À la manière de "si mon stylo..."

Un travail en CM1, ICI, inspiré par "Mon stylo" ; une "approche de la poésie en classe de SEGPA avec ce texte, ICI" et toujours en s'inspirant de ce modèle, des productions d'élèves, ICI

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Visite

Par une belle nuit d'hiver,
Trois petits hommes verts
Sont arrivés dans leur soucoupe.

Ils ont fait trois fois le tour de la Terre
Dans le temps d'un éclair,
Et puis ont atterri
Au beau milieu d'une prairie.

Ils ont fait trois fois le tour du pré,
Pour s'habituer à respirer
Et puis ont avancé
Vers le village d'à-côté.

Ils ont fait trois fois le tour de l'église,
Pour une fusée l'ont prise,
Et puis ont réveillé
Les habitants qui dormaient.

Ils ont fait trois fois le tour des humains
Qui claquaient des dents, tremblaient des mains,
Et puis se sont adressés au maire
Tantôt en prose, tantôt en vers.

Ils ont répété trois fois qu'ils ne font que revenir
Sur cette terre, d'où ils partirent,
Il n'y a pas si longtemps,
A peine cent mille ans.

Ils ont redit trois fois qu'il y a dans l'univers
Des milliers de planètes sans haine et sans guerre,
Des mondes heureux et libres
Où il fait très bon vivre,
Et que les gens de par ici
Sont vraiment leur seul souci.

Et les gens du village,
Glacés, troublés, perdus,
Sont alors devenus
Les premiers hommes sages.

Robert Gélis ("Poèmes à tu et à toi")

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Matin d'automne

La ville se secoue,
Se trémousse et s'ébroue ;
Elle se gratte les flancs
En grognant,
Car, dans sa fourrure d'odeurs,
De bruits et de fumées,
Grouillent des puces affairées :
Les gens qui courent à leur travail.

Robert Gélis

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Rencontre

Madame la pianiste,
Dans les rues plutôt tristes,
Promenait ses mélodies,
Comme chaque lundi …

Et monsieur le poète,
Des rêves plein la tête,
Tenait en laisse, lui,
Des poèmes gentils…

Ils se sont rencontrés
Et, quelques mois après,
En plein temps des moissons,
Sont nées… trente-six chansons !

Robert Gélis ("En faisant des galipoètes" - Anthologie de Poche - Éditions Magnard, 1983)

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Un poème pas amusant du tout, mais qui fait la part belle au rire :

L'Important

- C'est quoi, l'Important ?
- L'Important, c'est d'accrocher des rires
Aux branches sèches de la vie …

- C'est quoi, la Vie ?
- La Vie, c'est chercher son étoile
Dans le fouillis du ciel …

- C'est quoi, le Ciel ?
- Le Ciel, c'est ce qu'on ne peut voir
Qu'en fermant les yeux …

- C'est quoi, les Yeux ?
- Les Yeux, ce sont des forges vives
où s'embrasent les rêves …

- C'est quoi, les Rêves ?
- Les Rêves ….

C'est ce qui est important …

Robert Gélis ("En faisant des galipoètes" - Anthologie de Poche - Éditions Magnard, 1983)

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Eh ! Oui

Ils ont coupé
Le vieux pommier
Roi du verger
Et en tronçons l'ont débité

De ces morceaux ont fabriqué
Une échelle pour monter
Cueillir des pommes du pommier
Ont été bien déçus
Car de pommier... il n'y en a plus.

Robert Gélis

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Alphabet

A B C D
Je ne veux pas céder !
E F G H
Il faut que je me fâche !
I J K L
Cette sacrée demoiselle
M N O P
Ne manque pas de toupet !
Q R S T
Elle me fait pester !
U V W X
Elle en vaut bien six !
Y Z
Encore une fois... je cède !

Robert Gélis ("En faisant des galipoètes" - Anthologie de Poche - Éditions Magnard, 1983)



1 novembre 2009

Gérard, Gevers - PP12 - ENFANCES - TEXTES EN FRANÇAIS

- Rosemonde Gérard -

Rosemonde Gérard (1871-1953), épouse d'Edmond Rostand, l'auteur de Cyrano de Bergerac, est la mère du grand biologiste et écrivain Jean Rostand. Elle a écrit des pièces de théâtre et des poèmes, dont le recueil "Les pipeaux". Le  premier ci-dessous est connu de bien d'écoliers :

Bonne année !

Bonne année à toutes les choses :
Au monde ! À la mer ! Aux forêts !
Bonne année à toutes les roses
Que l’hiver prépare en secret.

Bonne année à tous ceux qui m’aiment
Et qui m’entendent ici-bas …
Et bonne année aussi, quand même
À tous ceux qui ne m'aiment pas !

Rosemonde Gérard ("Les pipeaux" éditions Lemerre, 1889 - Fasquelle éditeur, 1923)

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Le texte qui suit est dédié à Sabine Sicaud (1913-1928), enfant poète d'exception, disparue à l'âge de 15 ans :

Sabine Sicaud

Douze ans... Une petite fille...
Un jardin... du soleil... des fleurs...
Et chaque instant léger qui brille
Semble rimer avec bonheur.

L'oiseau vient boire à la fontaine...
Le soir s'endort sur un glaïeul...
La poupée, oubliée à peine,
Reste encor là sur un fauteuil...

Et, pris par une âme charmante
Qui palpite avec l'univers,
Les fleurs, les animaux, les plantes
Viennent d'eux-mêmes dans les vers.

Treize ans... Sur la nature tendre,
Elle penche son coeur tremblant...
Mais pourquoi veut-elle comprendre
Tant de choses déjà ?... Treize ans...

Pourquoi cette angoisse si forte
Pour tout ce qui meurt dans les bois ?
Le fruit tombé... la feuille morte...
Est-ce un pressentiment ?... Pourquoi

Interroge-t-elle les choses
Avec des mots illimités ?
Croit-elle un instant que les roses
Lui répondront la vérité ?...

Quinze ans... l'âge de Juliette...
L'âge où l'amour est sans péché...
Pauvre petite âme inquiète,
Sens-tu comme une ombre approcher ?

Tu t'éloignes de la nature
Qui trembla si près de ton coeur...
Et pourtant ta courte aventure
Ressemble à celle de ses fleurs...

Ainsi qu'une fleur infinie
Sous un soleil trop épuisant,
Brûlée à ton propre génie,
Tu meurs !... et tu n'as que quinze ans !

Rosemonde Gérard ("Les Muses françaises", éditions Charpentier, 1943)



- Marie Gevers -

Marie Gevers (1883-1975) est une romancière et poète belge.

Chanson pour apprendre aux cinq sens à aimer la pluie

Il pleut des résilles d’argent :
Vois, la tintante joie
De l’étang aux roseaux penchants,
Où le jardin se noie.

La saveur d’air des champignons,
Cueillis dans les prairies,
Dans le brouillard du matin fond
En savoureuse pluie.

Sur le toit écoute couler
Les gouttes et bruire
De tuile en tuile les colliers
De perles de leur rire.

Respire le parfum moisi
Et tiède de la terre
Où des bulles glissent ainsi
Que des ronds de lumière.

Ouvre les paumes de tes mains
Pour recueillir l’ondée,
En t’imaginant que tu tiens
Les cheveux des nuées.

Et tâche d’être alors à la fois,
Dans le frais paysage,
L’étang, les champignons, le toit,
La terre et les nuages.
 

Marie Gevers ("Missembourg" - Buschmann, 1917)

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Les poèmes du recueil "Antoinette" sont dédiés à sa fille :

Repas du matin

Dans ce lait où fleurit le printemps des prairies,
Et le sucre où l'hiver des betteraves brille,
dans le pain qui concentre les moissons d'été,
Et dans la confiture où la maturité
De l'automne à ta bouche joyeuse est donnée,

Trouve la saveur des journées
Et la joie diverse des mois
Qui nous amènent trois par trois
Les saisons dont la belle ronde
Sans cesse tourne autour du monde.
 

Marie Gevers ("Antoinette" - Buschmann éditeur, 1925)



1 novembre 2009

Guilbaud - PP12 - ENFANCES - TEXTES EN FRANÇAIS

- Luce Guilbaud -

Luce Guilbaud, enseignante en arts plastiques, écrivain et poète, est née en 1941.

On trouvera d'autres textes pour la classe dans les catégories rangées par cycles et ici : http://lieucommun.canalblog.com/archives/_print_poetes_2010___des_femmes_poetes/p10-0.html
Deux ouvrages parmi d'autres : Le dé bleu, ; La petite fille aux yeux bleus.

Pas de rire aux éclats, un sourire, de la gaieté, ou du moins la joie de vivre, dans ces poèmes, dont les titres sont suggérés par le blog.

Grand-mère

Grand-mère sur le seuil
avec son sourire
et autour un visage
bien ridé, déjà
(elle a quel âge ? on ne compte pas!)

Elle est là avec la maison
les chambres les fenêtres
les escaliers la cheminée
tout ça pêle-mêle
avec les valises les raquettes
les épuisettes

et la mer tout à côté
qui commence à chanter.

La maison du matin
habillée de rires
et d'odeurs de pain grillé
de confitures de coing
maison de carrelage frais lavé

c'est une maison qui va et vient
de la cave au jardin
en berçant ses grands pins
une maison avec des bras
si doux si près du rêve

c'est la maison de grand-mère
maison d'été maison d'hier
qui ferme ses volets l'hiver.

Luce Guilbaud

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Dans ma boîte

J’aurai une grande boîte
pleine de soleil
pour les jours de pluie
pleine de sourires
pour les jours de grogne
pleine de courage
pour les jours de flemme.

Et dans ma boîte j’aurai aussi
plein de coquillages
pour écouter la mer.

Luce Guilbaud

fille_verte_cr_ation__PP10À la manière de "Dans ma boîte" ...

Voir ici des productions d'élèves :
en CE1 : http://ecoles18.tice.ac-orleans-tours.fr/php5/rosieres/articles.php?lng=fr&pg=159si
et en CM2 ici, sous forme de petit livre à plier au format pdf :
http://petitslivres.free.fr/petitslivres/AUT/SEB0708002C.pdf

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Un déjeuner de fous

J’organise aujourd’hui
un déjeuner de fous
une chasse à l’herbe folle
un braconnage de fruits verts.
Nous boirons sous les pommiers
du cidre de la pleine lune,
nous ferons un jardin
des moissons d’amitié
de mots sans trèves
et de soleils givrés.
Et dans ce paysage
de rêveries bruissantes
nous danserons
sur l’ennui des dimanches.


Luce Guilbaud ("La petite feuille aux yeux bleus" - Éditions Le farfadet bleu/Le dé bleu, 1998)

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Le nuage

Un joli nuage blanc
arrive sur la ville
il joue
entre les toits
entre les tours
entre les flèches
il passe sur les ponts
et se voit gris
dans les reflets de l'eau
il se sent fatigué
il tousse un peu
il se regarde dans les vitrines
il se fait peur
il est devenu noir

le nuage s'en va
lâchant quelques larmes
quelques gouttes de pluie
il va se refaire une santé
à la campagne.

    Luce Guilbaud

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Une petite maison

Une petite maison de branches
Avec sa porte d’herbes
Et son lit de mousse
Une petite maison dans les bois
Pour cacher ses secrets
Pour inventer le monde.
Une petite maison
Une cabane
Pour être ici
Pour être ailleurs
Dans nos histoires.


Luce Guilbaud ("Une cigale dans la tête" - Éditions Le farfadet bleu/Le dé bleu, 1998)

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Le monstre de pierre

Le vent et la pluie me hantent
Le gel fait craquer mes grimaces
Le soleil me nargue et me brûle
Mais je lui tire la langue !


Je ricane et je vocifère
Je gronde et je balbutie
J’étonne et j’effraie
J’ai mille frères et mille soeurs
Avec des queues des cornes
Des griffes des écailles des hures
Des groins des serres
Des dents pointues
Des trognes ébouriffées
Des nez épatés des yeux exorbités


Armé de piques de fourches
Je harcèle, j’étrangle, j’étripe
J’ouvre les portes de l’enfer
Je suis griffon, cerbère, chimère
Je suis un monstre de pierre.

Luce Guilbaud ("Loup y es-tu ?" - éditions Enfance heureuse)

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Le petit rêve

C’est un petit rêve léger
Un rêve bien plié sous mon oreiller
C’est un rêve doux et chaud
Qui va pieds nus dans l’herbe fraîche,
Un rêve transparent
Qui glisse entre les yeux
Et se blottit sous les paupières.
C’est un rêve coloré qui murmure
Encore en moi quand le soleil
Ouvre ma porte.
C’est un petit rêve léger
Qui accompagne ma journée.

Luce Guilbaud ("Les oiseaux sont pleins de nuages" - éditions Soc et Foc)

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J’étais perdue

J’étais perdue dans la ville
Entre les façades noires
Et les boutiques bariolées
J’étais perdu parmi la foule
J’avais perdu mon nom
Et le chemin de ma maison.
C’est en suivant un pigeon
Puis un couple de pinsons*
Qu’au détour des violettes
Et du bleu des arbres
J’ai retrouvé mon nom
Et le chemin de ma maison.


Luce Guilbaud - * et pas "un couple de personnes", erreur signalée par une lectrice, merci !

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Je jouais

Je jouais à grimper à l'arc-en-ciel
comme à l'échelle
Sur le jaune
j'ai cueilli des boutons d'or
Sur l'orange
j'ai des clémentines
Sur le rouge
des framboises et des cerises
Plus haut, j'ai respiré les violettes
Dans le bleu
j'ai coupé une fenêtre de ciel
pour voir l'indigo
Et je suis tombé par la fenêtre
sur l'herbe verte.

Luce Guilbaud



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