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15 mai 2009

Anne-Marie CHAPOUTON - PRINT POÈTES 11 : PAYSAGES en français

Anne-Marie Chapouton (1939-2000) est une auteure de poésies, de contes, d'ouvrages pédagogiques et de romans pour les enfants et la jeunesse ("Poèmes petits", "1, 2, 3, comptines à compter", "La vache Amélie", " Méthode de lecture CP-CE1", etc).

Rêve 4

(c'est sous ce titre qu'il apparaît dans le recueil,
il y a 3 autres poèmes-rêves qui précèdent)

J'ai vu
trois châteaux
se promenant
lalaire
se promenant
dans les airs

puis je n'ai
plus rien vu
lalaire
plus rien vu
car ils étaient
redescendus

Anne-Marie Chapouton ("Poèmes petits" - Delagrave, 1999)


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15 mai 2009

René CHAR - PRINT POÈTES 11 : PAYSAGES en français

René Char (1907-1988) est né à L'Isle-sur-la-Sorgue, dans le Vaucluse.
Poète français marqué par le surréalisme, il fut aussi un héros de la Résistance et un humaniste, engagé dans la vie sociale.
Voir ici une biographie et une bibliographie de René Char.

Un texte sur sa rivière, paysage du cœur :

La Sorgue

Chanson pour Yvonne

Rivière trop tôt partie, d'une traite, sans compagnon,
Donne aux enfants de mon pays le visage de ta passion.

Rivière où l'éclair finit et où commence ma maison,
Qui roule aux marches d'oubli la rocaille de ma maison.

Rivière, en toi terre est frisson, soleil anxiété.
Que chaque pauvre dans sa nuit fasse son pain de ta moisson.

Rivière souvent punie, rivière à l'abandon.

Rivière des apprentis à la calleuse condition,
Il n'est vent qui ne fléchisse à la crête de tes sillons.

Rivière de l'âme vide, de la guenille et du soupçon,
Du vieux malheur qui se dévide, de l'ormeau, de la compassion.

Rivière des farfelus, des fiévreux, des équarrisseurs.
Du soleil lâchant sa charrue pour s'acoquiner au menteur.

Rivière des meilleurs que soi, rivière des brouillards éclos,
De la lampe qui désaltère l'angoisse autour de son chapeau.

Rivière des égards au songe, rivière qui rouille le fer,
Où les étoiles ont cette ombre qu'elles refusent à la mer.

Rivière des pouvoirs transmis et du cri embouquant les eaux,
De l'ouragan qui mord la vigne et annonce le vin nouveau.

Rivière au cœur jamais détruit dans ce monde fou de prison
Garde-nous violent et ami des abeilles de l'horizon.

René Char  ("Fureur et mystère" - Gallimard, 1948)



15 mai 2009

Jacques CHARPENTREAU - PRINT POÈTES 11 : PAYSAGES en français

Jacques Charpentreau (né en 1928), est l'auteur d'anthologies, aux éditions Ouvrières, qui ont fait connaître beaucoup de poètes pour la jeunesse, et il a publié de nombreux recueils. Quelques-unes de ses poésies sont présentes sur le blog.

Les fils de la vierge ...

Les fils de la vierge qui brillent
presque invisibles dans la haie
ne retiendront pas les oiseaux
cachés au creux de ces feuillages.
Ils déchireront de leurs ailes
délicates le fin roseau
que le vent d'automne a tissé
dans la haie de mûres sauvages.
Seule restera la rosée
constellant de ses gouttes d'eau
les fils de vierge du matin.
 

Jacques Charpentreau ("Poèmes pour les amis" - Éditions Ouvrières, 1963)

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Dans son recueil "Poèmes pour peigner la girafe", Jacques Charpentreau présente avec fantaisie et humour des poèmes  à base d'expressions communes.  Il y en a 20 en tout dans ce beau livre grand format illustré par Florence Koenig. 

La clé des champs (expression : prendre la clé des champs)

On a perdu la clé des champs !
Les arbres, libres, se promènent,
Le chêne marche en trébuchant,
Le sapin boit à la fontaine.

Les buissons jouent à chat perché,
Les vaches dans les airs s'envolent,
La rivière monte au clocher
Et les collines cabriolent.

J'ai retrouvé la clé des champs
Volée par la pie qui jacasse.
Et ce soir au soleil couchant
J'aurai tout remis à sa place.

Jacques Charpentreau ("Poèmes pour peigner la girafe" - Éditions Gautier-Languereau, 1996)

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Une autre approche du paysage, dans un autre recueil :

La mer s'est retirée

La mer s’est retirée,
Qui la ramènera ?
La mer s’est démontée,
Qui l’a remontera ?
La mer s’est emportée,
Qui la rapportera ?
La mer est déchaînée,
Qui la rattachera ?
Un enfant qui joue sur la plage
Avec un collier de coquillages.

Jacques Charpentreau (encore une anthologie : "Poèmes d'aujourd'hui pour les enfants de maintenant" - éditions Ouvrières, 1958)

logo_cr_ation_po_tique À la manière de "La mer s'est retirée, qui..." :
Des productions d'élèves ici à partir de ce poème et d'autres poèmes (copier-coller l'adresse):

http://www.ac-nancy-metz.fr/petitspoetes/HTML/SALLESDEJEUX/JEUALAMA.html



15 mai 2009

Andrée CHEDID, Marc CHESNEAU - PRINT POÈTES 11 : PAYSAGES en français

Andrée Chedid ( pas d'accent sur le "e"")  est une poétesse française aux racines multiples : née en 1920 en Égypte (Le Caire) de parents libanais, elle vit au Liban de 1942 à 1946 puis vient s'installer en France (où elle avait séjourné enfant) et adopte la nationalité française.  
Auteure de nombreux romans, récits, pièces de théâtre, recueils de poésies, ainsi que de contes et de comptines pour les enfants, elle a également écrit des paroles de chansons interprétées par son petit-fils Matthieu Chedid ("M"), fils du chanteur Louis Chedid.  Le Printemps des Poètes 2008, sur le thème de L'Éloge de l'autre (accès aux textes de cette catégorie colonne de gauche) avait mis en exergue ce passage d'un poème d'Andrée Chedid :

"Toi
Qui que tu sois
Je te suis bien plus proche qu'étranger".

(derniers vers du poème TOI-MOI"  - "Visage premier, Flammarion, 1972) - voir le poème intégral plus bas

Elle était "l'ambassadrice" du Printemps des poètes 2010, sur le thème Couleur femme. On trouvera de nombreux textes sur le blog dans la catégorie qui lui est consacrée : PRINT POÈTES 2010 : ANDRÉE CHEDID. 

livres_Chedid_enfants

quelques recueils, aux textes très accessibles 

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Les routes

Si tu sautes par-dessus la haie
Vers les routes en triangle

Tu trouveras l'Automne
Allongée* comme un cadavre
Couchée de toutes ses feuilles

Tandis que d'une cheminée
Montera la première chaleur
Étoile rouge du berger
Avec sa coiffe de magicienne.

Andrée Chedid ("Textes pour un poème", GLM et Flammarion, 1950) - *automne est au féminin ici



Marc Chesneau  (1899-1980), était poète et professeur de littérature en Suède, où il a vécu.

Voici un simple paysage du temps des bergères et des moulins :

Paysage

Sur la colline
tourne un moulin,
et l'heure est fine,
le vent câlin.

Une bergère
et ses moutons.
Robe légère
Comme un bouton
de primevère.

Un gros chien dort
dans l'herbe tendre
et sans entendre
l'abeille d'or.

Une fauvette
vive et moquette
dans un buisson
montre sa tête
et sa chanson.

Marc Chesneau ("Choix de poèmes", éditions Fritzes Kungl. Hovbokhandel, Stockolm, 1950 - préface de Paul Fort)


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15 mai 2009

Georges-Emmanuel CLANCIER, Paul CLAUDEL - PRINT POÈTES 11 : PAYSAGES en français

George-Emmanuel Clancier, né en 1914, est un écrivain romancier, poète, critique littéraire, journaliste (presse écrite et radio).
Son grand roman en plusieurs tomes, Le pain noir (éditions Robert Laffont, à partir de 1956), qui raconte l'histoire de sa famille maternelle (on parlerait aujourd'hui d'une saga familiale), est son œuvre la plus connue. Il a été porté à l'écran pour la télévision.
On trouve Le pain noir en livre de poche (éditions J'ai Lu).
Voici deux textes extraits de Terres de mémoire, recueil de 1965, réédité en 2003 :

 Les ajoncs, la pierraille ...

Les ajoncs, la pierraille au sursis de l'hiver,
Haute ruine aux lambeaux de songe,
Tous les siècles de l'obscur dans le vent,
La vallée, le grand pays familier et désert.
Le couple né de ces granits, de ces racines,
Et moi qui porte au fond des mots, au fond du sang
Je ne sais quel appel, je ne sais quel écho
De ce passage de serfs et de guerriers,
De vagabonds, de paysans et de rois,
D'enfances tenaces et terrifiées,
L'effrayante ou miraculeuse saveur
D'une lézarde entre deux nuits.

Georges-Emmanuel Clancier ("Terres de mémoire"- éditions Robert Laffont, 1965 et  "Terres de mémoire suivi de Vrai visage" - La Table Ronde, collection "la petite vermillon", 2003)

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Escales

Flûte lointaine à travers les défilés,
Flûte et battements de mains heureuses,
Chant du souvenir et des espaces,
Chant du Pérou sur l'autre rive,
Là-bas sur l'autre rive des nuits :
Los Indios, los Indios ,tristesse
À perdre haleine aux plateaux de Cuzco,
Lamas et guenilles, enfance noire
Sous les blocs,sous les ruines Incas.
Je vous le dis, tapis au fond du songe
Il existe des pays tendres et féroces.
Flûte lointaine et battements de mains heureuses,
Flûte lointaine à travers tant de défilés.

Georges-Emmanuel Clancier (idem : "Terres de mémoire" - 1965 et 2003)

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Autre texte :

Le guet

Sur le fin taillis des ramilles
À contre-jour du ciel d’hiver
Longtemps l’oiseau en silhouette
Noire surveillait l’horizon.

Te voyait-il à ta lucarne
Vieil homme incertain de lui-même
Entre lassitude et bonheur
D’un œil inquiet le contemplant ?

De l’oiseau corneille ou corbeau
Guetteur à la cime des branches,
Du rêveur perdu dans la neige
De l’âge et des pensées frileuse

Lequel des deux inventait l’autre
Lequel à la vie démentielle,
Somptueuse, éparse en l’univers,
Serait messager du futur ?

Georges-Emmanuel Clancier



Paul Claudel, (1868-1955) est connu pour ses pièces de théâtre ("Le soulier de satin") et son oeuvre poétique, marquée par sa foi catholique. Il a été aussi diplomate. C'est le frère de l'artiste sculptrice Camille Claudel.

C'est dans le presbytère de Villeneuve-sur-Fère, petit village de Picardie (dans l'Aisne, le Tardenois), qu'est né Paul Claudel. Il en dessine dans ces deux passages du même ouvrage*, le paysage fantastique :

"Le premier quartier de lune, brillant au milieu d’un immense halo, éclaire une butte toute couverte de bruyères et de sable blanc" ... Des pierres monstrueuses, des grès aux formes fantastiques s’en détachent. Ils ressemblent aux bêtes des âges fossiles, à des monuments inexplicables, à des idoles ayant mal poussé encore leurs membres et leurs têtes"...

Paul Claudel ("La Jeune Fille Violaine", Mercure de France, 1906) - * Il s'agit d'une pièce de théâtre, sous deux versions successives (1892 et 1899), qui, profondément remaniée une nouvelle fois par l'auteur, deviendra en 1911 son célèbre drame : "L'Annonce faite à Marie".

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"… La Providence, dès mon berceau, m'a assuré un poste sur un promontoire. Une vue sur la mer. Non point une mer liquide, mais un océan céréal prolongeant sa houle d'émeraude et de feu jusqu'aux extrémités de l'horizon. Une plaine d'or mûrissant sur laquelle l'été promène l'ombre des grands nuages empourprés. Dès mon enfance, je n'ai cessé de recevoir sur mon visage cette haleine de solennité et de tempête. Tout à l'infini était libre et ouvert devant moi. Elle était grande ouverte devant moi, et je la contemplais d'un œil avide, cette porte immense par laquelle il ne cesse d'arriver quelque chose ! ...
"Par derrière il y a la forêt, cette sombre forêt de Beuvardes et de la Tournelle sur le seuil de qui jaillit cette fontaine, accompagnée d'un lavoir désert, qu'on appelle la fontaine de la Sibylle.
"Quel beau pays ! quel rude et sévère pays à l'écart de tout ! quel vieux pays, un des plus vieux de notre Gaule immémoriale ! Un coin de ce Tardenois gallo-romain, dont le sol livre encore des fragments de poterie, des monnaies barbares et des lames d'épées. On voit près de Fère ce rocher isolé appelé le Grès-qui-va-boire parce qu'au coucher du soleil son ombre essaie d'atteindre l'Ourcq..."
(Paul Claudel, 1948 - source du passage qui précède : http://www.paul-claudel.net/node/28/)

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 Salut, pays* !

Salut, village ! Hier depuis la route
J'ai reconnu à la crête de la colline
Les maisons parmi les clos.
Et, se découpant sur les nuées telles qu'un
Pays blanc, plein de montagnes et de précipices,
La vieille église avec son clocher qui penche !
Salut, pays !

Paul Claudel ("La Jeune Fille Violaine", Mercure de France, 1906) - * "pays" est ici le synonyme affectueux de "village"

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Paysage français

La rivière sans se dépêcher
Arrive au fond de la vallée

Assez large pour qu’un pont
La traverse d’un seul bond

Le clocher par-dessus la ville
Annonce une heure tranquille

Le dîner sera bientôt prêt
Tout le monde l’attend, au frais,

On entend les gens qui causent
Les jardins sont pleins de roses

Le rose propage et propose
L’ombre rouge à l’ombre rose

La campagne fait le pain
La colline fait le vin

C’est une sainte besogne
Le vin, c’est le vin de Bourgogne!

Le citoyen fort et farouche
Porte son verre à sa bouche

Mais la poule pousse affairée
Sa poulaille au poulailler

Tout le monde a fait son devoir
En voilà jusqu’à ce soir.

Le soleil dit:
Il est midi.

Paul Claudel ("Poésies diverses", Mercure de France, 1935 - réédité avec 14 autres poèmes illustrés dans "Dodoitzu et l'escargot alpiniste", Gallimard Jeunesse, 2005)



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15 mai 2009

Pierre CORAN - PRINT POÈTES 11 : PAYSAGES en français

Pierre Coran, auteur belge de langue française, est né en 1934. Instituteur, poète et romancier pour la jeunesse, la liste de ses écrits est  longue.

Quelques titres :
Comptines en Mots d'Ici et d'Ailleurs (éditions Casterman, collection Direlire, à paraître). Autour de 6 € le livre.
Comptines pour ne pas zozoter, avec Gabriel Lefebvre (éditions Casterman, collection Direlire, 1993).
Pierre Coran a publié de nombreux recueils de comptines et de jeux de langage aux éditions Casterman dans la même collection Direlire : Comptines pour jongler avec les rimes (2007), Comptines pour délier les langues à noeuds (2007), Comptines pour garder la cadence (1993), Comptines pour ne pas bredouiller (1993), Comptines pour nasiller comme un canard (1993),etc.
À parcourir aussi : Jaffabules ( Hachette Jeunesse, 1983) et Comptines et poèmes pour jouer avec la langue >> (avec Irène Coran, et Anne Letuffe, illustratrice - éditions Casterman, Les Grands livres, 2005). Ce beau livre est vendu 16 €.

Orage

La pluie me mouille,
La pluie me cingle.
Sa pattemouille
Sort ses épingles.

Il pleut du vent
Et des éclairs.
Un zèbre blanc
Strie la lumière.

La pluie se rouille
Et se déglingue.
Sa pattemouille
Perd ses épingles.

Sous le ciel veuf
D'un soleil mort,
Je me sens neuf
Comme une aurore.

Pierre Coran


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15 mai 2009

Charles CROS, Lise DEHARME - PRINT POÈTES 11 : PAYSAGES en français

Charles Cros (1842–1888) est un poète français ("Le Collier de griffes", "Le Coffret de santal") méconnu de ses contemporains et quelque peu oublié aujourd'hui. Il reste quand même son hareng saur, sec, sec, sec, qui se balance aux murs des écoles. Charles Cros est aussi un inventeur dépossédé : qui sait ce qu'il a apporté à la photographie ? Et le phonographe, qu'il avait théorisé, a été réalisé par Thomas Edison.

On observera que les paysages qu'aime Charles Cros sont, à l'image du personnage et de son oeuvre, surprenants :

Songe d'été

À d’autres les ciels bleus ou les ciels tourmentés,
La neige des hivers, le parfum des étés,
Les monts où vous grimpez, fiertés aventurières
Des Anglaises. Mes yeux aiment mieux les clairières
Où la charcuterie a laissé ses papiers,
Les sentiers où l’on sent encor l’odeur des pieds
Des soldats avec leurs payses, la presqu’île
De Gennevilliers, où croît l’asperge tranquille
Sous l’irrigation puante des égouts...
On ne dispute pas des couleurs ni des goûts.

Charles Cros ("Le Coffret de santal", 1873 - Gallimard poésie 1972)



Lise Deharme (1907-1981), est une romancière et poétesse française, proche d'André Breton et des Surréalistes. On trouvera ses d'autres textes de cette auteure sur le blog ici : l'humour de Lise Deharme et ici : des femmes poètes

Le pêcheur endormi

La ligne d'or
danse sur l'eau :
de chaque rayon
sort un oiseau.

Pêcheur qui dort
abasourdi
croit que le lac
est plein de nids.

Lise Deharme ("Cahiers de curieuse personne" - éditions des Cahiers libres, 1933)

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Un paysage-visage *. De quoi donner des idées de création plastique autrement qu'à la Arcimboldo, non ? ...

Curieuse

Tes cheveux sont des araignées noires et griffues
ton front un désert de sable blond
ton nez une vague de son
tes dents ont faim
ta bouche est fine
ton menton
une colline aiguë
mais tes yeux sont deux cratères
de lave et de gouffres ouverts
semés d'étincelles et de feu
Tes yeux sont deux mondes perdus.

Lise Deharme ("Le coeur de Pic" -  photographies de Claude Cahun - éditions Corti, 1937 et Éditions MeMo, 2004)

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* Ce poème me renvoie à une chanson qu'interprétait Claude Vinci, à contre-courant, dans les années 60, et dont l'auteur, qui l'a chantée lui aussi, est sans doute Max Rongier.* On y trouve le mot "censure", qui n'est pas une coquetterie de langage, mais une réalité de ce temps là ... * ce texte sera rangé dans un paragraphe "Max Rongier", s'il se confirme qu'il en est bien l'auteur... on compte sur vous ?

Ci-dessous, la pochette du 33 tours "Chansons pour vivre", qui contient "Ta chanson", jamais réédité (aucun des deux CD de Claude Vinci ne reprend ce titre), c'est bien dommage. Le nom de l'auteur doit se trouver sur ce disque, mais là on ne peut proposer qu'une image, trouvée sur un site marchand d'occasion ...

Claude_Vinci_Chansons_pour_vivre

Ta chanson *

Tes joues de près ce sont des plages
Tes yeux des lacs, tout bêtement,
Et ta bouche frileusement
C'est une fabrique à nuages

Ton front c'est déjà la forêt
Il y a peut-être des panthères
Tes cheveux quel raz-de-marée
Tout ruisselants de vrai mystère

Bref ton visage déluré
C'est un monde
Et je ne dis rien
De ta poitrine censurée
Dont je pense beaucoup de bien

Ce grain de beauté sur ton cou
C'est un soleil en pleine éclipse
Je n'ose le dire à mon goût
Il brûle mes doigts et je glisse

Voici tes bras comme les branches
De l'arbre de la tentation
Tes mains vaudraient une passion
Quand elles effleurent tes hanches

N'insistons pas et restons sages
Nous chanterons à l'unisson
Les secrets de tes paysages
Ailleurs que dans une chanson.

Max Rongier (sous réserves, pour les paroles) - * pas de confusion, ce titre est aussi celui d'une chanson de Jean Ferrat. Ferrat, Max Rongier et Claude Vinci se connaissaient bien, ayant beaucoup d'idées "communes". Vinci a chanté Ferrat, mais les deux chansons n'ont en commun que leur titre.



15 mai 2009

Robert DESNOS, Lucienne DESNOUES - PRINT POÈTES 11 : PAYSAGES en français

Robert Desnos (1900-1945) a fait partie avec Benjamin Péret et André Breton du mouvement Dada et du surréalisme. Il rompra plus tard avec eux, comme bien d'autres. Auteur de nombreux textes poétiques, ses poèmes pour les enfants sont très connus (" Chantefables et Chantefleurs" - Gründ éditeur, 1995).
Engagé dans la Résistance, il est incarcéré à Compiègne, puis déporté. Il meurt au camp de concentration de Térézin (Theresienstadt, en Tchécoslovaquie).

... "Je pense à toi Desnos qui partis de Compiègne
Comme un soir en dormant tu nous en fis récit
Accomplir jusqu’au bout ta propre prophétie
Là-bas où le destin de notre siècle saigne

Je pense à toi Desnos et je revois tes yeux
Qu’explique seulement l’avenir qu’ils reflètent
Sans cela d’où pourrait leur venir ô poète
Ce bleu qu’ils ont en eux et qui dément les cieux" ...

Louis Aragon ("Complainte de Robert le Diable" dans "Il ne m'est Paris que d'Elsa" - Seghers 1975).

Des textes de Robert Desnos sont déjà présents sur le blog dans les catégories C2 et C3 pour la classe (La fourmi - Le pélican - L'escargot - La grenouille aux  souliers percés - Les hiboux - Le zèbre - L'oiseau du Colorado - Il était une feuille).

Paysage maritime vivant, mouvant et coloré, un poème pour la classe à plusieurs niveaux, si on en propose des passages :

Les rivières claires
(titre proposé, extrait du poème "Le Satyre")

[...]

Ce chemin me conduira aux rivières claires où l'on
se baigne entre deux rives de gazon.
Rivières ombragées par les arbres,
Effleurées par l'aile des oiseaux,
Eau pure, eau pure, vous me lavez.
Je m'abandonnerai à ton courant dans lequel naviguent
les feuilles encore vertes que le vent fit tomber.
Eau pure qui lave sans arrêt les images reflétées.
Eau pure qui frissonne sous le vent,
Je me baignerai et je laisserai le reflet de moi-même
en toi-même, eau pure !
Tu le laveras, ce reflet où je ne veux me reconnaître,
Ou bien emporte-le, loin,
Jusqu'aux océans qui le dissoudront comme du sel.

[...]

Robert Desnos ("Le Satyre" dans "Fortunes" - éditions Gallimard, 1969 - publication posthume)

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Voici d'autres poèmes, qui tournent rond autour du thème, étranges paysages mathématiques qui entrent dans nos paysages communs :

Le carré pointu

Le carré a quatre côtés
Mais il est quatre fois pointu
Comme le Monde.
On dit pourtant que la terre est ronde
Comme ma tête
Ronde et monde et mappemonde :
Un anticyclone se dirigeant vers le nord-ouest...
Le monde est rond, la terre est ronde
Mais elle est, mais il est
Quatre fois pointu
Est Nord Sud Ouest
Le monde est pointu
La terre est pointue
L'espace est carré.

Robert Desnos ("Destinée arbitraire" - éditions Poésie/Gallimard, 1975 - publication posthume)

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Par un point situé sur un plan...

Par un point situé sur un plan
On ne peut faire passer qu'une perpendiculaire
à ce plan.
On dit ça...
Mais par tous les points de mon plan à moi
On peut faire passer tous les hommes, tous les animaux de la terre
Alors votre perpendiculaire me fait rire.
Et pas seulement les hommes et les bêtes
Mais encore beaucoup de choses
Des cailloux
Des fleurs
Des nuages
Mon père et ma mère
Un bateau à voiles
Un tuyau de poêle
Et si cela me plaît
Quatre cents millions de perpendiculaires.

Robert Desnos ("Destinée arbitraire" - éditions Poésie/Gallimard, 1975 - publication posthume)

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L'infini paysage de la vie, infiniment semblable et différent :

L'anneau de Moebius

Le chemin sur lequel je cours
Ne sera pas le même quand je ferai demi-tour
J'ai beau le suivre tout droit
Il me ramène à un autre endroit
Je tourne en rond mais le ciel change
Hier j'étais un enfant
Je suis un homme maintenant
Le monde est une drôle de chose
Et la rose parmi les roses
Ne ressemble pas à une autre rose.

Robert Desnos ("La géométrie de Daniel" 1939, publié dans "Destinée arbitraire" - Poésie/Gallimard, 1975)

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Paysage maritime vivant, mouvant et coloré, un poème pour la classe à plusieurs niveaux, si on en propose des passages :

Ma sirène

Ma sirène est bleue comme les veines où elle nage
Pour l'instant elle dort sur la nacre
Et sur l'océan que je crée pour elle
Elle peut visiter les grottes magiques des îles saugrenues
Là des oiseaux très bêtes
conversent avec des crocodiles qui n'en finissent plus
Et les oiseaux très bêtes volent au-dessus de la sirène bleue
Les crocodiles retournent à leur boire
Et l'île n'en revient pas ne revient pas d'où elle se trouve
où ma sirène et moi nous l'avons oubliée
Ma sirène a des étoiles très belles dans son ciel
Des étoiles blondes aux yeux noirs
Des étoiles rousses aux dents étincelantes
et des étoiles brunes aux beaux seins
Chaque nuit trois par trois
alternant la couleur de leurs cheveux
Ces étoiles visitent ma sirène
Cela fait beaucoup d'allées et venues dans le ciel
Mais le ciel de ma sirène n'est pas un ciel ordinaire ...
Ma sirène a des savons de toutes formes et de toutes couleurs
C'est pour laver sa jolie peau
Ma sirène a beaucoup de savons
L'un pour les mains
L'autre pour les pieds
Un pour hier
Un pour demain
Un pour chacun des yeux
Et celui-là pour sa queue d'écailles
Et cet autre pour les cheveux
Et encore un pour son ventre
Et encore un pour ses reins.
Ma sirène ne chante que pour moi
J'ai beau dire à mes amis de l'écouter
Personne ne l'entendit jamais
Excepté un, un seul
Mais bien qu'il ait l'air sincère
Je me méfie car il peut être menteur.

Robert Desnos ("Les nuits blanches" dans "Destinée arbitraire" - éditions Poésie/Gallimard, 1975 - publication posthume)



Lucienne Desnoues (1921-2004) poète, a également écrit des contes pour les enfants.

On appréciera le côté marché de Provence de cette "Marche en Provence", dégustation de paysage :

Marche en Provence

Ici mon pas se régale
mieux que sur le sable frais
Ou le terreau des forêts
Si fondant sous la sandale.
Oliviers, cyprès, yeuses,
Je prends part à vos repas
Quand je croque d'un bon pas
La pierraille radieuse.

Écraser les thyms, les branches,
C'est du pain chaud sous l'orteil,
Du craquelin de soleil,
Mon plaisir et ma provende.
Marcher sur l'ocre et l'albâtre
C'est mâcher du vin blanc sec,
C'est casser la croûte avec
Les dieux, les vents et les pâtres.

Kilomètres éternels
Je vous marche, je vous mâche,
Je savoure sans relâche
Tous vos sucres, tous vos sels,
Kilomètres, kilogrammes
Broyés au mortier du temps,
Mes toniques éclatants,
Les phosphates de mon âme.
 

Lucienne Desnoues ("La fraîche" - éditions Gallimard, 1958)

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Le paysage, à qui on demande de faire discrètement le deuil de sa représentation :

La mort du peintre

La palette à peine avertie
Sera déjà sèche à midi
Et demain les pinceaux roidis
*
Iront finir dans les orties.
Chantez moins haut, belles collines,
Chantez moins clair et moins certain.
Par le monde il est ce matin
Mille aquarelles orphelines.
Vous qui en fûtes les modèles
Avec vos galops d'amandiers
J'aimerais que vous retardiez
L'instant fatal d'être infidèles,
L'instant d'oublier, vieilles mousses,
Les fins sabots du chevalet
Et cet œil cligné qui voulait
Saisir vos allusions douces.

Lucienne Desnoues ("Les Ors", éditions Seghers, 1966)  - * "roidis" : On préfèrera  peut-être "raidis" pour la classe



15 mai 2009

Joachim DU BELLAY - PRINT POÈTES 11 : PAYSAGES en français

Joachim du Bellay (1522-1560) est avec son contemporain Pierre de Ronsard, le plus important des poètes de la Renaissance. De son long séjour à Rome en 1553, il rapporte "Les Regrets", titre explicite du recueil publié quelques années plus tard, et dont "Heureux qui, comme Ulysse" est peut-être le poème le plus célèbre de cette époque (en concurrence avec "Mignonne, allons voir si la rose ...", de Ronsard).

"Loire fameux, qui, ta petite source,
Enfles de maints gros fleuves et ruisseaux,
Et qui de loin coules tes claires eaux
En l'Océan d'une assez vive course" ...
("du Bellay, "L'olive")

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Heureux qui, comme Ulysse ...

Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,

Ou comme cestuy-là* qui conquit la toison,

Et puis est retourné, plein d'usage et raison,

Vivre entre ses parents le reste de son âge !

Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village

Fumer la cheminée, et en quelle saison

Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,

Qui m'est une province, et beaucoup davantage ?

Plus me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeux,

Que des palais romains le front audacieux,

Plus que le marbre dur me plaît l'ardoise fine :

Plus mon Loire gaulois, que le Tibre latin,

Plus mon petit Liré, que le Mont Palatin,

Et plus que l'air marin la douceur angevine.

* Suggestion : remplacer, pour les élèves, par "celui-là"

Joachim du Bellay ("Les Regrets", écrit à Rome de 1553 à 1557 et édité en 1558 - éditions récentes chez "Lgf/Le Livre De Poche" en 2002 - et en Poésie/Gallimard : "Les Regrets - précédé de "Les Antiquités de Rome, et suivi de "La Défense et illustration de la langue française", 2005) - On trouvera ici une analyse du poème : http://www.lettres.ac-versailles.fr/spip.php?article676

  • On l'aura peut-être écouté (ou du moins entendu) : le chanteur Ridan (Album révélation de l’année 2005 aux Victoires de la Musique), a posé une mélodie sur ce texte, avec quelques suppléments répétitifs. Une hérésie pour les classiques, une curiosité, peut-être intéressante avec les élèves ...

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D'un vanneur de blé aux vents

À vous, troupe légère,
Qui d'aile passagère
Par le monde volez,
Et d'un sifflant murmure
L'ombrageuse verdure
Doucement ébranlez,

J'offre ces violettes,
Ces lis et ces fleurettes,
Et ces roses ici,
Ces vermeillettes roses,
Tout fraîchement écloses,
Et ces œillets aussi.

De votre douce haleine
Éventez cette plaine,
Éventez ce séjour,
Cependant que j'ahanne
À mon blé que je vanne
À la chaleur du jour
.

Joachim du Bellay ("Divers Jeux rustiques", 1558 - édité en Poésie/Gallimard, 1996)


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15 mai 2009

Chantal DUPUY-DUNIER, Marie-Jeanne DURRY - PRINT POÈTES 11 : PAYSAGES en français

Chantal Dupuy-Dunier est née en 1949.

Le poème qui suit se réfère au monastère franciscain de Saorge, dans l’arrière-pays niçois, qui a été aménagé en résidence d’écrivains et où l'auteur a séjourné :

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Saorge

Saorge germinative,
perlée, dépouillée,
humble sous la lombarde
qui manie le fouet
avec sa poigne de vent.

Saorge panifère et abreuvante.

Dehors,
sur une terrasse du jardin,
un laurier amoureux,
dont deux branches enserrent
le tronc entre leurs bras,
fait rougir de désir les orangers voisins.
Déjà, quelques abeilles inventorient
les promesses des mélèzes.

Midi :

Sous les ardoises lisses de la cuisine,
une femme, brune et belle,
fait frire des panisses,
semées de parmesan.
( Nice et l’Italie pacifiées.)

Le miel chante dans la cuillère.

Chantal Dupuy-Dunier ("Saorge, dans la cellule du poème" - Éditions Voix d’encre, 2009 - Illustrations de Michèle Dadolle.)



Marie-Jeanne Durry (1901-1980) est une poète, essayiste et universitaire, auteure de recueils de poésie et d'ouvrages sur des écrivains (Chateaubriand, Flaubert ...)

Chanson

J'ai volé un petit nuage
Pour me promener

Je flotte sur les villages
D'un monde abandonné

Vous pouvez vous mettre en chasse
Vous ne m'attraperez pas

Mais d'en haut je tends mes nasses
Viens partager mon repas

De gouttes et d'étincelles
Viens partager mon repas

Je plonge et je te soulève
Jusqu'à mon nid dans le ciel

Le soleil est sur nos lèvres
Un gâteau de miel

Écoute comme je chante
Vois naître dans l'air

Les agiles couleurs changeantes
Qui frémissent sur la mer.

Marie-Jeanne Durry ("Lignes de vie", éditions Saint-Germain-des-Prés, 1973)



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