Robert Desnos (1900-1945) a fait partie avec Benjamin Péret et André Breton du mouvement Dada
et du surréalisme. Il rompra plus tard avec eux. Auteur de nombreux
textes poétiques, ses poèmes pour les enfants sont très connus (" Chantefables et Chantefleurs" - Gründ éditeur, 1995).
Engagé
dans la Résistance, il est incarcéré à Compiègne, puis déporté. Il
meurt au camp de concentration de Térézin (Theresienstadt, en
Tchécoslovaquie).
Ce
poème joue sur les échanges de lettres ou de syllabes, à la manière
(mais sans l'intention grivoise évidemment), de contrepèteries, et
l'invention de mots :
Le canapé de Paméla
Le canapé de Paméla
Le Panapé de Caméla
Le Panala de Camépé
Est un beau canaquois
Est un nabeau est un naquois
Charmante Panapé
Charmante Paméla
Le charme de Paméla
Le charme du canapé
Il est passé par ici
Il repassera par là
C’est un nabeau c’est un naquois
Charmante Paméla
Délicieux canapé
Robert Desnos ("Youki 1930 Poésie" - publication posthume dans "Destinée arbitraire" - Gallimard, 1975)
Jouer avec les syllabes
Les élèves peuvent rechercher des mots connus dans le dictionnaire en suivant, comme dans le poème de Robert Desnos, certains critères : le même nombre de
syllabes et des voyelles communes, ou pas. Ils s'exercent à la permutation simple de syllabes entre deux mots,
et en vérifient le possible effet amusant. On construit ensuite autour
des mots appariés un texte structuré, en enrichissant le thème
développé, sur le mode humoristique.
L'exemple ci-dessous, utilise des prénoms féminins et s'autorise quelques entorses à la règle :
Mes trouvailles
J'ai cueilli des radis pour Annie
des rideaux et des radeaux pour Anna ...
(texte complet au paragraphe Charpentreau de la catégorie PRINT POÈTES 2009 : L'HUMOUR des poètes)
On retrouvera avec d'autres auteurs [Boby Lapointe par exemple] d'autres procédés basés sur les jeux de mots.
Voir
également "La Belle Lisse Poire du prince de Motordu" de Pef, ainsi que
les autres livres de la série, et le "Dictionnaire des mots tordus ",
du même auteur.
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Un poème pour la classe à plusieurs niveaux, si on en propose des passages :
Ma sirène
Ma sirène est bleue comme les veines où elle nage
Pour l'instant elle dort sur la nacre
Et sur l'océan que je crée pour elle
Elle peut visiter les grottes magiques des îles saugrenues
Là des oiseaux très bêtes
conversent avec des crocodiles qui n'en finissent plus
Et les oiseaux très bêtes volent au-dessus de la sirène bleue
Les crocodiles retournent à leur boire
Et l'île n'en revient pas ne revient pas d'où elle se trouve
où ma sirène et moi nous l'avons oubliée
Ma sirène a des étoiles très belles dans son ciel
Des étoiles blondes aux yeux noirs
Des étoiles rousses aux dents étincelantes
et des étoiles brunes aux beaux seins
Chaque nuit trois par trois
alternant la couleur de leurs cheveux
Ces étoiles visitent ma sirène
Cela fait beaucoup d'allées et venues dans le ciel
Mais le ciel de ma sirène n'est pas un ciel ordinaire ...
Ma sirène a des savons de toutes formes et de toutes couleurs
C'est pour laver sa jolie peau
Ma sirène a beaucoup de savons
L'un pour les mains
L'autre pour les pieds
Un pour hier
Un pour demain
Un pour chacun des yeux
Et celui-là pour sa queue d'écailles
Et cet autre pour les cheveux
Et encore un pour son ventre
Et encore un pour ses reins.
Ma sirène ne chante que pour moi
J'ai beau dire à mes amis de l'écouter
Personne ne l'entendit jamais
Excepté un, un seul
Mais bien qu'il ait l'air sincère
Je me méfie car il peut être menteur.
Robert Desnos ("Les nuits blanches" dans "Destinée arbitraire" - éditions Poésie/Gallimard, 1975 - publication posthume)
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<< ci-contre, fourmi au feutre indélébile sur fond gouache et huile. Techniques d'illustration visibles sur le blog http://jourssemisentre2.canalblog.com/
La fourmi
Une fourmi de dix-huit mètres
Avec un chapeau sur la tête,
Ça n'existe pas, ça n'existe pas.
Une fourmi traînant un char
Plein de pingouins et de canards,
Ça n'existe pas, ça n'existe pas.
Une fourmi parlant français;
Parlant latin et javanais,
Ça n'existe pas, ça n'existe pas.
Eh ! Pourquoi pas ?
Robert Desnos ("Chantefables et Chantefleurs" - Gründ éditeur, publication posthume en 1952)
À la manière de "une fourmi de dix-huit mètres ..."
voici une adresse où vous trouverez des textes imités de "La fourmi" : http://clicnet.swarthmore.edu/rire/textes/desnos.html
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La dame pavot nouvelle épousée
La dame pavot nouvelle épousée
a demandé à son mari
Quelle est l'année ?
Quel est le mois ?
Quelle est la semaine ?
Quel est le jour ?
Quelle est l'heure ?
Et son mari a répondu
- Nous sommes en l'an quarante
nous sommes au mois de Juillobre
semaine des quatre jeudis
jour de gloire
midi sonné.
Belle année, agréable mois,
charmante semaine,
jour merveilleux
Heure délicieuse.
Robert Desnos ("Le parterre d'Hyacinthe" publication posthume dans "Destinée arbitraire" - Gallimard, 1975)
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Sa publication posthume en justifie le titre : "Le dernier poème". En réalité, même authentique, il est sans doute le condensé, de mémoire, du texte "J'ai tant rêvé de toi",reproduit à sa suite, que Robert Desnos a publié en 1930. source, autres textes et intéressante histoire de ce poème ici : http://pagesperso-orange.fr/d-d.natanson/desnos.htm
Le dernier poème
J'ai rêvé tellement fort de toi,
J'ai tellement marché, tellement parlé,
Tellement aimé ton ombre,
Qu'il ne me reste plus rien de toi,
Il me reste d'être l'ombre parmi les ombres
D'être cent fois plus ombre que l'ombre
D'être l'ombre qui viendra et reviendra
dans ta vie ensoleillée.
Robert Desnos ("Domaine public" - Gallimard, 1953)
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J'ai tant rêvé de toi
J'ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité.
Est-il encore temps d'atteindre ce corps vivant
Et de baiser sur cette bouche la naissance
De la voix qui m'est chère?
J'ai tant rêvé de toi que mes bras habitués
En étreignant ton ombre
A se croiser sur ma poitrine ne se plieraient pas
Au contour de ton corps, peut-être.
Et que, devant l'apparence réelle de ce qui me hante
Et me gouverne depuis des jours et des années,
Je deviendrais une ombre sans doute.
O balances sentimentales.
J'ai tant rêvé de toi qu'il n'est plus temps
Sans doute que je m'éveille.
Je dors debout, le corps exposé
A toutes les apparences de la vie
Et de l'amour et toi, la seule
qui compte aujourd'hui pour moi,
Je pourrais moins toucher ton front
Et tes lèvres que les premières lèvres
et le premier front venu.
J'ai tant rêvé de toi, tant marché, parlé,
Couché avec ton fantôme
Qu'il ne me reste plus peut-être,
Et pourtant, qu'à être fantôme
Parmi les fantômes et plus ombre
Cent fois que l'ombre qui se promène
Et se promènera allègrement
Sur le cadran solaire de ta vie.
Robert Desnos ("Corps et biens" - Gallimard, 1930)
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À la mystérieuse
J'ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité.
Est-il encore temps d'atteindre ce corps vivant
Et de baiser sur cette bouche la naissance
De la voix qui m'est chère?
J'ai tant rêvé de toi que mes bras habitués
En étreignant ton ombre
A se croiser sur ma poitrine ne se plieraient pas
Au contour de ton corps, peut-être.
Et que, devant l'apparence réelle de ce qui me hante
Et me gouverne depuis des jours et des années,
Je deviendrais une ombre sans doute.
O balances sentimentales.
J'ai tant rêvé de toi qu'il n'est plus temps
Sans doute que je m'éveille.
Je dors debout, le corps exposé
A toutes les apparences de la vie
Et de l'amour et toi, la seule
qui compte aujourd'hui pour moi,
Je pourrais moins toucher ton front
Et tes lèvres que les premières lèvres
et le premier front venu.
J'ai tant rêvé de toi, tant marché, parlé,
Couché avec ton fantôme
Qu'il ne me reste plus peut-être,
Et pourtant, qu'à être fantôme
Parmi les fantômes et plus ombre
Cent fois que l'ombre qui se promène
Et se promènera allègrement
Sur le cadran solaire de ta vie.
Robert Desnos ("Corps et biens" - Gallimard, 1930)
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La furtive
La furtive s'assoit dans les hautes herbes pour se reposer d'une course épuisante à travers une campagne déserte.
Poursuivie, traquée, espionnée, dénoncée, vendue.
Hors de toute loi, hors de toute atteinte.
À la même heure s'abattent les cartes
Et un homme dit à un autre homme : "À demain."
Demain, il sera mort ou parti loin de là.
À l'heure où tremblent les rideaux blancs sur la nuit profonde,
Où le lit bouleversé des montagnes
béant vers son hôtesse disparue
Attend quelque géante d'au-delà de l'horizon,
S'assoit la furtive, s'endort la furtive
Dans un coin de cette page.
Craignez qu'elle ne s'éveille,
Plus affolée qu'un oiseau se heurtant aux meubles et aux murs.
Craignez qu'elle ne meure chez vous,
Craignez qu'elle s'en aille, toutes vitres brisées,
Craignez qu'elle ne se cache dans un angle obscur,
Craignez de réveiller la furtive endormie.
Robert Desnos ("Domaine public" - Gallimard, 1953)
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Des fleurs au féminin :
La marjolaine et la verveine
La marjolaine et la verveine
La marjoveine et la verlaine
La verjolaine et la marveine
Chez Catherine ma marraine
On fait son lit de marjolaine
Et de verveine.
Robert Desnos ("Chantefables et Chantefleurs" - Gründ éditeur, publication posthume en 1952)
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Le narcisse et la jonquille
Es-tu narcisse ou jonquille ?
Es-tu garçon, es-tu fille ?
Je suis lui et je suis elle,
Je suis narcisse et jonquille,
Je suis fleur et je suis belle
Fille.
Robert Desnos ("Chantefables et Chantefleurs" - Gründ éditeur, publication posthume en 1952)
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La lavande
Lavandière, lavandière !
As-tu vu le poisson bleu
Qui nageait dans la rivière ?
Il t’apportait la lavande,
La lavande en bouquet bleu,
Poisson bleu, fleurs de lavande,
Poisson bleu.
Robert Desnos ("Chantefables et Chantefleurs" - Gründ éditeur, publication posthume en 1952)
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La pervenche et la primevère
Doña Dolorès Primevère,
Lady Roxelane Pervenche
Un beau dimanche,
Montent en haut du belvédère.
Rêveuse pervenche,
Douce primevère,
Radieuse atmosphère.
Robert Desnos ("Chantefables et Chantefleurs" - Gründ éditeur, publication posthume en 1952)
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La pivoine
Marchande de pivoines
Au faubourg Saint-Antoine,
Chausse tes gros sabots,
Couleur d’orange et de pivoine,
Et viens sur mon bateau,
Pivoine, pivoine,
Pêcher dans l’eau
Joyeux matelots.
Robert Desnos ("Chantefables et Chantefleurs" - Gründ éditeur, publication posthume en 1952)