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1 avril 2008

Marceline Desbordes-Valmore, Anne-Marie Désert

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) publie à l'âge de 23 ans son premier recueil : Élégies, Marie et Romances. Sensible, romantique, lyrique, sa poésie humaniste et sociale invente de nouvelles formes dont se sont inspirés sans doute des poètes comme Verlaine et Rimbaud.

"Les séparés", témoignage d'une souffrance réelle, un texte que Julien Clerc a mis en musique :

N'écris pas

N'écris pas, je suis triste, et je voudrais m'éteindre
Les beaux étés sans toi, c'est la nuit sans flambeau
J'ai refermé mes bras qui ne peuvent t'atteindre,
Et frapper à mon coeur, c'est frapper au tombeau
N'écris pas !

N'écris pas, n'apprenons qu'à mourir à nous-mêmes
Ne demande qu'à Dieu ... qu'à toi, si je t'aimais !
Au fond de ton absence écouter que tu m'aimes,
C'est entendre le ciel sans y monter jamais
N'écris pas !

N'écris pas, je te crains ; j'ai peur de ma mémoire;
Elle a gardé ta voix qui m'appelle souvent
Ne montre pas l'eau vive à qui ne peut la boire
Une chère écriture est un portrait vivant
N'écris pas !

N'écris pas ces mots doux que je n'ose plus lire :
Il semble que ta voix les répand sur mon coeur ;
Et que je les voix brûler à travers ton sourire ;
Il semble qu'un baiser les empreint sur mon coeur
N'écris pas ! ...

Marceline Desbordes-Valmore ("Poésies inédites")

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Ma fille

T'es ma fille ! T'es ma poule !
T'es le petit coeur qui roule
Tout à l'entour de mon coeur !
T'es le p'tit Jésus d'ta mère !
Tiens ! gnia pas d'souffrance amère
Que ma fill' n'en soit l'vainqueur.

Gnia pas à dir', faut qu'tu manges.
Quoiqu' tu vienn's d'avec les anges,
Faut manger pour bien grandir.
Mon enfant, j't'aim' tant qu'ça m'lasse;
C'est comme un' cord' qui m'enlace,
Qu' çà finit par m'étourdir.

Qué qu'ça m'fait si m' manqu' queuqu'chose,
Quand j'vois ton p'tit nez tout rose,
Tes dents blanch's comm' des jasmins ;
J'prends tes yeux pour mes étoiles,
Et quand j'te sors de tes toiles
J'tiens l'bon Dieu dans mes deux mains.

T'es ma fille ! T'es ma poule !
T'es le petit coeur qui roule
Tout à l'entour de mon coeur !
T'es le p'tit Jésus d'ta mère !
Tiens ! gnia pas d'souffrance amère
Que ma fill' n'en soit l'vainqueur !
 

Marceline Desbordes-Valmore ("Poésies en patois")

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À mes enfants

Quand le soleil y passe, ouvrez votre fenêtre ;
Lui seul sait essuyer l’humide et sombre hiver.
Si le bonheur absent vient pour vous reconnaître,
Que votre cœur charmé, tout grand lui soit ouvert !

Gardez-vous de bouder, enfants, contre vous-mêmes.
Sachez : l’or est moins pur qu’un tendre et doux conseil.
Enfants : ne pas sourire à l’ami qui vous aime,
C’est tourner le dos au soleil.

Marceline Desbordes-Valmore

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Au revoir

Sous tes longs cheveux d'or, quand tu cours sur la grève
Au vent,
Si quelque prompt ramier touche ton front qui rêve
Souvent,
De cette aile d'oiseau ne prends pas, ô ma fille !
D'effroi :
Pour baiser son enfant** c'est une âme qui brille :
C'est moi !
Parmi d'autres enfants qui te font toute heureuse,
Le soir,
Quand tu vas au jardin, lasse d'être rieuse,
T'asseoir;
Si tu t'inquiétais comment je passe l'heure,
Sans toi,
Penche un peu ton oreille à cet oiseau qui pleure :
C'est moi !

Marceline Desbordes-Valmore

* "t'inqui-étais"
** Variante possible : "pour aimer son enfant "... Le sens du verbe baiser a évolué ... On peut, peut-être, garder  la version originale et l'expliquer ?

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Un nouveau-né (passage)

...
Toi, cher petit dormeur, notre monde te plaît :
Ton âme est toute blanche et n'a bu que du lait !
Depuis si peu d'instants descendu sur la terre,
Tes yeux nagent encor dans un divin mystère ;
Tu revois la maison d'où tu viens, ton beau ciel,
Et ton baiser qui s'ouvre en a gardé du miel !

Marceline Desbordes-Valmore

Une lettre de femme

Les femmes, je le sais, ne doivent pas écrire ;
J'écris pourtant,
Afin que dans mon coeur au loin tu puisses lire
Comme en partant.

Je ne tracerai rien qui ne soit dans toi-même
Beaucoup plus beau ;
Mais le mot cent fois dit, venant de ce qu'on aime,
Semble nouveau.

Qu'il te porte au bonheur ! Moi, je reste à l'attendre,
Bien que, là-bas,
Je sens que je m'en vais, pour voir et pour entendre
Errer tes pas.

Ne te détourne point s'il passe une hirondelle
Par le chemin,
Car je crois que c'est moi qui passerai, fidèle,
Toucher ta main.

Tu t'en vas, tout s'en va ! Tout se met en voyage,
Lumière et fleurs,
Le bel été te suit, me laissant à l'orage,
Lourde de pleurs.

Mais si l'on ne vit plus que d'espoir et d'alarmes,
Cessant de voir,
Partageons pour le mieux : moi, je retiens les larmes,
Garde l'espoir.

Non, je ne voudrais pas, tant je te suis unie,
Te voir souffrir :
Souhaiter la douleur à sa moitié bénie,
C'est se haïr
.

Marceline Desbordes-Valmore ("Poésies inédites")

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Les roses de Saadi

J'ai voulu, ce matin, te rapporter des roses;
Mais j'en avais tant pris dans mes ceintures closes
Que les nœuds trop serrées n'ont pu les contenir.

Les nœuds ont éclaté. Les roses envolées
Dans le vent, à la mer s'en sont toutes allées.
Elles ont suivi l'eau pour ne plus revenir;

La vague en a paru rouge et comme enflammée :
Ce soir, ma robe encore en est toute embaumée…
Respires-en sur moi l'odorant souvenir.
 

Marceline Desbordes-Valmore ("Poésies inédites")

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Qu'en avez-vous fait ?
   
Vous aviez mon cœur
Moi, j'avais le vôtre :
Un cœur pour un cœur,
Bonheur pour bonheur !

Le v
ôtre est rendu,
Je n'en ai plus d'autre;
Le v
ôtre est rendu,
Le mien est perdu !

La feuille et la fleur
Et le fruit lui-même,
La feuille et la fleur,
L'encens, la couleur,

Qu'en avez-vous fait,
Mon maître suprême ?
Qu'en avez-vous fait,
De ce doux bienfait ?

Comme un pauvre enfant
Quitté par sa mère,
Comme un pauvre enfant
Que rien ne défend,

Vous me laissez là
Dans ma vie amère,
Vous me laissez là,
Et Dieu voit cela !

Savez-vous qu'un jour
L'homme est seul au monde ?
Savez-vous qu'un jour
Il revoit l'Amour ?

Vous appellerez,
Sans qu'on vous réponde
Vous appellerez,
Et vous songerez !…

Vous viendrez rêvant
Sonner à ma porte,
Ami comme avant,
Vous viendrez rêvant,

Et l'on vous dira :
"Personne !… elle est morte."
On vous le dira,
Mais, qui vous plaindra ?
 

Marceline Desbordes-Valmore ("Poésies inédites")

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Jours d'été

Pour regarder de près ces aurores nouvelles,
Mes six ans curieux battaient toutes leurs ailes ;
Marchant sur l'alphabet rangé sur mes genoux,
La mouche en bourdonnant me disait : "Venez-vous ? ..."
et mon nom qui teintait dans l'air ardent de joie,
les pigeons sans liens sous leur robe de soie,
Mollement envolés de maison en maison,
Dont le fluide essor entraînait ma raison,
Les arbres, hors des murs, poussant leurs têtes vertes,
jusqu'au fond des jardins les demeures ouvertes,
le rire de l'été sonnant de toutes parts,
Et le congé, sans livre ! errant aux vieux remparts :
Tout combattait ma soeur à l'aiguille attachée ;
tout passait en chantant sous ma tête penchée ;
Tout m'enlevait, boudeuse, et riante à la fois ;
Et l'alphabet toujours s'endormait dans ma voix.

Marceline Desbordes-Valmore ("Bouquets et prières")


Anne-Marie Désert est une auteure contemporaine. Elle a publié deux recueils : "L'arbre transparent", 1974, réédité en 1983, et le récent "Quatre saisons dans l'arbre transparent", éditions Books On Demand, juin 2010. On retrouve dans ce dernier, avec d'autres textes, les poèmes du premier recueil.

"j'ai ma maison dans un arbre ..."

Oubliée par le blog dans cette catégorie du Printemps des poètes 2010 (mais heureusement présente ailleurs), Anne-Marie Désert a publié son premier recueil en 1983, que des poètes ont salué (Norge, Guillevic ...). Elle nous donne à voir (août 2010) ce beau texte, qui peut ouvrir les chemins de la poésie sensible aux élèves dès l'élémentaire :

LES VACHES (titre proposé)

UN TEMPS J’AVAIS UN GRAND SAC
OÙ S’ÉGARAIENT PARFOIS LES VACHES.

J’AIMAIS OUVRIR MON SAC
POUR REGARDER LES TROUPEAUX.

SANS UN REGARD,
LEURS YEUX TROUVAIENT DES CHEMINS
DE TRAVERSE EN HAUT DES ARBRES.

ET DANS LE SILENCE
JE NE LAISSAIS RIEN ENTRER
QUE LEURS SABOTS
.

Anne-Marie Désert ("L'arbre transparent")


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1 avril 2008

PP09 : L'humour de MAURICE FOMBEURE

- Maurice Fombeure -

Maurice Fombeure (1906-1981) est un romancier et poète français.
Son recueil de poèmes le plus connu est "À dos d'oiseau", édité en 1942 aux éditions Gallimard et disponible en Poésie-Gallimard.

Chanson de la pluie

À dos de mule
À dos d'oiseau
À dos de libellule hulot
À dos de rat-mulot
À pas  de campanule
À bras de mélilot
S'en va la pluie à bulles
S'en va la pluie sur l'eau

Une pluie fil à fil
Qu'habille l'horizon
Et de fil en aiguille
Va jusqu'à la maison,
" Va jusqu'à la maison
Tu trouveras ma mère
Qu'est assise au tison
Qui recoud des linceuls
Ou qui tire au rouet
Toute  sa vie amère,
Demande-lui z'à boire
Z'à boire et à manger..."
Mais la pluie perd la mémoire
À force de voyager,

À force de voyager
Sur ses pattes de gouttes rondes
Faire le tour du monde.
À dos de mule
À dos d'oiseau
À dos de libellule hulot
À dos de rat-mulot
À pas de campanule
À bras de mélilot
S'en va la pluie à bulles
S'en va la pluie sur l'eau !

Maurice Fombeure ("À chat petit" - éditions Gallimard, 1967)

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Air de ronde

On dansa la ronde,
Mais le roi pleura.
Il pleurait sur une
Qui n’était pas là.

On chanta la messe,
Mais le roi pleura.
Il pleurait pour une
Qui n’était pas là

Au clair de la lune,
Le roi se tua,
Se tua pour une
Qui n’était pas là.

Oui, sous les fougères
J’ai vu tout cela,
Avec ma bergère
Qui n’était pas là.

Maurice Fombeure

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1 avril 2008

PP 09 - L'humour de XAVIER FORNERET

- Xavier Forneret -

Xavier Forneret (1809-1884), contemporain de Victor Hugo, est un romancier ("Le diamant de l'herbe") et un poète non conformiste, adepte de l'humour noir.

Le texte qui suit, le plus connu de l'auteur, figure dans l'Anthologie de l'humour noir, d'André Breton, qui sans considérer Xavier Forneret comme un Surréaliste avant l'heure (trop excentrique, imprévisible), lui trouvait quand même un lien de parenté certain.

Un pauvre honteux

Il l'a tirée
De sa poche percée,
L'a mise sous ses yeux ;
Et l'a bien regardée
En disant : " Malheureux ! "

Il l'a soufflée
De sa bouche humectée ;
Il avait presque peur
D'une horrible pensée
Qui vint le prendre au cœur.

Il l'a mouillée
D'une larme gelée
Qui fondit par hasard ;
Sa chambre était trouée
Encor plus qu'un bazar.

Il l'a frottée
Ne l'a pas réchauffée
A peine il la sentait ;
Car, par le froid pincée,
Elle se retirait.

Il l'a pesée
Comme on pèse une idée,
En l'appuyant sur l'air.
Puis il l'a mesurée
Avec du fil de fer.

Il l'a touchée
De sa lèvre ridée. -
D'un frénétique effroi
Elle s'est écriée :
Adieu, embrasse-moi !

Il l'a baisée,
Et après l'a croisée
Sur l'horloge du corps,
Qui rendait, mal montée,
De mats et lourds accords.

Il l'a palpée
D'une main décidée
A la faire mourir. -
- Oui, c'est une bouchée
Dont on peut se nourrir.

Il l'a pliée,
Il l'a cassée,
Il l'a placée,
Il l'a coupée ;
Il l'a lavée,
Il l'a portée,
Il l'a grillée,
Il l'a mangée.

Quand il n'était pas grand on lui avait dit : Si tu as faim, mange une de tes mains.

Xavier Forneret (texte intitulé "Vapeur 13" dans le recueil "Vapeurs, ni vers ni prose", éditions Duverger, 1838)

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1 avril 2008

PP 09 - L'humour de GEORGES FOUREST

- Georges Fourest -

Georges Fourest (1867-1945) est un poète français, auteur de deux recueils, "La Négresse blonde" (1909) et "Le Géranium ovipare" (1935), publiés aux éditions Messein, réédités en 1997 par José Corti et par d'autres éditeurs ensuite. Son humour est provocateur, rabelaisien, parodique.

Un sonnet, parodique du théâtre classique de Pierre Corneille :

Le Cid

Le palais de Gormaz, comte et gobernador
est en deuil; pour jamais dort couché sous la pierre
l'hidalgo dont le sang a rougi la rapière
de Rodrigue appelé le Cid Campeador.

Le soir tombe. Invoquant les deux saints Paul et Pierre
Chimène, en voiles noirs, s'accoude au mirador
et ses yeux dont les pleurs ont brûlé la paupière
regardent, sans rien voir, mourir le soleil d'or ...

Mais un éclair, soudain, fulgure en sa prunelle :
sur la plaza Rodrigue est debout devant elle !
Impassible et hautain, drapé dans sa capa,

le héros meurtrier à pas lents se promène :
"Dieu !" soupire à part soi la plaintive Chimène,
"qu'il est joli garçon l'assassin de Papa !"

Georges Fourest ("La Négresse blonde", 1909)

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Un poème peut-être accessible en cycle 3 :

Sardines à l’huile

Sardines à l’huile fine sans têtes et sans arêtes.
(Réclames des sardiniers, passim.)

Dans leur cercueil de fer-blanc
plein d’huile au puant relent
marinent décapités
ces petits corps argentés
pareils aux guillotinés
là-bas au champ des navets !
Elles ont vu les mers, les
côtes grises de Thulé,
sous les brumes argentées
la Mer du Nord enchantée...
Maintenant dans le fer-blanc
et l’huile au puant relent
de toxiques restaurants
les servent à leurs clients !
Mais loin derrière la nue
leur pauvre âmette ingénue
dit sa muette chanson
au Paradis-des-poissons,
une mer fraîche et lunaire
pâle comme un poitrinaire,
la Mer de Sérénité
aux longs reflets argentés
où durant l’éternité,
sans plus craindre jamais les
cormorans et les filets,
après leur mort nageront
tous les bons petits poissons !...

Sans voix, sans mains, sans genoux*
sardines, priez pour nous !...

*Tout ce qu’il faut pour prier. (Note de l’auteur)
Georges Fourest ("La Négresse blonde", 1909)

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Georges Fourest s'est essayé au poème-adresse. Voyez sa création, en forme d'acrostiche, au paragraphe Stéphane Mallarmé, plus loin, avec les poèmes-adresses et l'art postal.

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1 avril 2008

PP 09 - L'humour d'ANDRÉ FRÉDÉRIQUE

- André Frédérique -

André Frédérique (1915-1957), est un poète d'humour sombre, disparu volontairement trop jeune. Ses recueils s'intitulent : Aigremorts (1947 - Gallimard),  Histoires blanches (1957 - Gallimard), Poésie sournoise (1957- Seghers).

Exercices de logique

Un homme qui serait mort mais qui ne serait pas né
Un homme qui naîtrait après sa mort
Un homme qui mourrait en naissant mais qui ne naîtrait pas en mourant
Un homme qui ne mourrait pas
Un homme qui naîtrait une fois sur deux
Un homme qui mourrait quelquefois
Un homme qui n'arrêterait pas de naître
Un homme qui ne finirait pas de mourir
Un homme qui naîtrait de sa belle mort
Un homme qui naîtrait au-dessous de la ceinture et qui mourrait au-dessus
Un homme qui ne serait ni né ni mort
Cet homme-là n'est pas encore né.

André Frédérique, ("Aigremorts" - 1947)

logo_cr_ation_po_tiqueÀ la manière de "Exercices de logique"

La structure de ce  texte se prête plutôt facilement à la création poétique.
Un exemple à cette adresse :
http://www.af.spb.ru/bull3/TRAD.HTM

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Seconde classe

Dans le métro les gens sont tristes
derrière leurs lunettes
ceux qui ont des barbes mâchent le poil
ceux qui ont des journaux les dévorent
mais les vieilles femmes ont encore plus de peine
qui ne peuvent mâcher les barbes et
qui ne savent pas lire.

*découpage respecté
André Frédérique ("Aigremorts" -1947 ; cité dans la revue "Poésie 1", n°22 de février 1972)

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La face

Il était laid avec ses deux bouches
Sous le nez sans cesse agitées
oui disait la droite non disait la gauche
et patati et patata
Il mit ses énormes moustaches
sur elles comme un drap*.

*majuscules et découpage respectés
André Frédérique ("Aigremorts" -1947 ; cité dans la revue "Poésie 1", n°22 de février 1972)

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1 avril 2008

PP 09 - L'humour de PIERRE GAMARRA

- Pierre Gamarra -

Pierre Gamarra, écrivain ("Le maître d'école") et poète, est né en 1919.

La pendule

Je suis la pendule, tic !
Je suis la pendule, tac !
On dirait que je mastique
Du mastic et des moustiques
Quand je sonne et quand je craque
Je suis la pendule, tic !
Je suis la pendule, tac !

J’avance ou bien je recule
Tic-tac, je suis la pendule,
Je brille quand on m’astique,
Je ne suis pas fantastique
Mais je connais l’arithmétique,
J’ai plus d’un tour dans mon sac,
Je suis la pendule, tac !
Je suis la pendule, tac !

Pierre Gamarra  ("Mon Cartable et autres poèmes à réciter" - ID livre jeunesse, 2006)

logo_cr_ation_po_tique Les objets s'expriment 

Il n'y a pas de raison (non, il n'y en a pas), comme les animaux, les objets parlent, et ça peut être drôle. On fera raconter en vers rimés ou libres, par les objets de notre entourage, leurs tracas et leurs plaisirs, peut-être leurs aventures ? Penser aux objets domestiques : Le frigo, la machine à café, le téléviseur, la console de jeux, le téléphone, même le paillasson ou l'éponge,  et aux autres, qu'ils nous appartiennent ou pas : la voiture, un avion, le caddie de supermarché, le cartable, le ballon de rugby ...

  • Autres possibilités : Faire raconter les objets naturels (la rivière, une montagne, la mer), ou artificiels du paysage (un pont sur le fleuve, la cour de récréation, une tour d'habitation promise à la démolition, un clocher d'église, le coq du clocher...) Les animaux évidemment, domestiques ou sauvages, disparus ou bien actuels. De nombreux textes peuvent servir de modèle.

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Le cosmonaute et son hôte

Sur une planète inconnue,
un cosmonaute rencontra
un étrange animal;
il avait le poil ras,
une tête trois fois cornue,
trois yeux, trois pattes et trois bras !
« Est il vilain! pensa le cosmonaute
en s'approchant prudemment de son hôte.
Son teint a la couleur d'une vieille échalote,
son nez a l'air d'une carotte.
Est ce un ruminant? Un rongeur? »
Soudain, une vive rougeur
colora plus encor le visage tricorne.
Une surprise sans bornes
fit chavirer ses trois yeux.
" Quoi! Rêvé je ? dit il. D'où nous vient, justes cieux,
ce personnage si bizarre sans crier gare !
Il n'a que deux mains et deux pieds,
il n'est pas tout à fait entier.
Regardez comme. il a l'air bête,
il n'a que deux yeux dans la tête !
Sans cornes, comme il a l'air sot !"
C'était du voyageur arrivé de la Terre
que parlait l'être planétaire.
Se croyant seul parfait et digne du pinceau,
il trouvait au Terrien un bien vilain museau.
Nous croyons trop souvent que, seule, notre tête
est de toutes la plus parfaite!

Pierre Gamarra (" Salut, Monsieur de la Fontaine" - éditions ART, Le Temps des cerises)

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Le moqueur moqué


Un escargot se croyant beau,
Se croyant gros, se moquait d'une coccinelle.
Elle était mince, elle était frêle !
Vraiment, avait-on jamais vu insecte aussi menu !
Vint à passer une hirondelle
Qui s'esbaudit du limaçon.
Quel brimborion, s'écria-t-elle !
C'est le plus maigre du canton !
Vint à passer un caneton.
Cette hirondelle est minuscule,
Voyez sa taille ridicule !
Dit-il sur un ton méprisant.
Or, un faisan
aperçut le canard et secoua la tête :
Quelle est cette si minime bête
Au corps si drôlement bâti !
Un aigle qui planait leur jeta ces paroles :
Êtes-vous fous ? Êtes-vous folles ?
Qui se moque du précédent sera moqué par le suivant.
Celui qui d'un autre se moque
A propos de son bec, à propos de sa coque,
De sa taille ou de son caquet,
Risque à son tour d'être moqué !

Pierre Gamarra (" Salut, Monsieur de la Fontaine" - éditions ART, Le Temps des cerises)

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1 avril 2008

PP 09 : l'humour de ROBERT GÉLIS

- Robert Gélis -

Robert Gélis, romancier et poète pour la jeunesse, est né en 1938. Il a publié des recueils de poésies (Poèmes à tu et à toi, En faisant des galipoètes...) et des contes (Histoires et contes du loup-phoque...) d'humour et d'humanité. On le retrouvera dans les poésies C2 pour la classe (Mon stylo) et dans la catégorie Printemps des Poètes 2008, l'Autre (texte titré : L'autre, Visite).

... "L'Important, c'est d'accrocher des rires
Aux branches sèches de la vie …"

Robert Gélis, extrait du poème "L'Important"

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Mon stylo

Si mon stylo était magique
Avec des mots en herbe,
J'écrirais des poèmes superbes,
Avec des mots en cage,
J'écrirais des poèmes sauvages.

Si mon stylo était artiste,
Avec les mots les plus bêtes,
J'écrirais des poèmes en fête,
Avec des mots de tous les jours
J'écrirais des poèmes d'amour.

Mais mon stylo est un farceur
Qui n'en fait qu'à sa tête,
Et mes poèmes sur mon coeur
Font des pirouettes.

Robert Gélis

logo_cr_ation_po_tique À la manière de "si mon stylo..."

Un travail en CM1, ICI, inspiré par "Mon stylo" ; une "approche de la poésie en classe de SEGPA avec ce texte, ICI" et toujours en s'inspirant de ce modèle, des productions d'élèves, ICI

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Matin d'automne

La ville se secoue,
Se trémousse et s'ébroue ;
Elle se gratte les flancs
En grognant,
Car, dans sa fourrure d'odeurs,
De bruits et de fumées,
Grouillent des puces affairées :
Les gens qui courent à leur travail.

Robert Gélis

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Rencontre

Madame la pianiste,
Dans les rues plutôt tristes,
Promenait ses mélodies,
Comme chaque lundi …

Et monsieur le poète,
Des rêves plein la tête,
Tenait en laisse, lui,
Des poèmes gentils…

Ils se sont rencontrés
Et, quelques mois après,
En plein temps des moissons,
Sont nées… trente-six chansons !

Robert Gélis ("En faisant des galipoètes" - Anthologie de Poche - Éditions Magnard, 1983)

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Un poème pas amusant du tout, mais qui fait la part belle au rire :

L'Important

- C'est quoi, l'Important ?
- L'Important, c'est d'accrocher des rires
Aux branches sèches de la vie…

- C'est quoi, la Vie ?
- La Vie, c'est chercher son étoile
Dans le fouillis du ciel…

- C'est quoi, le Ciel ?
- Le Ciel, c'est ce qu'on ne peut voir
Qu'en fermant les yeux…

- C'est quoi, les Yeux ?
- Les Yeux, ce sont des forges vives
où s'embrasent les rêves…

- C'est quoi, les Rêves ?
- Les Rêves….

C'est ce qui est important…

Robert Gélis ("En faisant des galipoètes" - Anthologie de Poche - Éditions Magnard, 1983)

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Eh ! Oui

Ils ont coupé
Le vieux pommier
Roi du verger
Et en tronçons l'ont débité

De ces morceaux ont fabriqué
Une échelle pour monter
Cueillir des pommes du pommier
Ont été bien déçus
Car de pommier... il n'y en a plus.

Robert Gélis

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Alphabet

A B C D
Je ne veux pas céder !
E F G H
Il faut que je me fâche !
I J K L
Cette sacrée demoiselle
M N O P
Ne manque pas de toupet !
Q R S T
Elle me fait pester !
U V W X
Elle en vaut bien six !
Y Z
Encore une fois... je cède !

Robert Gélis ("En faisant des galipoètes" - Anthologie de Poche - Éditions Magnard, 1983)

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1 avril 2008

PP 09 - L'humour de LUCE GUILBAUD

- Luce Guilbaud -

Luce Guilbaud, enseignante en arts plastiques, écrivain et poète, est née en 1941.
On trouvera d'autres textes pour la classe dans les catégories rangées par cycles.

Deux ouvrages parmi d'autres : Le dé bleu, ; La petite fille aux yeux bleus.

Pas de rire aux éclats, un sourire, de la gaieté, ou du moins la joie de vivre, dans ces poèmes, dont les titres sont suggérés par le blog :

Dans ma boîte

J’aurai une grande boîte
pleine de soleil
pour les jours de pluie
pleine de sourires
pour les jours de grogne
pleine de courage
pour les jours de flemme.

Et dans ma boîte j’aurai aussi
plein de coquillages
pour écouter la mer.

Luce Guilbaud

logo_cr_ation_po_tique À la manière de "Dans ma boîte" ...

Voir ici des productions d'élèves :
en CE1 : http://ecoles18.tice.ac-orleans-tours.fr/php5/rosieres/articles.php?lng=fr&pg=159si
et en CM2 ici, sous forme de petit livre à plier au format pdf :
http://petitslivres.free.fr/petitslivres/AUT/SEB0708002C.pdf

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Un déjeuner de fous

J’organise aujourd’hui
un déjeuner de fous
une chasse à l’herbe folle
un braconnage de fruits verts.
Nous boirons sous les pommiers
du cidre de la pleine lune,
nous ferons un jardin
des moissons d’amitié
de mots sans trèves
et de soleils givrés.
Et dans ce paysage
de rêveries bruissantes
nous danserons
sur l’ennui des dimanches.


Luce Guilbaud ("La petite feuille aux yeux bleus" - Éditions Le farfadet bleu/Le dé bleu, 1998)

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Le nuage

Un joli nuage blanc
arrive sur la ville
il joue
entre les toits
entre les tours
entre les flèches
il passe sur les ponts
et se voit gris
dans les reflets de l'eau
il se sent fatigué
il tousse un peu
il se regarde dans les vitrines
il se fait peur
il est devenu noir

le nuage s'en va
lâchant quelques larmes
quelques gouttes de pluie
il va se refaire une santé
à la campagne.

    Luce Guilbaud

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Une petite maison

Une petite maison de branches
Avec sa porte d’herbes
Et son lit de mousse
Une petite maison dans les bois
Pour cacher ses secrets
Pour inventer le monde.
Une petite maison
Une cabane
Pour être ici
Pour être ailleurs
Dans nos histoires.


Luce Guilbaud ("Une cigale dans la tête" - Éditions Le farfadet bleu/Le dé bleu, 1998)

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Le monstre de pierre

Le vent et la pluie me hantent
Le gel fait craquer mes grimaces
Le soleil me nargue et me brûle
Mais je lui tire la langue !


Je ricane et je vocifère
Je gronde et je balbutie
J’étonne et j’effraie
J’ai mille frères et mille soeurs
Avec des queues des cornes
Des griffes des écailles des hures
Des groins des serres
Des dents pointues
Des trognes ébouriffées
Des nez épatés des yeux exorbités


Armé de piques de fourches
Je harcèle, j’étrangle, j’étripe
J’ouvre les portes de l’enfer
Je suis griffon, cerbère, chimère
Je suis un monstre de pierre.


Luce Guilbaud ("Loup y es-tu ?" - éditions Enfance heureuse)

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Une image

Quel dommage,
Pensait une image
D’être attachée sur cette page !
Car la belle image
Rêvait de voyage
Et de vent du large
Elle en pleurait de rage
Mais un vieux sage
Conseilla l’image :
"Pour partir en voyage ?
Il suffit de tourner la page !"

Luce Guilbaud

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Le petit rêve

C’est un petit rêve léger
Un rêve bien plié sous mon oreiller
C’est un rêve doux et chaud
Qui va pieds nus dans l’herbe fraîche,
Un rêve transparent
Qui glisse entre les yeux
Et se blottit sous les paupières.
C’est un rêve coloré qui murmure
Encore en moi quand le soleil
Ouvre ma porte.
C’est un petit rêve léger
Qui accompagne ma journée.

Luce Guilbaud ("Les oiseaux sont pleins de nuages" - éditions Soc et Foc)

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Le vent

Je plains le vent
Le vent se plaint
le vent gémit
le vent souffre quand il souffle
le vent voudrait se reposer
déposer sa douleur
dans le creux d’un rocher
danser avec les mouettes
doucement tranquillement
les emporter sur un nuage
le vent rêve de tendresse
mais il est condamné à hurler
à déchirer les feuilles mortes
à griffer nos visages dans la pluie
ça le met en colère le vent
d’être si méchant !
Alors il s’emporte et devient fou
le vent tornade tempête
sa douleur n’a plus de bornes
il détruit tout sur son passage
puis il s’arrête essoufflé désespéré
dans un lointain désert
et là-bas il s’endort
en rêvant de caresses.
Je plains le vent.

Luce Guilbaud

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J’étais perdue

J’étais perdue dans la ville
Entre les façades noires
Et les boutiques bariolées
J’étais perdu parmi la foule
J’avais perdu mon nom
Et le chemin de ma maison.
C’est en suivant un pigeon
Puis un couple de personnes
Qu’au détour des violettes
Et du bleu des arbres
J’ai retrouvé mon nom
Et le chemin de ma maison.


Luce Guilbaud

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1 avril 2008

PP 09 - L'humour de GUILLEVIC

- Guillevic -

Eugène  Guillevic dit Guillevic tout court* (1907-1997) a traversé le XXe siècle et ses courants littéraires de sa poésie rocailleuse et si humaine. Il observe le surréalisme (André Breton, Paul Éluard) sans y appartenir ... Lire la suite de cette présentation dans la catégorie qui lui est consacrée, colonne de gauche du blog.
(*) Guillevic ne souhaitait pas qu'on mentionne son prénom.

Recette

Prenez un toit de vieilles tuiles
un peu avant midi.

Placez tout à côté
un tilleul déjà grand
remué par le vent.

Mettez au-dessus d'eux
un ciel de bleu, lavé
par des nuages blancs.

Laissez-les faire.
Regardez-les.

Guillevic (extrait de "Avec" - éditions Gallimard, 1966)

logo_cr_ation_po_tique Une recette amusante et poétique

Imiter une recette de fabrication (cuisine, bricolage) pour créer un paysage est déjà une drôle d'idée.
On pourra, sans tomber dans la soupe de sorcière, imaginer une liste d'ingrédients et d'ustensiles, de produits et d'outils, existants ou inventés, inhabituels en tous cas, pour un résultat poétique. Un peu en marge de ce travail, voir la "Complainte du progrès", de Boris Vian, pour rester dans la cuisine.

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Image

Sous les herbes,
ça se cajole,
ça s’ébouriffe et se tripote,
ça s’étripe et se désélytre,
ça s’entregrouille et s’entrefouille,
ça s’écrabouille et se barbouille,
ça se chatouille et se dépouille,
ça se mouille et se déverrouille,
ça se dérouille et se farfouille,
ça s’épouille et se tripatouille.
Et du calme le pré
Est la classique image.

Guillevic ("Étier", poèmes 1965-1975 - éditions Gallimard, 1979)

logo_cr_ation_po_tique Inventer des mots

Comme Guillevic, on peut farfouiller, dérouiller, écrabouiller la matière des mots, comme une terre glaise, pour en inventer de nouveaux.
Ici, et dans le texte d'Henri Michaux plus loin, ce sont les verbes qui sont concernés.
Voir aussi les tripatouillages de Boby Lapointe
et de Boris Vian.

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Le glyptodon

Je rencontre un glyptodon
Qui traînait son ventre à terre.
Je lui dis : mais qu’as-tu donc ?
Il répond : le quaternaire.

Oui, vois-tu, je sens qu’il vient,
Que c’est la fin du tertiaire
Et donc aussi notre fin,
C’est dans tous les dictionnaires.

Il n’y aura plus d’égards
Pour nos grandes carapaces,
Puisqu’il y aura les chars :
Ça fait plus mal quand ça passe.

C’est pourquoi je suis atteint.
Savoir la fin de son règne
N’est jamais bon pour le teint,
Qu’on soit dieu ou musaraigne.

Guillevic ("Poèmes en chansons" - publication phonogram Philips Livre-disque 33 tours, 1976 ; texte mis en musique et chanté par Max Rongier)

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Ma girafe et moi

Moi, ça m’est bien égal,
Ce qu’ils font.

J’ai un cheval dans ma poche
Et d’ailleurs c’est une girafe.

Alors, quand c’est à moi
Qu’on veut s’en prendre, hop là !

On est loin,
Ma girafe et moi.

Et eux
N’y comprennent rien.

Guillevic ("Autres" - 1980)

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Fabliette du mauvais bœuf

Le mauvais bœuf
Ne voulait pas
Etre vendu, mais vendre.
A la ville voisine
Il emmena
Un beau jour son patron.

Il fut déçu.
Le ramena.

Guillevic ("Autres" - 1980)

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Textes extraits du recueil "Euclidiennes" :

Triangles
(numérotation des poèmes proposée)

1. Isocèle

J'ai réussi à mettre
Un peu d'ordre en moi-même.
J'ai tendance à me plaire.

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2. Équilatéral

Je suis allé trop loin
Avec mon souci d'ordre,

Rien ne peut plus venir.

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3. Rectangle

J'ai fermé l'angle droit
Qui souffrait d'être ouvert
En grand sur l'aventure.

Je suis une demeure
Où rêver est de droit.

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Diagonale

Pour aller où je dois aller,
J'ai le droit de priorité,
J'ai le droit de propriété.

Car il faut que deux angles
À travers la surface
Aient communication.

Donc je m'installe et sans égard
Pour des desseins moins nécessaires.

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Droite

Au moins pour toi,
Pas de problème.

Tu crois t'engendrer de toi-même
À chaque endroit qui est de toi,

Au risque d'oublier
Que tu as dû passer
Probablement au même endroit.

Ne sachant même pas
Que tu fais deux parties
De ce que tu traverses,

Tu vas sans rien apprendre
Et sans jamais donner.

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Carré

Chacun de tes côtés
S'admire dans les autres.

Où va sa préférence ?
Vers celui qui le touche
Ou vers celui d'en face ?

Mais j'oubliais les angles
Où le dehors s'irrite

Au point de t'enlever
Les doutes qui renaissent.

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Cercle

Tu es un frère
On peut s'entendre.

Fais-moi pareil,
Enferme-moi.

Réchauffons-nous,
Vivons ensemble
Et méditons.

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Angle aigu

A défaut d'être cercle
On pourrait se faire angle,

Et sinon vivre au calme,
Attaquer l'entourage,

Se reposer ensuite
En rêvant de fermer

L'autre côté toujours
Ouvert sur l'étranger.

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Parallèles

On va, l’espace est grand,
On se côtoie,
On veut parler.
Mais ce qu’on se raconte
L’autre le sait déjà,
Car depuis l’origine
Effacée, oubliée,
C’est la même aventure.
En rêve on se rencontre,
On s’aime, on se complète.
On ne va plus loin
Que dans l’autre et dans soi.

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Perpendiculaire

Facile est de dire
Que je tombe à pic.
Mais c'est aussi sur moi
Que l'autre tombe à pic.

Guillevic ("Euclidiennes"  1967 - Gallimard)

logo_cr_ation_po_tique Poésie géométrique

Proposer en exemple un des objets géométriques connus des élèves, triangle, carré, droite, angle, que Guillevic a curieusement mis en scène dans ses poèmes, en les faisant s'exprimer à la première personne. Les élèves seront invités à en choisir un autre (dont on n'aura pas présenté l'interprétation de Guillevic, pour ne pas orienter la production).
Ils en rechercheront la définition et les propriétés mathématiques et construiront un très court "portrait" ou une petite saynète. Plusieurs objets peuvent interférer.
Le cercle, avec ses "accessoires", rayon, diamètre, arc, ... convient particulièrement. Ne pas oublier les objets en 3 D : cube, cylindre, pyramide, sphère.
Autres possiblités : étendre le procédé aux chiffres, aux opérations mathématiques.

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1 avril 2008

PP 09 - L'humour de JACQUELINE et CLAUDE HELD

- Jacqueline et Claude Held -

Jacqueline Held et Claude Held, enseignants et auteurs contemporains (ils sont tous deux nés en 1936), écrivent séparément ou ensemble des livres pour la jeunesse et les plus grands, recueils de poésies, albums, romans, théâtre.

Poèmes en forme de comptine :

Acrobatie

Ma maison n’a pas de porte.
Ma maison n’a pas de fenêtre.
Ma maison n’a pas de plancher.
La porte, je veux bien m’en passer.
La fenêtre, je veux bien m’en passer.
Ce qui me manque le plus, peut-être,
Quand je marche, c’est le plancher.


Jacqueline et Claude Held

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Poème en forme de marabout-bout d'ficelle :

Ballade pour un métro (extrait, début et fin)

Ralentir :
Rat lent tire.
Tire le signal.
Signal d'alarme.
Larme à l'oeil.
Boeuf sur la langue.
Langue dans la bouche.
Bouche de métro.
Métro Alésia.
Alésia de bataille.
Bataille rangée.
Rangée d'oignons.
Oignons d'hiver.
Hiver pluvieux.
Vieux chiffons,
Ferraille à vendre,
Peaux de mouton.
Mouton-Duvernet
...

Ouf ouf
On descend à la prochaine.

Jacqueline et Claude Held

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Grillon de lune 

Le grillon de la lune a mis ses patins d'argent est parti à quatre pattes dans l'aventure.
Il a acheté chez le marchand de lune une étoile de mer, une étoile de neige et un sifflet d'un sou.
Quand le grillon de lune siffle trois coups les cosmonautes grimpent sur leur éléphant blanc.
Quand le grillon de lune siffle deux coups les cosmonautes partent à la pêche à la lumière.
Quand le grillon de lune siffle un seul coup les parents ferment la télévision et les enfants s'endorment.

Jacqueline et Claude Held

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Poème en forme de comptine :

Le pissenlit

Monsieur Pissenlit l'élégant
Le lundi porte des gants.
Monsieur Pissenlit le bravache
Le mardi porte moustache.
Le mercredi porte conseil,
Le jeudi ne porte rien,
Le vendredi porte bonheur,
Le samedi porte une fleur,
Une fleur à sa boutonnière
Qu'il a cueillie en hélicoptère.


Jacqueline Held

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Transformations

L'enchanteur Merlin se changea en chien.
Le petit garçon ne dit rien.

L'enchanteur Merlin se changea en chat.
Le petit garçon bâilla.

L'enchanteur Merlin se changea en chinchilla.
Le petit garçon rebâilla.

L'enchanteur Merlin se changea en souris.
Le petit garçon s'endormit.

Moralité:
il n'y a plus d'enfant.

Jacqueline Held (recueil anthologique de J Hugues Malineau : "Premiers poèmes pour toute ma vie" - éditions Milan, 2003)

 

 

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