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1 avril 2008

PP 09 - L'humour de BLAISE CENDRARS

- Blaise Cendrars -

Blaise Cendrars (1887-1961), poète suisse, puis français, "fut le poète de la Fête et de l'Aventure" (JP Rosnay).

Nous ne voulons pas être tristes

Nous ne voulons pas être tristes
C'est trop facile
C'est trop bête
C'est trop commode
On en a trop souvent l'occasion
C'est pas malin
Tout le monde est triste
Nous ne voulons plus être tristes.

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Rire

Je ris
Je ris
Nous rions
Plus rien ne compte
Sauf ce rire que nous aimons
Il faut savoir être bête et content.

Blaise Cendrars ("Sud-américaines", 1924  et "Poésies complètes" - Denoël, 2001)

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livre_Cendrars_oiseau_bleu

L’oiseau bleu

Mon oiseau bleu a le ventre tout bleu
Sa tête est d’un vert mordoré
Il a une tache noire sous la gorge
Ses ailes sont bleues avec des touffes de petites plumes jaune doré
Au bout de la queue il y a des traces de vermillon
Son dos est zébré de noir et de vert
Il a le bec noir, les pattes incarnat et deux petits yeux de jais
Il adore faire trempette, se nourrit de bananes et pousse un cri
Qui ressemble au sifflement d’un petit jet de vapeur
On le nomme le septicolore.


Blaise Cendrars (première parution dans le recueil "Feuilles de route", Au Sans Pareil, 1924 / puis aux éditions Denoël, 1970 / et ce poème constitue le texte de "L'oiseau bleu" - Rue du Monde, collection "Petits Géants", 2001, illustrations de Nathalie Novi - voir image ci-dessus)

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1 avril 2008

Marie-Claire Bancquart, Colette Bonin-Gevers, Marie Botturi

Marie-Claire Bancquart est une romancière et poète contemporaine.

Les textes ne portent pas de titre

Il pleut ... (extrait)

Il pleut. Tu entends les mots résonner ?
Tu vois leur trace ?
Tissée
dans le contour fugacement donné aux fleurs ?

Au moins le temps d'une plantation d'anémones
ils survivront aux calices, aux mains qui tâtent
de tache aveugle en tache aveugle.

Arrête-toi près de la pluie ...

Marie-Claire Bancquart ("Rituel d'emportement, Poèmes 1969-2001" - éditions Obsidiane et Le Temps qu'il fait, 2002)

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Je suis quant à moi très attirée par les « choses de rien », couleur de légumes tombés sous les étals du marché ; flaques-miroirs ; odeurs d'un porte-monnaie ; détail de sculpture, très soigné malgré la grande improbabilité qu'on le regarde, tout en haut d'une colonne d'église ; insectes fragiles et de structure complexe qui vous tombent sur un doigt, l'été. Tout cela vit fort, à la dérobée, et nous fait crier : Terre !

Marie-Claire Bancquart

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Au début mars ...

Au début mars
les racines fendent la peau des graines

la fenêtre
libère
une mouche engourdie.

Nous recommençons
comme si nous n'avions pas été moulus jusqu'aux os

comme si le matin servait toujours
avec son fragment de ciel entre les maisons.

Nous ignorons une fois de plus l'autrefois
pour croire ces heures
à l'aventure.

 Marie-Claire Bancquart ("Rituel d'emportement")



Colette Bonin-Gevers est une poète contemporaine. 

Cathédrale

Sombre forêt des yeux lumineux
Solides hauteurs unes et unies
Tu es et sais l’Éternel sans mots
Mystère pierre à pierre tu bruis au coeur
Des éclats rouges et verts et bleus
Comme les chants des oiseaux des arbres
Dans la somptuosité du silence

Plus profond que l’eau et la nuit
Plus vibrant que le ciel vivant
J’ai bu aux vitraux de Chagall
La couleur absolue le Bleu
Où se perdre et renaître.
 

Colette Bonin-Gevers ("La ville des poètes" - poèmes réunis par Jacques Charpentreau, Hachette, 1997)

 



Marie Botturi est une romancière et poète contemporaine.

Chant deuxième (passage)

[...]
On ne peut s'avouer l'absence.

Revoir une brosse à dents,
un peigne, un rasoir,
un stylo, quelques lignes qui traînent,
trop déjà.
Et que dire du livre
dont la page est marquée,
pensées où bruissent des pas ?
Que dire d'une photographie
où le regard cherche les mains ?

Marie Botturi ("Les mains de la terre" - La Bartavelle, 2000)

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Le rêve de la lune

Si la lune brille
Quand tu dors,
C'est pour planter
Des milliers de soleils pour demain.

Si tout devient silence
Quand tu dors,
C'est pour préparer
Le chant des milliers d'oiseaux
Et dorer les ailes des libellules.

Si la lune tombe dans tes bras
Quand tu dors,
C'est pour rêver avec toi
Des milliers d'étoiles.

Marie Botturi



1 avril 2008

Joëlle Brière, Renée Brock, Claude de Burine

Joëlle Brière est une poète contemporaine. 

La fille de l'épicier*  (* erreur de titre corrigée)

La fille de l'épicier
a des yeux de réglisse
et des dents comme des petites
dragées.

Mademoiselle... euh mademoiselle ! Je
voudrais quatre caramels, six berlingots à
la groseille, huit souris en chocolat, dix sucres
d'orge, pas un pareil ! douze barres de nougat
tendre et un gros malabar.

La fille de l'épicier
avec ses lèvres de soleil
me met toujours en retard !

Joëlle Brière ("Une baleine, deux baleines, trois baleines, six cachalots ..." - éditions La Renarde Rouge 1998)



Renée Brock (1912-1980) est une poète belge de langue française. 

Îles de Lérins

L’île est une main d’or qui serre mon bonheur…
Moi l’allongée en l’étroite calanque
J’ouvre les yeux aux romarins en fleurs.
Ma bouche touche aux voiles des felouques.

Île très sainte, île Saint-Honorat
C'est mon amant que je tiens dans mes bras
Quand je te tiens, île de pierre et fleur.

Renée Brock ("Solaires" - éditions GLM, 1950) 

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Jamais ...

Jamais ce qui me consume
Ne me laisse de répit
A chaque instant se reforme
La flamme qui me bâtit
 
Feu sans âtre, bois ni vent
Brasier sans douceur de cendres,
Flamboiement que n'alimente

Qu'un don de soi violent.

Renée Brock ("Les Hommes sans épaules" - revue de Poésie, 1997)



Claude de Burine (1931-2005). 

Je me transformerai (première moitié du texte)

Je me transformerai
En femme de sang
En femme de larmes

Je serai le givre
le sable
le feuillage du buis
Pour que tu m'écrases
j'embrasserai tes jambes
Et tes genoux
Je serai
la Forêt première
l'Algue des origines

...

Claude de Burine

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Montagne 

Peut-être
Qu'en se mettant
En face
En face du soleil
Dans la merveille du sang
Pourrons-nous
Traverser la nuit
Pourrons-nous écrire
Les mots les plus simples
Comme quelqu'un
Qui met ses sandales
Pour aller dans l'herbe.

Claude de Burine



1 avril 2008

Marguerite Burnat-Provins, Hélène Cadou

Marguerite Burnat-Provins (1872-1952) écrivaine et poète suisse de langue française était également peintre.

Voici des passages de son ouvrage poétique en prose, "Le Livre pour toi", édité en 1909 :

I

Je t'aime
Personne ne m'a appris ce mot. je l'ai senti venir des profondeurs de ma chair, monter de mon sang à mes lèvres et s'envoler vers ta jeunesse et la force féconde qui est en toi.
Je l'ai entendu sortir de ta bouche avec ivresse.
C'est un oiseau doré qui s'est posé sur mes yeux, si doucement d'abord, et puis si lourdement que tout mon être en a chancelé.
Et je me suis abattue dans tes bras, tes grands bras où je me sens fragile et protégée.
La parole qui promet et qui livre, la parole sacrée jaillie de notre vie ardente, planait sur nos têtes dans un clair rayon.

...

LXIII

Je veux regarder en toi comme dans le ruisseau découvert, qui n'a jamais eu de secrets.
Tu te mettras à mes pieds, tes bras sur mes genoux et tes yeux dans les miens.
Alors, tu me diras ta vie, au bord de tes lèvres sincères, je la verrai.
Ensemble nous tuerons la jalousie rongeuse qui jamais ne s'endort et je jetterai sa dépouille comme celle d'une chienne errante, dont j'aurais la morsure au coeur.

...

XCVIII

La nuit.
Une ville dont je ne sais rien, un bruit d'eau qui coule, le pas d'un inconnu qui s'en va... Où ?
Le temps qui pleure dans mon coeur et le mène...
Où ?

...

XCIX

Ma maison abandonnée s'est engourdie dans la froidure.
L'ombre et le gel habitent la chambre où les colchiques mauves s'épanouissaient, en automne, dans le vase que tu m'as donné.
Comme des doigts de squelettes, les branches des noyers heurtent la fenêtre qui ne s'ouvre plus, le sentier est effacé, la chatte est peut-être morte.
Mais notre amour survit comme un éclatant perce-neige ; éternel, il sourit quand tout est désolé ...

Marguerite Burnat-Provins ("Le Livre pour toi" - Bibliothèque Nationale d'Édition, 1909 et éditions de La Différence, 1994)



Hélène Cadou est née en 1922. René Guy Cadou avait écrit, comme une prémonition : "Je ne ferai jamais que quelques pas sur cette terre". À partir de 1943, Hélène Cadou, poète comme lui, l'accompagne pour ce court séjour. C'est pour elle qu'il écrit "Hélène ou le règne végétal", publié en février 1951. Il meurt de maladie en mars de la même année, à l'âge de 31 ans. Hélène Cadou a écrit et continue à écrire de nombreux recueils de poésie ("Le Prince des Lisières" - Rougerie, 2007), et à faire vivre la poésie et la mémoire de Guy Cadou. dans la catégorie PRINT POÈTES 2010 : LE FÉMININ EN POÉSIE. Voir les textes de Guy Cadou pour Hélène

Pour la présence de Guy Cadou :

Je sais ...

Je sais que tu m'as inventée
Que je suis née de ton regard
Toi qui donnais la lumière aux arbres
Mais depuis que tu m'as quittée
Pour un sommeil qui te dévore
Je m'applique à te redonner
Dans le nid tremblant de mes mains
Une part de jour assez douce
Pour t'obliger à vivre encore

Hélène Cadou ("Le Bonheur du jour" - Seghers, 1956, et dans " Mise à jour", Librairie bleue, 1989)

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Plus d’avenir

Et le dos au mur
que sauveras tu ?

Un seul arbre
pour le regard
avec des volées d’oiseaux.

Un nuage aussi
pour croire au soleil
et son reflet contre la vitre

la mer encore
pour le voyage
j’entends son souffle à mes pieds

le monde enfin
avec des femmes et ses hommes
toute la vie contre sa joue

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Le Temps réconcilié

1.

Entre deux toits
Le bleu
Comme un appel de colombe

La lucarne

Seul regard
Pour toute une vie

Qui rêve de sa vacance

2.

C'était une demeure
D'ici et maintenant

Bousculée par le ciel
Et les erreurs
Du vent

Qui emportait
Nos rêves
Avec fruits et moissons

Qui emportait
Nos rêves
Avec fruits et moissons

C'était une demeure
Du ciel sans frontières

Les murs étaient d'ici
Le ciel était chez lui

Nous y vivions le jour
Connaissions le mot fin

Le temps réconcilié
A sa perte éternelle.

Hélène Cadou ("De la poussière et de la grâce" - éditions Rougerie, 2000) - source de l'extrait présenté ci-dessus : http://www.printempsdespoetes.com/

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L’arbre

Il me suffit d’un arbre
Pour approuver le vent

Il me suffit d’une herbe

D’un souvenir
Pour que le ciel s’éclaire

De ton regard
Pour donner sens au monde.

Hélène Cadou ("Retour à l'été" - Maison de Poésie, éditions Serpenoise - Presses Universitaires de Nancy, 1993)

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Encore un dimanche à rêver ...

Encore
Un dimanche à rêver
Sur les collines

Encore
Au jardin
L'ombre du frêne

Et la longue lecture
Des riches heures
De l'été

Quand le monde à notre porte
Nous verse en milliers d'éclats

Sa beauté.

Hélène Cadou ("Si nous allions vers les plages" - éditions Rougerie, 2003)

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Il faut laver ce que tu dis ...

Il faut laver
Ce que tu dis

les galets blancs
Les planètes

Il faudrait laver
Le ciel et la pluie

Pour que l'amour
rutile sous l'averse

Il faut laver ton regard
Laver le jour à grande eau

Laver ton coeur
De tes larmes

Si tu veux lire enfin
Le monde en clair
dans la fenêtre.

Hélène Cadou ("La mémoire de l'eau" - éditions Rougerie, 1993)



1 avril 2008

PP 09 : L'humour d'ANNE-MARIE CHAPOUTON

- Anne-Marie Chapouton -

Anne-Marie Chapouton (1939-2000) est une auteure de poésies, de contes, d'ouvrages pédagogiques et de romans pour les enfants et la jeunesse ("Poèmes petits", "1, 2, 3, comptines à compter", "La vache Amélie", " Méthode de lecture CP-CE1", etc).

Deux poèmes dans deux recueils différents d'Anne-marie Chapouton, pour le même animal, la tortue :

Tortue  (sans titre, ce titre est proposé par le blog) 

Tortue, je t'observe.
Tu restes tapie
sous ta carapace,
puis, timidement,
tu sors ta tête.
Et tu attends
que les fruits mûrs
tombent tranquillement
sous l'arbre fruitier.
Tu es gourmande !
Le sais-tu, tortue ?

Anne-Marie Chapouton (Mon ABC en comptines - Père Castor - Flammarion, 1999)

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Quand on est tortue

Quand on est tortue,
On peut rentrer la tête
Sous sa carapace
Quand vient la pluie.

Alors on peut rêver
À l'abri,
Et repartir
À petits pas
Jusqu'à l'herbe prochaine
Qu'on atteindra
Ce soir...
Demain...
Ou même un peu plus tard...

Pas de problème
De retard !
Quand on est tortue,
On a toujours le temps
De vivre lentement !

Anne-Marie Chapouton ("Comptines pour les enfants bavards" - Père Castor, Flammarion)

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La pluie

Gouttelette
rondelette
tombée
sur mon nez
piquelette
sur ma tête
voici mon amie
la pluie
chansonnette
doucelette
trottinant
chante la pluie
dans le vent.

Anne Marie Chapouton

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Rêve 4 (c'est sous ce titre qu'il apparaît dans le recueil, il y a 3 autres poèmes-rêves qui précèdent)

J'ai vu
trois châteaux
se promenant
lalaire
se promenant
dans les airs

puis je n'ai
plus rien vu
lalaire
plus rien vu
car ils étaient
redescendus

Anne-Marie Chapouton ("Poèmes petits" - Delagrave, 1999)

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1 avril 2008

PP 09 : l'humour de JACQUES CHARPENTREAU

- Jacques Charpentreau -

Jacques Charpentreau (né en 1928), est un poète français. Il est l'auteur d'anthologies, aux éditions Ouvrières, qui ont fait connaître beaucoup de poètes pour la jeunesse, et il a publié de nombreux recueils. Quelques-unes de ses poésies sont présentes sur le blog. 

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Dans son recueil "Poèmes pour peigner la girafe", Jacques Charpentreau présente avec fantaisie et humour des poèmes  à base d'expressions communes.  Il y en a 20 en tout dans ce beau livre grand format illustré par Florence Koenig. En voici quelques uns.

Les beaux métiers (expression : peigner la girafe)

Certains veulent être marins,
D'autres ramasseurs de bruyère,
Explorateurs de souterrains,
Perceurs de trous dans le gruyère,

Cosmonautes, ou, pourquoi pas,
Goûteurs de tartes à la crème,
De chocolat et de babas :
Les beaux métiers sont ceux qu'on aime.

L'un veut nourrir un petit faon,
Apprendre aux singes l'orthographe,
Un autre bercer l'éléphant...
Moi, je veux peigner la girafe !

Jacques Charpentreau ("Poèmes pour peigner la girafe" - Éditions Gautier-Languereau, 1996)

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La chevauchée (expression : monter sur ses grands chevaux)

Certains, quand ils sont en colère,
Crient, trépignent, cassent des verres...
Moi, je n'ai pas tous ces défauts :
Je monte sur mes grands chevaux.

Et je galope, et je voltige,
Bride abattue, jusqu'au vertige
Des étincelles sous leurs fers,
Mes chevaux vont un train d'enfer.

Je parcours ainsi l'univers,
Monts, forêts, campagnes, déserts...
Quand mes chevaux sont fatigués,
Je rentre à l'écurie calmé.

Jacques Charpentreau ("Poèmes pour peigner la girafe" - Éditions Gautier-Languereau, 1996)

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La clé des champs (expression : prendre la clé des champs)

On a perdu la clé des champs!
Les arbres, libres, se promènent,
Le chêne marche en trébuchant,
Le sapin boit à la fontaine.

Les buissons jouent à chat perché,
Les vaches dans les airs s'envolent,
La rivière monte au clocher
Et les collines cabriolent.

J'ai retrouvé la clé des champs
Volée par la pie qui jacasse.
Et ce soir au soleil couchant
J'aurai tout remis à sa place.

Jacques Charpentreau ("Poèmes pour peigner la girafe" - Éditions Gautier-Languereau, 1996)

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La lessive (expression : laver son linge sale en famille)

Chaque semaine, mes parents,
Cinq tantes, dix oncles, vingt nièces,
Cent cousins, des petits, des grands,
Se pressent dans la même pièce.

Dans la machine, ils introduisent
Mille corsages et chemises,
Cent mille slips et pyjamas,
Un million de paires de draps.

Nylon, dentelles ou guenilles,
Chaque semaine nous avons
Cette habitude : nous lavons
Notre linge sale en famille.

Jacques Charpentreau ("Poèmes pour peigner la girafe" - Éditions Gautier-Languereau, 1996)

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L'île des rêves (expression : nager dans ses vêtements)

Il a mis le veston du père,
Les chaussures de la maman
Et le pantalon du grand frère
Il nage dans ses vêtements.

Il nage, il nage à perdre haleine.
Il croise des poissons volants,
Des thons, des dauphins, des baleines...
Que de monde, dans l'océan!

Écume blanche et coquillages,
Il nage depuis si longtemps
Qu'il aborde enfin au rivage
Du pays des rêves d'enfants.

Jacques Charpentreau ("Poèmes pour peigner la girafe" - Éditions Gautier-Languereau, 1996)

logo_cr_ation_po_tique Avec les expressions populaires :

On cherchera toutes les expressions populaires imagées possibles (dictionnaires, recueils). À l'exemple de Jacques Charpentreau, mais sans livrer aux élèves tout l'éventail poétique (le livre sera intéressant à présenter après coup), on construira une poésie, racontant une petite histoire si possible tordue.
Expressions imagées : rire sous cape, manger au lance-pierres, sauter un repas, dévorer un livre, dormir debout, le silence est d'or (la parole est d'argent, mais...), tomber des nues ...

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La réunion de famille

Ma tante Agathe
Vient des Carpates
À quatre pattes

Mon oncle André
Vient de Niamey
À cloche-pied

Mon frère Tchou
Vient de Moscou
Sur les genoux

Ma sœur Loulou
Vient de Padoue
À pas de loup

Grand-mère Ursule
Vient d’Ashtabule
Sur les rotules
Grand-père Armand
Vient de Ceylan
En sautillant

Ma nièce Ada
Vient de Java
À petits pas

Mon neveu Jean
Vient d’Abidjan
Clopin-clopant

Oncle Firmin
Vient de Pékin
Sur les deux mains

Mais tante Henriette
Vient à la fête
En bicyclette

Jacques Charpentreau (dans son anthologie "La nouvelle Guirlande de Julie"- éditions Ouvrières,1976)

logo_cr_ation_po_tique Avec les prénoms:

En s'inspirant du poème ci-dessus, associer les prénoms de la classe à des noms de lieux (villes, pays) connus des élèves, à diverses activités ou occupations, ou encore comme dans l'exemple 3, imaginer un texte sur un thème (cadeaux, collections ...) 

Exemple 1 :

Mes projets de voyage 

Je partirai au Sahara sur mon chameau* avec Emma
Je visiterai l'Australie en kangourou avec Lucie,
etc.
* D'accord,  il n'y a pas de chameaux mais des dromadaires au Sahara, mais bon, pour une fois ...

Exemple 2 :

Le métier de mes amis

Dimitri découpe les confettis
Mariam tricote des bananes
etc.

Exemple 3 :

Le Père Noël bizarre
(bien entendu, c'est lui qui raconte)

J'ai cueilli des radis pour Annie
des rideaux et des radeaux pour Anna

J'ai trouvé un pantin persan pour Marie
un tapis percé pour Myriam.

J'ai acheté un lapin de Noël pour Ali
un sapin de soleil pour Célia

J'ai cherché les étoiles pour des prunes
mais j'ai décroché la lune
pour toi ...

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Le laveur de carreaux

Suspendu comme une araignée
Au bout de son fil argenté
Le laveur de carreaux descend
Du haut de la tour. En passant,
Il dit bonjour aux habitants :

30 Le monsieur du trentième étage
Qui ne mange que du fromage.

29 Celui de l’étage au-dessous
Qui n'aime que la soupe aux choux.

28 Les gens qui viennent de Pluton
Et marchent les pieds au plafond

27 Le baryton de l’opéra
Qui se fait des oeufs sur le plat.

26 Ceux qui ont semé du gazon
Pour rendre plus gai leur béton.

25 Ceux qui élèvent des lapins
Sur l’herbe d’un salon de jardin.

24 Ceux qui ont mis dans leur baignoire
Un bébé phoque blanc et noir.

23 Le chat qui vit seul, noir et blanc,
(Il a dû louer l’appartement).

22 Le vieil Auvergnat à moustaches
Qui che regarde dans la glache.

21 Le militaire en permission
Qui compte ses décorations.

20 La foule du vingtième étage
C'est la réception d'un mariage.

19 La receveuse de la poste
Qui ne grignote que des toasts.

18 L’académicien nostalgique
Qui s'amuse au train électrique.

17 L'élève de Napoléon
Qui range ses soldats de plomb.

16 Le collectionneur de timbales
Qui joue du violon à pédales.

15 Un abbé qui fait du trapèze
Sur un bâton entre deux chaises.

14 L’amateur de scie musicale
Qui coupe l’Internationale

13 Le passionné d’exploration
Qui chasse le tigre au salon

12 Deux bustes de marbre au nez grec
Qui contemplent un jeu d’échecs.

11Un athlète en maillot de corps
Qui s'est allongé et qui dort .

10 La dame du dixième étage
Qui garde un sapajou en cage.

9 Plus bas une belle famille
Les parents et quatorze filles.

8 Des campeurs chantant à mi-voix
En rond autour d’un feu de bois


7 Un grand polytechnicien morne
Qui ne porte que son bicorne.

6 Un peu plus bas un éléphant
Prisonnier dans l’appartement.

5 Un couple se bat au cinquième
À coup de tartes à la crème.

4 La petite fille aux yeux bleus
Qui a les yeux verts quand il pleut.

3 La jeune fille du piano,
Qui se tricote un allegro.

2 La dentiste qui vient d’extraire
Une redoutable molaire.

1 Le petit garçon du premier
Qui fourre ses doigts dans son nez.

0 Tout est vide au rez-de-chaussée
La concierge est dans l’escalier.

On voit les secrets de la ville
Quand on descend au bout d’un fil.

Jacques Charpentreau ("La ville enchantée" - éditions de l'École, 1976)

logo_cr_ation_po_tique Poèmes à la manière de "Le Laveur de carreaux" 

La structure répétitive de ce texte découpé en paires de vers rimés suscite des expériences intéressantes. Par exemple ici :
http://alain.digiovanni.free.fr/print1.htm

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Le batteur-mixeur

Mixe mixe rage
pour faire du fromage

Mixe mixe à l'aise
pour la mayonnaise

Mixe mixe au net
pour la vinaigrette

Mixe mixe reine
pour faire de la crème

Mixe mixe tout
pour la pâte à choux

Mais pour faire une omelette
je la bats à la fourchette.

Jacques Charpentreau ("La ville enchantée" - éditions de l'École, 1976) - Ce texte, récité, existe aussi en livret-CD ("Poèmes de la ville enchantée Vol 1" - Benjamins Media, 2000) avec d'autres poèmes de l'auteur.

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La soupe de la sorcière

Dans son chaudron la sorcière
Avait mis quatre vipères
Quatre crapauds pustuleux
Quatre poils de barbe-bleue
Quatre rats, quatre souris
Quatre cruches d’eau croupies
Pour donner un peu de goût
Elle ajouta quatre clous

Sur le feu pendant quatre heures
Ça chauffait dans la vapeur
Elle tourne sa tambouille
Et touille et touille et ratatouille
Quand on put passer à table
Hélas c’était immangeable
La sorcière par malheur
Avait oublié le beurre

Jacques Charpentreau

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Une poésie-comptine avec les notes de la gamme (voir aussi plus haut les COMPTINES)

Au bois de Panama

Chaque jour à midi,
do, ré, mi,
Au bois de Panama
ré, mi, fa,
En sortant de l'école,
mi, fa, sol,
Sur un grand acacia,
fa, sol, la,
Sans cesse et sans souci,
sol, la, si,
Chante un petit oiseau,
do, ré, mi, fa, sol, la, si, do !

Jacques Charpentreau ("Poésie en jeu" - éditions Ouvrières, 1981)

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Panne d'imagination

Que voulez-vous que je vous dise ?
Moi, je ne sais pas inventer.
Je vous propose, sans surprise,
Quelques vieilles banalités:
L'arbre à chansons qui chaque été
Fredonne pour vous dans la brise,
L'auto à vent, l'avion à thé,
Le stylo spécial pour dictées
Qui sait écrire sans sottises
(Ou cent sottises entêtées),
Le sèche-océan breveté
Pour vous baigner à votre guise
(L'eau sèche est bonne à la santé),
La chaise en noyaux de cerises,
La Tour Eiffel à tricoter,
Le chauffage de la banquise,
Le prie-dieu pour Mont-de-Piété,
Un manège à chevaux de frise,
Du beurre à l'électricité,
Le soleil couchant en chemise,
La bicyclette à barboter,
Un diplôme de gourmandise,
Le cordonnier du Chat botté,
La bouée chantante de Venise...
Moi, je ne sais pas inventer.

Que voulez-vous que je vous dise ?
Moi, je ne sais pas raconter,
Au lieu d'écrire des sottises,
Je dis ce que j'ai constaté,
Car il suffit de regarder:
Le kangourou prend sa valise,
Sa pipe, sa corde à sauter,
Il part pour l'Université
Apprendre à parler le kirghize,
Ca peut servir en société
Autant qu'un bon piano-forte.
Il rencontre près de l'église
Une puce bien cravatée
Qui lui déclare : Je t'avise
Que je bondis, en vérité,
Plus haut que toi et ta valise.
Quand le kangourou, irrité,
Sauta comme un furieux en crise,
La puce, avec vivacité
Sur son bout de nez s'étant mise,
N'eut pas de mal à ressauter
Plus haut que lui. Quelle suprise !
Mais vois, vous l'aviez deviné,
Que voulez-vous que je vous dise ?
Moi, je ne sais pas inventer.

Jacques Charpentreau (autre anthologie : "La poésie comme elle s'écrit" - éditions Ouvrières, 1979)

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Le mille-pattes

Chez le plus grand chausseur se fournit le mille-pattes,
Un excellent client : cinq cent paires de souliers,
Des blancs, des bleus, des noirs, des chaussures disparates.
Hélas il n'a pas pu en trouver pour tous ses pieds,
Car il restait quatre cent quatre-ving-dix-neuf paires.
En allant chez sa belle, il pleure et se désespère,
Le mille-pattes qui boite, boite, boite, boite ...

Jacques Charpentreau ("La poésie dans tous ses états" - éditions Ouvrières, 1984)

 

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La mer s'est retirée

La mer s’est retirée,
Qui la ramènera ?
La mer s’est démontée,
Qui l’a remontera ?
La mer s’est emportée,
Qui la rapportera ?
La mer est déchaînée,
Qui la rattachera ?
Un enfant qui joue sur la plage
Avec un collier de coquillages.

Jacques Charpentreau (encore une anthologie : "Poèmes d'aujourd'hui pour les enfants de maintenant" - éditions Ouvrières, 1958)

logo_cr_ation_po_tique À la manière de "La mer s'est retirée, qui..." :
Des productions d'élèves ici à partir de ce poème et d'autres poèmes (copier-coller l'adresse):

http://www.ac-nancy-metz.fr/petitspoetes/HTML/SALLESDEJEUX/JEUALAMA.html

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Suppositions

Si la Tour Eiffel montait
Moins haut le bout de son nez,
Si l'Arc de Triomphe était
Un peu moins lourd à porter,
Si l'Opéra se pliait,
Si la Seine se roulait,
Si les ponts se dégonflaient,
Si tous les gens se tassaient
Un peu plus dans le métro,
Si l'on retirait des rues
Les guéridons des bistrots,
Les obèses, les ventrus,
Les porteurs de grands chapeaux,
Si l'on ôtait les autos,
Si l'on rasait les barbus,
Si l'on comptait les kilos
À deux cents grammes pas plus,
Si Montmartre se tassait,
Si les trop gros maigrissaient,
Si les tours rapetissaient,
Si le Louvre s'envolait,
Si l'on rentrait les oreilles,
Avec des SI on mettrait
Paris dans une bouteille.

Jacques Charpentreau ("Mots et merveilles" - Éditions SGPP, 1981)

logo_cr_ation_po_tique À la manière de "Si la Tour Eiffel..." :
Beaucoup d'autres poèmes sont construits sur ce modèle, voir le sommaire. Des exemples de création poétique à partir de ce texte ici, dans une classe de 5e (fichier pdf, copier-coller l'adresse) :

http://www.ac-nice.fr/college-dufy/file/DOC_FORMULAIRES/Printemps_poetes_08.pdf

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Dans son recueil "POÉSIE EN JEU", Jacques Charpentreau propose différents types de textes poétiques. On trouvera déjà plus haut dans cette catégorie, au paragrahe "JEUX", d'autres amusements littéraires et poétiques de divers auteurs.

- Devinettes - (réponses en lecture inversée)

Devinette 1

J'ai des dents, mais ne mange rien
J'ai dos, manche, et n'ai pas d'habit.
Je tiens, je pique, je conduis,
En bas, en haut, je vais, je viens.
Qui suis-je ?

réponse (ettehcruof al)

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Devinette 2

Je passe
J'efface
La trace
Je recrée
L'espace
Qui suis-je ?

réponse (emmog al)

Jacques Charpentreau ("Poésie en jeu" - éditions Ouvrières, 1981)

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- Acrostiche - 

Prénom

Je viens de perdre mon prénom
Au bord d'une page nouvelle,
Ce plaisantin, ce vagabond
Qui se sauve quand je l'appelle.
Un lecteur peut-il le chercher
Et me dire où il s'est caché ?
Saurez-vous me le retrouver ?

Jacques Charpentreau ("Poésie en jeu" - éditions Ouvrières, 1981)

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- Jeux de mots -

Le blé

Au plus fort de l'été,
Dans la chaleur de midi,
J'épie,
Disait le blé.

Le fermier
L'estima
Coupable.

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L'épouvantail

L'épouvantail
Se levant tôt
Met son chandail
Dans les champs d'aulx*.

* Un ail > des aulx

Jacques Charpentreau ("Poésie en jeu" - éditions Ouvrières, 1981)

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1 avril 2008

Odile Caradec, Marie-Magdeleine Carbet, Rolande Causse, Pernette Chaponnière

Odile Caradec est née en 1925.

On pourra proposer aux élèves des passages des poèmes les plus difficiles. 

La capucine

La capucine du silence
ouvre le feu
mais dans la main en friche
une grenouille saute

c’est un savon
sur la poitrine folle

Odile Caradec

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Petits travaux

Je suis porteuse de poèmes
façonnière en poésie
Je suis le socle de la torche
le clair-obscur de mon logis

Le pur métier de la modiste
fleurs, oiseaux, plumes sur chapeaux
je l'exerce en faisant chanter
de la musique dans mes os

Au plus secret de mon squelette
sous toute la peau de ma tête
il y a des rubans de sons

Ma tête de mort est inquiète
quand serai-je en pleine raison ?

Odile Caradec 

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Capitale de sang

J'en ai assez qu'on analyse mon sang
sans crier gare
On pourrait y trouver des marqueurs inconnus
mais connus de moi seule
de ces marqueurs qui sont griffes de poésie

Laissez-moi m'ébaudir dans mes étincelles
laissez mon sang tranquille
Que personne n'aille pêcher à la ligne
dans mon corps intangible

Je suis capitale de sang

Odile Caradec

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Les poèmes

Les poèmes sont des pigeons étouffés
Les poèmes sont des mains tremblantes issues de l’eau
Les gouttelettes des poèmes sont des torches marines
et j’ai plaisir à les faire rouler sur les chemins
incandescents des poèmes dénudés

Ils sont pleins d’air bleu
ils martyrisent ceux qui les utilisent
car ils s’insinuent dans la tourbe des âmes
et y perdurent
Les poèmes raclent un sol rouillé
ils illuminent et soulèvent la plante des pieds
ils ont une parenté profonde avec le gerbier des âmes
les sources les étiers
les belles notes noires
des instruments désaccordés.

Odile Caradec



Marie-Magdeleine Carbet est née en 1902 en Martinique. Elle était romancière, auteur de contes pour enfants, et poète ("Mini-poèmes sur trois méridiens" - 1977).

Le ruisseau

Le ruisseau qui glisse

Son filet d'eau claire
Parmi l'herbe lisse
En sait long
La lon laire
En sait long
Laire lon


Marie-Magdeleine Carbet

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L’acacia

Le vent
Passait, pleurant.
L’acacia dit :
Vent d’automne
Au front gris,
Tu t’ennuies :
Je te donne
Mes feuilles.
Prends, cueille
Et va jouer au volant
Avec ton amie
La pluie.
Le printemps,
En son temps,
M’en fera de plus jolies !

Marie-Magdeleine Carbet 



Rolande Causse est née en 1937. C'est une romancière et poète, auteure de nombreux ouvrages pour la jeunesse.

Un coin champêtre

Dans la ville, une rue égarée.
Une façade d'anges encadrée,
De vigne vierge tapissée.
Un escalier, sa rampe rouillée,
Au centre, un réverbère penché.
Les feuilles lasses craquent sous les pieds
D'un garçon courant derrière son ballon.
À l'autre coin de ce jardin sauvage,
Une fille chante sous les nuages.

Rolande Causse ("Poésies" - éditions Actes Sud, 2003)

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Je vois ces rues

Je vois ces rues closes aux murs blancs
croulant sous les bougainvilliers
Je vois ces jardins ombragés aux gais
chuchotements
Je vois cette rivière paisible où nous nous
promenions dans une longue barque
Je vois ces perroquets bavards
Je vois ce garçon qui se cachait derrière
un masque
Je vois cette ville lointaine aux parfums
de violettes.

Rolande Causse ("J'habite un poème" - éditions du Seuil, 1993)



Pernette Chaponnière est née en 1915 en Suisse. Elle est auteure de romans, de livres pour enfants et de pièces de théâtre.

 

La neige

Regardez la neige qui danse
Derrière le carreau fermé.
Qui là-haut peut bien s'amuser
A déchirer le ciel immense
En petits morceaux de papier ?

Pernette Chaponnière ("L'Écharpe d'Iris" - éditions Hachette, 1990)

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 Le sapin de noël (ou le petit sapin sous la neige)

Le petit sapin sous la neige
Rêvait aux beaux étés fleuris.
Bel été quand te reverrai-je ?
Soupirait-il sous le ciel gris.

Dis moi quand reviendra l’été !
Demandait-il au vent qui vente
Mais le vent sans jamais parler
S’enfuyait avec la tourmente.

Vint à passer sur le chemin
Un gaillard à grandes moustaches
Hop là ! en deux coups de sa hache,
A coupé le petit sapin.

Il ne reverra plus l’été ,
Le petit sapin des montagnes,
Il ne verra plus la gentiane,
L’anémone et le foin coupé.

Mais on l’a paré de bougies,
Saupoudré de neiges d’argent.
Des clochettes de féerie
Pendent à ses beaux rameaux blancs.

Le petit sapin de noël
Ne regrette plus sa clairière
Car il rêve qu’il est au ciel
Tout vêtu d’or et de lumière.

Pernette Chaponnière ("Vingt Noëls pour les enfants" - Éditions de la Baconnière, 1985)

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Les feuilles mortes

Tombent, tombent les feuilles rousses,
J'entends la pluie sur la mousse.

Tombent, tombent les feuilles molles,
J'entends le vent qui s'envole.

Tombent, tombent les feuilles d'or,
J'entends l'été qui s'endort.

Tombent, tombent les feuilles mortes,
J'entends l'hiver à ma porte.

Pernette Chaponnière ("L'écharpe d'iris" - Ed Hachette)

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Un poème pour attendre le retour des hirondelles, et le Printemps des Poètes (voir la catégorie PRINT POÈTES 2010 : LE FÉMININ EN POÉSIE où on retrouvera Pernette Chaponnière, avec cet oiseau au féminin)

L'hirondelle

On m'a dit qu'une hirondelle
ne faisait pas le printemps
et moi je dis que c'est elle
sinon, qui le ferait donc ?

Je l'ai vue avec son aile
qui taillait dans le ciel blanc
un grand morceau de dentelle
où venait jouer le vent.

Ce n'était qu'une hirondelle
un oiseau noir et blanc
et pourtant je n'ai vu qu'elle
et j'ai le coeur tout content.

On dit que les demoiselles
font la pluie et le beau temps ;
moi je dis qu'une hirondelle
fait l'avril et le printemps.

Pernette Chaponnière



1 avril 2008

PP 09 : L'humour de MALCOM DE CHAZAL

- Malcolm de Chazal -

Malcolm de Chazal (1902-1981), écrivain, essayiste, poète surréaliste et peintre, a vécu sur l'Île Maurice où il est né.
Les poèmes en forme d'aphorismes du recueil "Sens magique", sont de courts textes imagés et surréalistes. En voici un aperçu  :

La vitre (titre proposé)

La vitre
Ne sait
Par
Quel côté
Se regarder
Pour se reconnaître.

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L'eau (titre proposé)

L'eau dit à la vague :
"Tu me bois.
-Comment le pourrais-je ?
Reprit la vague,
Je suis ta bouche."

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L'auto (titre proposé)

L'auto
N'atteindra
Jamais
La vitesse
de la route.

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Les animaux (titre proposé)

Tous les animaux
Sourient
Quand
Ils boivent.

Malcolm de Chazal ("Sens magique" 1957 - dans Oeuvres, tome 14, éditions Léo Scheer, 2004)

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1 avril 2008

PP 09 - L'humour d'ANDRÉE CHEDID

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- Andrée Chedid -

Andrée Chedid ( pas d'accent sur le "e"")  est une poétesse française aux racines multiples. 
Née en 1920 en Égypte (Le Caire) de parents libanais, elle vit au Liban de 1942 à 1946 puis vient s'installer en France (où elle avait séjourné enfant) et adopte la nationalité française.  
Auteure de nombreux romans, récits, pièces de théâtre, recueils de poésies, ainsi que des contes et comptines pour les enfants, elle écrit aussi des textes de chansons pour son petit-fils Matthieu Chedid ("M"), le fils de Louis Chedid.

Le rire

Le rire
Pour rire
Quitta les hommes
Ce fut navrant
Fallait voir comme
Mais le rire
Bonhomme
Regagna son "home"
Riant riant
De voir comment
Un homme sans rire
N'est plus un homme

Andrée Chedid ("Le Cœur et le temps" - éditions de l'École des Loisirs, 1976) - et sur le site du Printemps des Poètes

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L’anniversaire

J’ai neuf ans
Salut les vétérans !
J’aime l’élan
Mais pas les caïmans

J’ai neuf ans
Salut les descendants ! 
J’aime Laurent
Un peu plus que maman

Andrée Chedid

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Le caillou

Le caillou
Passe-partout
Sans froufrou
Sans bagout
Est jaloux, très jaloux
De Nicéphore, le Pou
Ce casse-cou
Vent-debout
Qui court le guilledou !

Andrée Chedid ("Le Cœur et le temps" - éditions de l'École des Loisirs, 1976)

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La cervelle de papa

La sardine a des arêtes,
Papa n'en a pas !

Papa, lui, a un squelette,
Que la sardine n'a pas !

La machine a des ailes,
Papa n'en a pas !

Papa, lui, a de la cervelle,
Il dit que la machine, pas !

Andrée Chedid ("Fêtes et lubies" - éditions Guy Levis et l'École des Loisirs, chanterimes, 1979)

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Histoire de cou

Un jour, le kangourou
Se fit gourou
Pour se monter le cou
Et la girafe
Dut faire gaffe
De peur de tomber
En carafe !

Andrée Chedid

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La fringale

Holà ! Holà !
Tous, garez-vous !
Les durs les doux
Les secs les mous
Holà ! Holà !
Je donne le signal :
Voilà que Dame Noix
A sa FRINGALE !

Les petits gâteaux
Font le gros dos
Les Cochonailles
De peur, défaillent
Les Confitures
Se claquemurent
Tous les Anchois
Sont aux abois

Mais rien rien Rien
Ne résistera
À la FRINGALE
De Dame Noix !

Andrée Chedid ("Le Cœur et le temps" - éditions de l'École des Loisirs, 1976)

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La fourmi et la cigale

"Fini, fini !"
Dit la fourmi.
"Au diable la parcimonie ! Dès aujourd’hui
Je convie
Toutes cigales affranchies
A me chanter leurs mélodies,
Et nous fêterons, en compagnie,
La vie qui bouge,
La vie qui fuit !"

"Holà, holà !"
Fit la cigale
Poussant un cri très vertical.
"Pour moi, adieu le carnaval !
L’hiver, l’hiver m’a tant appris,
Et le souci tant rétrécie,
Que j’ai rangé toutes mes rêveries
Pour m’établir
En Bourgeoisie !"

Andrée Chedid

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L'éponge

Une éponge
Songe
Songe
Songe aux songes
D'une éponge
Qui songe

Andrée Chedid ("Fêtes et lubies" - éditions Guy Levis et l'École des Loisirs, chanterimes, 1979)

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La chèvre magique

La chèvre magique
A des tiques
Dans l'oreille gauche
Dans l'oreille droite
Et tic et tac
Et gratte et gratte
La chèvre magique
Se détraque

Andrée Chedid

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L'onomatopée

Lolo, nono,
Mama, topée !
C'est pas possible
A prononcer !

Glou-glou, tic-tac
Do-do, pé-pé,
Tout ça
C''est de l'O
NOMATOPÉE !

Lolo, nono
Mama, topée !
Un mot
A vous rendre toqué !

Cui-cui, chut-chut
Boum-Boum, yé-yé
Voilà des O
NOMATOPÉE ! *

Lolo, nono
Mama, topée!
Pourquoi vouloir
Tout compliquer !

Andrée Chedid    [* écrit sans S]

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1 avril 2008

Anne-Marie Chapouton, Marie Chevallier, Andrée Clair, Christine Clairmont

Anne-Marie Chapouton (1939-2000) est une auteure de poésies, de contes, d'ouvrages pédagogiques et de romans pour les enfants et la jeunesse ("Poèmes petits", "1, 2, 3, comptines à compter", "La vache Amélie", " Méthode de lecture CP-CE1", etc).

Ces deux poèmes sur la tortue, animal féminin, sont aussi dans la catégorie PRINT POÈTES 2010 : LE FÉMININ EN POÉSIE :

Tortue  (sans titre, ce titre est proposé par le blog) 

Tortue, je t'observe.
Tu restes tapie
sous ta carapace,
puis, timidement,
tu sors ta tête.
Et tu attends
que les fruits mûrs
tombent tranquillement
sous l'arbre fruitier.
Tu es gourmande !
Le sais-tu, tortue ?

Anne-Marie Chapouton (Mon ABC en comptines - Père Castor - Flammarion, 1999)

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Quand on est tortue

Quand on est tortue,
On peut rentrer la tête
Sous sa carapace
Quand vient la pluie.

Alors on peut rêver
À l'abri,
Et repartir
À petits pas
Jusqu'à l'herbe prochaine
Qu'on atteindra
Ce soir...
Demain...
Ou même un peu plus tard...

Pas de problème
De retard !
Quand on est tortue,
On a toujours le temps
De vivre lentement !

Anne-Marie Chapouton ("Comptines pour les enfants bavards" - Père Castor, Flammarion)

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On trouve aussi ce texte dans la catégorie PRINT POÈTES 2010 : LE FÉMININ EN POÉSIE :

La pluie

Gouttelette
rondelette
tombée
sur mon nez
piquelette
sur ma tête
voici mon amie
la pluie
chansonnette
doucelette
trottinant
chante la pluie
dans le vent.

Anne Marie Chapouton

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Il pleut

Il pleut
des feuilles jaunes
il pleut
des feuilles rouges

L’été va s’endormir
et l’hiver
va venir
sur la pointe
de ses souliers
gelés

Anne-Marie Chapouton ("Poèmes petits" - Delagrave, 1999) - poème remis dans sa forme d'origine : pas de ponctuation ni de majuscules.

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Rêve 4 (c'est sous ce titre qu'il apparaît dans le recueil, il y a 3 autres poèmes-rêves qui précèdent)

J'ai vu
trois châteaux
se promenant
lalaire
se promenant
dans les airs

puis je n'ai
plus rien vu
lalaire
plus rien vu
car ils étaient
redescendus

Anne-Marie Chapouton ("Poèmes petits" - Delagrave, 1999)



Marie Chevallier est née en 1926. Elle a créé la revue Cahiers de poésie et de poétique ibérique et ibéro-américaine et publié de nombreux recueils de poèmes (Le Reste du temps,1976, La Part du feu,1981, Pour une même gerbe, 1990, Au plein air de la vie brève, 2001).

Je verse quelques pauvres larmes
refroidies.

Incubation du silence.

Lorca vampirisé
dort au fond d’un barranco,
chien andalou.

À cinq heures du soir.
À cinq heures du soir.

Il y eut des jours
serrés comme des poings.
En vrac de solitude.

Aggravée.

Marie Chevallier (source : site du printemps des Poètes)

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Insouciance (passage au début du poème)
....

Dans la lune je vois une
araignée éberluée :
l'étoile vient de filer.

Le mille-patte a des souliers,
tous ses souliers sont troués.

Mais l'étoile et l'araignée
lui fileront cache-nez
autant que de cache-pieds,
il ne va pas s'enrhumer.
....

Marie Chevallier (source : site du printemps des Poètes)



Andrée Clair est née en 1916. Elle a voyagé et vécu longtemps en Afrique.

ABRACADABRA

ABRACADABRA s'exclame l'ara
ABRACADABRANT, barrit l'éléphant
ABRACADABRÉ
*, chante l'araignée
ABRACADABRI, bêle le cabri
ABRACADABRO, flûte le crapaud
ABRACADABRU conclut l'urubu

Andrée Clair - * l'accent, indispensable , avait été oublié

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Le hérisson et l'oursin

Le hérisson
s'en est allé à la mer
pour se baigner.
Il a rencontré son cousin
l'oursin.
Ils se sont jetés
dans les piquants l'un de l'autre
les deux petits cousins
ils se sont bien embrassés
et piquants dessus
piquants dessous
ils sont partis se baigner
dans la Méditerranée.

Andrée Clair

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Le perce-oreilles

Le tout petit perce-oreilles
ne perce pas du tout
nos oreilles

mais il perce
tous nos secrets

méfiez-vous du perce-oreilles

Andrée Clair

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Le kangourou

Le kangourou

n'a pas les yeux dans sa poche

 du reste
le kangourou
n'a pas froid aux yeux

alors pourquoi
les mettrait-il
dans sa poche
ses yeux ?

Andrée Clair



Christine Clairmont est une romancière et poète contemporaine.

Le pays

Le pays que je préfère
Est à l'intérieur de moi
La montagne des chimères
Plantée d'arbres à pourquoi.

Il faut tracer un chemin
Dans un bois impénétrable
Sous l'écorce du destin
Chercher le sens de la fable.

Trouver l'harmonie du Temps
Dans les branches du mélèze
Pour que la peine d'antan
Au vif du printemps se taise.

Découvrir sous la fougère
La pervenche aux yeux d'enfant
Qui dans le feu de la guerre
Gardait son contentement.

Aboutir dans la clairière
Où dort l'étang du futur
Tandis que la pensée mère
Monte sans frein vers l'Azur.

Christine Clairmont ("Sur un air d'éternité" - Maison Rhodanienne de Poésie, 1986)



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