Nîma Yushidj (1897-1959) est considéré en Iran comme le "père" de la
poésie iranienne contemporaine (she'r è-now) , qualifié parfois de romantique ou de lyrique.
Les deux textes proposés ici sont empruntés au site : http://lettresperses.free.fr où on trouvera d'autres auteurs.
Nimâ (extrait, voir le texte intégral sur le site indiqué)
Sur cette sphère sans art ni lumière,
Nimâ est le nom d’un papillon solitaire
butinant les fleurs mélancoliques,
loin de la verdure du printemps,
au cœur d’un automne jauni de tristesse.
...
Nima Yushidj ("Une voix dans la nuit") - Traduction de Parviz Khazraï
La mort de l’alouette
Dans le calme de la forêt, comme hier,
chaque recoin annonce l’arrivée du matin
et le lierre en grimpant le madjar*
oublie ses chagrins.
L’air est frais, presque inerte, comme hier,
le zéphyr veut souffler, mais n’ose guère.
Sur un rocher de granit l’alouette est morte,
comme un dessin de rosée sur la pierre.
En vain ses yeux restent encore ouverts,
en vain la lumière se jette sur l’alouette :
c’est comme si ses rayons tombaient
sur un rocher.
Après le gosier, c’est le corps entier qui s’arrête.
Depuis des années, écho de son âme,
l’alouette se fond dans la tombe de ses chants.
L’air se souviendra de toutes ses aubades
à présent disparues dans l’oreille du temps.
On dirait que rien ne s’est passé dans l’univers,
le vieux noyer s’élance vers le ciel, comme hier.
Comme hier, une vigne étale
silencieusement ses branches sur une pierre.
* Le madjar est un arbre des forêts de Mâzandarân, au nord de l’Iran.
Nima Yushidj ("Une voix dans la nuit") - Traduction de Parviz Khazraï
Omar Khayyâm Saadi Hafiz
"Firmament de métamorphoses
Où la raison se dépayse
La lumière se décompose
Omar Khayyâm Saadi Hafiz
Ô constellation des roses"
Louis Aragon (Pour le prologue de son recueil : Les poètes)
Omar Khayyâm (1048-1131) est un poète persan :
Cette roue sur laquelle nous tournons
est pareille à une lanterne magique.
Le soleil est la lampe;
Le monde l'écran ;
nous sommes les images qui passent.
Omar Khayyâm Texte en persan ci-dessous
Mocharrafoddin Sadi (ci-dessous)
Pour être juste avec lui, disons que Mocharrafoddin Sadi ou Mucharrif al-Dïn Sadi ou SaadiMuslah-al-Din Saadi ou Saadi, Musluh al-Din , ou plus simplement Saadi (1213-1291) sont les noms sous lesquels on connaît ce poète persan de langues arabe et persane.
Grand voyageur en Asie et en Afrique du Nord, il est l'auteur de maximes, de fables, et de poèmes lyriques, dans les deux langues.
"Saisis l’instant, sachant que chaque jour
de ton futur c'est un jour qui s’en va."
Saadi (nom de l'auteur en persan ci-dessous)
سعدی
Le flambeau (titre proposé)
Le savant dont les moeurs
sont déréglées ressemble à un aveugle
qui porte un flambeau
dont il éclaire les autres,
sans pouvoir s'éclairer lui-même.
Saadi
Le texte anglais de ce beau poème de Saadi ci-dessous est gravé à l'entrée de l'immeuble de l’ONU (Organisation des Nations Unies) à New York :
Of one Essence is the human race,
Thusly has Creation put the Base;
One Limb impacted is sufficient,
For all Others to feel the Mace.
Saadi (traduction en anglais d' Iraj Bashiri)
En voici la version française :
Les enfants d'Adam font partie d'un corps
Ils sont crées tous d'une même essence
Si une peine arrive à un membre du corps
Les autres aussi, perdent leur aisance
Si, pour la peine des autres, tu n'as pas de souffrance
Tu ne mériteras pas d'être dans ce corps
Saadi (traduction française de Mahshid Moshiri)
Texte original en persan (si votre ordinateur le permet) :
بنی آدم اعضای یک پیکرند، که در آفرينش ز یک گوهرند
چو عضوى به درد آورد روزگار، دگر عضوها را نماند قرار
تو کز محنت دیگران بی غمی، نشاید که نامت نهند آدمی
Salah Al Hamdani est né en 1951 à Bagdad. Exilé depuis 30 ans en France. il écrit en arabe et en français, des pièces de théâtre, des récits, des nouvelles et des poèmes (Bagdad mon amour, 2003 - Ce qu’il reste de lumière, 1999 - Au large de Douleur, 2000 - Le Doute, 1992).
Seul le vieux tapis fleurissait le sol
La maison avait changé d’adresse
ma photo avait changé de place
la table avait été pliée derrière la porte
la chaise de mon père, aussi,
seul le vieux tapis fleurissait le sol
Je t’ai trouvée enfin
dans un jardin nu
avec ton grand châle noir
l’esprit en dérive
enfilée dans tes prières
l’âge cousu sur le visage
J’ai cru serrer un palmier agonisant
Puis dans mes bras,
j’ai reconnu ma mère.
Salah Al Hamdani - écrit en 2004 ("Poèmes de Bagdad", à paraître)
Abû-Nuwâs (né en 757, mort à Bagdad en 815), est un poète de Perse, ancien pays sur le territoire de l'actuel Irak. Ce passage autobiographique d'un de ses poèmes, explique sa réputation sulfureuse :
J'ai quitté les filles pour les garçons
et pour le vin vieux, j'ai laissé l'eau claire.
Loin du droit chemin, j'ai pris sans façon
celui du péché, car je le préfère.
J'ai coupé les rênes et sans remords
j'ai enlevé la bride avec le mors ...
Abû -Nuwâs ("Le vin, le vent, la vie"- éditions Actes Sud, 1998)
Autre poème d'Abû Nuwâs :
Laisse le vent du Sud disperser la poussière
des campements détruits par le malheur des temps !
Mais au rude chameau laisse un arpent de terre,
pour qu'il puisse trotter dessus tout son content!
Là ne poussent que l'acacia et l'arbre à soie
et l'hyène et le chacal sont gibier de misère.
Des Bédouins, n'attends pas d'agrément,
quel qu'il soit,
car leur vie est aride comme le désert.
Abû -Nuwâs ("Le vin, le vent, la vie"- éditions Actes Sud, 1998)