René Guy Cadou (1920-1951) avait écrit, comme une prémonition : "Je ne ferai jamais que quelques pas sur cette terre". À partir de 1943, Hélène Cadou, poète comme lui, l'accompagne pour ce court séjour. C'est pour elle qu'il écrit "Hélène ou le règne végétal", publié en février 1951 (Le poète est mort de maladie en mars de la même année, à 31 ans). On trouvera trois textes sur ce blog dans la catégorie POÉSIES PAR THÈME : l'école, et d'autres, dans diverses catégories pour la classe, dont celui-ci :
L'enfant précoce
Une lampe naquit sous la mer Un oiseau chanta Alors dans un village reculé Une petite fille se mit à écrire Pour elle seule Le plus beau poème Elle n'avait pas appris l'orthographe Elle dessinait dans le sable Des locomotives Et des wagons pleins de soleil Elle affrontait les arbres gauchement Avec des majuscules enlacées et des cœurs Elle ne disait rien de l'amour Pour ne pas mentir Et quand le soir descendait en elle Par ses joues Elle appelait son chien doucement Et disait « Et maintenant cherche ta vie ».
René-Guy Cadou ("Les amis d'enfance" - 1965)
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Sainte-Reine-de-Bretagne
Sainte-Reine de Bretagne En Brière où je suis né A se souvenir on gagne Du bonheur pour des années !
Est-ce toi qui me consoles Lente odeur des soirs de juin Le foin mûr des tournesols Le chant d'un oiseau lointain ?
C'est la pluie ancienne et molle Qui descend sur le jardin Et ma mère en robe blanche Un bouquet dans chaque main.
René-Guy Cadou ("Les amis d'enfance" - 1965)
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Parmi toutes mes roses
Parmi toutes mes roses
La plus rouge sera pour le mendiant
Qui boite plus bas que la route
La jaune sera pour un jockey
C'est la couleur des champs de courses
J'en donnerai une aussi à Marie
Qui pleure en cachette le dimanche
Mais la plus belle oh ! la plus belle
Je la réserve pour ma mère
Ma mère aimait tant les roses !
René-Guy Cadou ("Les amis d'enfance" - 1965)
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Un texte à la mémoire detoutes les femmes victimes des camps d'extermination :
Ravensbrück
À Ravensbrück en Allemagne On torture on brûle les femmes
On leur a coupé les cheveux Qui donnaient la lumière au monde
On les a couvertes de honte Mais leur amour vaut ce qu’il veut
La nuit le gel tombent sur elles La main qui porte son couteau
Elles voient des amis fidèles Cachés dans les plis d’un drapeau
Elles voient. Le bourreau qui veille A peur soudain de ces regards
Elles sont loin dans le soleil Et ont espoir en notre espoir.
René-Guy Cadou (écrit en 1943 (à vérifier) - "Poésie la vie entière" - 1965, et "La Résistance et ses poètes" - éditions Pierre Seghers, 1974)
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Je t'atteindrai* Hélène
Je t’atteindrai* Hélène A travers les prairies A travers les matins de gel et de lumière Sous la peau des vergers Dans la cage de pierre Où ton épaule fait son nid
Tu es de tous les jours L’inquiète la dormante. Sur mes yeux Tes deux mains sont des barques errantes A ce front transparent On reconnaît l’été Et lorsqu’il suffit de savoir ton passé Les herbes les gibiers les fleuves me répondent
Sans t’avoir jamais vue Je t’appelais déjà Chaque feuille en tombant Me rappelait ton pas La vague qui s’ouvrait Recréait ton visage Et tu étais l’auberge Aux portes des villages.
Je t’atteindrai* Hélène, et non "je t'attendrai". Ce contre-sens est assez répandu, y compris sur le blog, mais c'est rectifié ! René-Guy Cadou ("La vie rêvée" - 1944)
Maurice Carême, instituteur et poète belge (1899-1978) est
présent dans chaque cahier de poésie des élèves de France et de Navarre
(et de Belgique bien sûr), et ses textes se baladent un peu partout sur le blog. Explorez les catégories !
textes corrigés de leurs fautes de frappe
Fantaisie
L'homme habitait un quart de pomme ; La femme, un huitième de poire. Leur vieille cousine Opportune Vaquait dans une demi-prune. Il y avait monsieur Léon Qui débordait d'un gros citron Et sa sœur, madame Émérence, Qui emplissait toute une orange. Quant à moi, chétive fillette, Je tenais dans une noisette Et, comme je n'étais pas grosse, Il arrivait, les jours de fête, Que je m'y déplace en carrosse.
Maurice Carême
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Belle de jour ...
Belle de jour, belle de nuit Joue de velours, fleur de Paris, A glisser, patins étincellent ; Cœur, à roucouler s'enhardit Et devient un jour tourterelle. Est toujours belle qui sourit ... Et douce glisse la souris.
Maurice Carême ("L'oiseleur")
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L'écolière
Bon Dieu ! que de choses à faire !
Enlève tes souliers crottés,
Pends donc ton écharpe au vestiaire,
Lave tes mains pour le goûter,
Revois tes règles de grammaire.
Ton problème, est-il résolu ?
Et la carte de l'Angleterre,
Dis, quand la dessineras-tu ?
Aurai-je le temps de bercer
Un tout petit peu ma poupée,
De rêver, assise par terre,
Devant mes châteaux de nuées ?
Bon Dieu ! que de choses à faire !
Maurice Carême ("La grange bleue")
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Berceuse pour une rose
Dors petite rose Aux joues roses, dors. Des carabes d'or Bercent ton lit rose.
À son rouet d'or, Le grillon sommeille Et la blonde abeille Dans la treille, dort.
Si tu ne t'endors, La grosse araignée Pendue au fil d'or Va te dévorer.
Dors, rose aux joues rondes, Le monde s'endort Et l'oiseau des songes Ouvre son bec d'or.
Maurice Carême ("La lanterne magique")
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Tu es belle, ma mère
Tu es belle, ma mère,
Comme un pain de froment.
Et, dans tes yeux d'enfant,
Le monde tient à l'aise.
Ta chanson est pareille
Au bouleau argenté
Que le matin couronne
D'un murmure d'abeilles.
Tu sens bon la lavande,
La cannelle et le lait ;
Ton cœur candide et frais
Parfume la maison.
Et l'automne est si doux
Autour de tes cheveux
Que les derniers coucous
Viennent te dire adieu.
Maurice Carême ("Mère" - Editions Ouvrières)
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Pour ma mère
Il y a plus de fleurs, Pour ma mère, en mon cœur, Que dans tous les vergers ;
Plus de merles rieurs Pour ma mère, en mon cœur, Que dans le monde entier ;
Et bien plus de baisers Pour ma mère, en mon cœur Qu'on en pourrait donner.
Maurice Carême ("La lanterne magique" - Editions Ouvrières)
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Ronde
Dans cette ronde Entrez la blonde;
Entrez la brune Avec la lune;
Vous, la pluie douce, Avec la rousse;
Vous, la châtaine, Avec la plaine;
Vous, la plus belle, Avec le ciel.
J'y entre moi, Avec la joie.
Maurice Carême ("La lanterne magique" - Editions Ouvrières)
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La dînette
Patience, patience, poupées ! Je ne puis servir à la fois Des gâteaux et du chocolat. Comme vous, je n'ai que dix doigts. Vous ai-je si mal élevées Que vous ne puissiez demeurer Plus calmes que de petits rats ?
Patience, patience, poupées ! On dirait que voici des mois Que vous n'avez rien mangé. Hier, n'ai-je pas partagé Mon gros nougat avec vous trois ? Heureusement que notre chat Dédaigne cake et chocolat : Vous lui videriez son écuelle Derrière mon dos, péronnelles !
Maurice Carême ("Fleurs de Soleil" - Editions Ouvrières)
René CHAR (1907-1988) est un poète français marqué par le surréalisme. Il a été au centre du Printemps des Poètes 2007, "Lettera amorosa" pour son œuvre et le centenaire de sa naissance. Retrouvez plus d'éléments biographiques et d'autres textes, ici sur le blog : René Char.
Léonides
Es tu ma femme ? Ma femme faite pour atteindre la rencontre du présent. L'hypnose du phénix convoite ta jeunesse. La pierre des heures l'investit de son lierre. Es tu ma femme ? L'an du vent où guerroie un vieux nuage donne naissance à la rose, à la rose de violence. Ma femme faite pour atteindre la rencontre du présent. Le combat s'éloigne et nous laisse un cœur d'abeille sur nos terres, l'ombre éveillée, le pain naïf. La veillée file lentement vers l'immunité de la Fête. Ma femme faite pour atteindre la rencontre du présent.
François-René de Chateaubriand (1768-1848), est le plus grand écrivain romantique français, auteur connu des Mémoires d'outre-tombe, parmi une importante oeuvre littéraire. C'est aussi un homme politique et un poète, romantique évidemment.
Souvenir du pays de France
Combien j'ai douce souvenance Du joli lieu de ma naissance ! Ma soeur, qu'ils étaient beaux les jours De France ! O mon pays, sois mes amours Toujours !
Te souvient-il que notre mère, Au foyer de notre chaumière, Nous pressait sur son coeur joyeux, Ma chère ? Et nous baisions ses blancs cheveux Tous deux.
Ma soeur, te souvient-il encore Du château que baignait la Dore ; Et de cette tant vieille tour Du Maure, Où l'airain sonnait le retour Du jour ?
Te souvient-il du lac tranquille Qu'effleurait l'hirondelle agile, Du vent qui courbait le roseau Mobile, Et du soleil couchant sur l'eau, Si beau ?
Oh ! qui me rendra mon Hélène, Et ma montagne et le grand chêne ? Leur souvenir fait tous les jours Ma peine : Mon pays sera mes amours Toujours !
François-René de Chateaubriand ("Poésies diverses")
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Les tombeaux champêtres(strophe II complète)
II. À Lydie
Lydie, es-tu sincère ? Excuse mes alarmes : Tu t'embellis en accroissant mes feux ; Et le même moment qui t'apporte des charmes Ride mon front et blanchit mes cheveux.
Au matin de tes ans, de la foule chérie, Tout est pour toi joie, espérance, amour ; Et moi, vieux voyageur, sur ta route fleurie Je marche seul et vois finir le jour.
Ainsi qu'un doux rayon quand ton regard humide Pénètre au fond de mon coeur ranimé, J'ose à peine effleurer d'une lèvre timide De ton beau front le voile parfumé.
Tout à la fois honteux et fier de ton caprice, Sans croire en toi, je m'en laisse enivrer. J'adore tes attraits, mais je me rends justice : Je sens l'amour et ne puis l'inspirer.
Par quel enchantement ai-je pu te séduire ? N'aurais-tu point dans mon dernier soleil Cherché l'astre de feu qui sur moi semblait luire Quand de Sapho je chantais le réveil ?
Je n'ai point le talent qu'on encense au Parnasse. Eussé-je un temple au sommet d'Hélicon, Le talent ne rend point ce que le temps efface ; La gloire, hélas ! ne rajeunit qu'un nom.
Le Guerrier de Samos , le Berger d'Aphélie*, Mes fils ingrats, m'ont-ils ravi ta foi ? Ton admiration me blesse et m'humilie : Le croirais-tu ? je suis jaloux de moi.
Que m'importe de vivre au delà de ma vie ? Qu'importe un nom par la mort publié ? Pour moi-même un moment aime-moi, ma Lydie, Et que je sois à jamais oublié !
* deux oeuvres de l'auteur François-René de Chateaubriand ("Poésies diverses")
Jacques Charpentreau (né en 1928), est un poète français. Il
est l'auteur d'anthologies, aux éditions Ouvrières, qui ont fait
connaître beaucoup de poètes pour la jeunesse, et il a publié de
nombreux recueils. Quelques-unes de ses poésies sont présentes sur le
blog.
La réunion de famille
Ma tante Agathe Vient des Carpates À quatre pattes
Mon oncle André Vient de Niamey À cloche-pied
Mon frère Tchou Vient de Moscou Sur les genoux
Ma sœur Loulou Vient de Padoue À pas de loup
Grand-mère Ursule Vient d’Ashtabule Sur les rotules Grand-père Armand Vient de Ceylan En sautillant
Ma nièce Ada Vient de Java À petits pas
Mon neveu Jean Vient d’Abidjan Clopin-clopant
Oncle Firmin Vient de Pékin Sur les deux mains
Mais tante Henriette Vient à la fête En bicyclette
Jacques Charpentreau (dans son anthologie "La nouvelle Guirlande de Julie"- éditions Ouvrières,1976)
Avec les prénoms féminins :
En
s'inspirant du poème ci-dessus, associer des prénoms féminins ( ceux des filles de la classe par exemple) à des
noms de lieux (villes, pays) connus des élèves, à diverses activités ou
occupations, ou encore comme dans l'exemple 3, imaginer un texte sur un
thème (cadeaux, collections ...)
Exemple 1 : Mes projets de voyage
Je partirai au Sahara sur mon chameau* avec Emma Je visiterai l'Australie en kangourou avec Lucie, etc. * D'accord, il n'y a pas de chameaux au Sahara, ce sont des dromadaires , mais on peut imaginer ...
Exemple 2 : Le métier de mes amis
Noémie découpe les confettis Mariam tricote des bananes, etc.
Exemple 3 : Le Père Noël bizarre (c'est lui qui raconte)
J'ai cueilli des radis pour Annie des rideaux et des radeaux pour Anna
J'ai trouvé un pantin persan pour Marie un tapis percé pour Myriam.
J'ai acheté un lapin de Noël pour Isabelle un sapin de soleil pour Célia ...
Un texte pour servir de base à une création poétique :
Le laveur de carreaux
Suspendu comme une araignée
Au bout de son fil argenté
Le laveur de carreaux descend
Du haut de la tour. En passant,
Il dit bonjour aux habitants :
30 Le monsieur du trentième étage
Qui ne mange que du fromage.
29 Celui de l’étage au-dessous
Qui n'aime que la soupe aux choux.
28 Les gens qui viennent de Pluton
Et marchent les pieds au plafond
27 Le baryton de l’opéra
Qui se fait des oeufs sur le plat.
26 Ceux qui ont semé du gazon
Pour rendre plus gai leur béton.
25 Ceux qui élèvent des lapins
Sur l’herbe d’un salon de jardin.
24 Ceux qui ont mis dans leur baignoire
Un bébé phoque blanc et noir.
23 Le chat qui vit seul, noir et blanc,
(Il a dû louer l’appartement).
22 Le vieil Auvergnat à moustaches
Qui che regarde dans la glache.
21 Le militaire en permission
Qui compte ses décorations.
20 La foule du vingtième étage
C'est la réception d'un mariage.
19 La receveuse de la poste
Qui ne grignote que des toasts.
18 L’académicien nostalgique
Qui s'amuse au train électrique.
17 L'élève de Napoléon
Qui range ses soldats de plomb.
16 Le collectionneur de timbales
Qui joue du violon à pédales.
15 Un abbé qui fait du trapèze
Sur un bâton entre deux chaises.
14 L’amateur de scie musicale
Qui coupe l’Internationale
13 Le passionné d’exploration
Qui chasse le tigre au salon
12 Deux bustes de marbre au nez grec
Qui contemplent un jeu d’échecs.
11Un athlète en maillot de corps
Qui s'est allongé et qui dort .
10 La dame du dixième étage
Qui garde un sapajou en cage.
9 Plus bas une belle famille
Les parents et quatorze filles.
8 Des campeurs chantant à mi-voix
En rond autour d’un feu de bois
7 Un grand polytechnicien morne
Qui ne porte que son bicorne.
6 Un peu plus bas un éléphant
Prisonnier dans l’appartement.
5 Un couple se bat au cinquième
À coup de tartes à la crème.
4 La petite fille aux yeux bleus
Qui a les yeux verts quand il pleut.
3 La jeune fille du piano,
Qui se tricote un allegro.
2 La dentiste qui vient d’extraire
Une redoutable molaire.
1 Le petit garçon du premier
Qui fourre ses doigts dans son nez.
0 Tout est vide au rez-de-chaussée
La concierge est dans l’escalier.
On voit les secrets de la ville
Quand on descend au bout d’un fil.
Jacques Charpentreau ("La ville enchantée" - éditions de l'École, 1976)
Création poétique sur le thème du féminin à la manière de "Le Laveur de carreaux"
La structure répétitive de ce texte découpé en paires de vers rimés suscite des expériences intéressantes. Par exemple ici : http://alain.digiovanni.free.fr/print1.htm
On pourrait imaginer, en s'inspirant des strophes 19 - 10 - 9 - 4 - 3 - 0 (deux vers rimés), un immeuble avec des situations, des saynètes, pas toujours uniquement composées d'un ou plusieurs personnages féminins, mais dans lesquelles ces personnages féminins seraient les acteurs principaux (la grand-mère, la couturière, une maman et son bébé, divers métiers exercés par des femmes ...)
Dans son chaudron la sorcière Avait mis quatre vipères Quatre crapauds pustuleux Quatre poils de barbe-bleue Quatre rats, quatre souris Quatre cruches d’eau croupies Pour donner un peu de goût Elle ajouta quatre clous
Sur le feu pendant quatre heures Ça chauffait dans la vapeur Elle tourne sa tambouille Et touille et touille et ratatouille Quand on put passer à table Hélas c’était immangeable La sorcière par malheur Avait oublié le beurre
Jacques Charpentreau
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Dans son recueil "POÉSIE EN JEU", Jacques
Charpentreau propose différents types de textes poétiques. On trouvera
dans la catégorie PRINT POÈTES 2009 : L'HUMOUR des poètes, au paragraphe "JEUX", d'autres
amusements littéraires et poétiques de divers auteurs.
Voici un acrostiche pour une idée de création poétique au féminin :
Prénom
Je viens de perdre mon prénom Au bord d'une page nouvelle, Ce plaisantin, ce vagabond Qui se sauve quand je l'appelle. Un lecteur peut-il le chercher Et me dire où il s'est caché ? Saurez-vous me le retrouver ?
Jacques Charpentreau ("Poésie en jeu" - éditions Ouvrières, 1981)
Acrostiche féminin à la manière de "Prénom"
Le principe serait de décrire (qualités, défauts, caractère...) en vers rimés ou non, une élève de la classe, avec la contrainte de l'acrostiche : chaque lettre de son prénom est dans l'ordre, l'initiale d'un vers. Variante, utiliser les syllabes pour réduire la longueur du poème, l'écrire à l'envers, etc.
Exemple : Mon amie : Je la connais depuis longtemps / Un peu timide mais souriante / Le regard bleu, les cheveux blonds / Il faut que je vous la présente / Appellez-la par son prénom !
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La recherche
Certains la cherchent dans les airs Parmi les oiseaux des nuages, D'autres dans les fleurs du bocage Ou dans les algues de la mer. Ils s'en vont la chercher en Chine, Dans un temple ancien, à Pékin, Dans les pages d'un vieux bouquin, Dans les secrets d'une machine... Pourquoi remuer la planète ? Moi, comme je t'aime beaucoup, Dans les cheveux blonds de ton cou Je cherche la petite bête.
Jacques Charpentreau
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La fuyante
Vous me croyez douce et soumise Mais malgré vos yeux grands ouverts, Moi, je vous échappe à ma guise Et je joue la fille de l'air. Fille de l'air, enfant du songe, Je pars au gré de mon caprice, Sur une brise je m'allonge, Dans un courant d'air je me glisse. Quand je suis lasse, je repose Sur un blanc coussin de nuage, Avec le parfum de la rose Sur l'aile du vent je voyage.
Jacques Charpentreau ( "Poèmes pour peigner la girafe"- éditions Hachette, 1994)
Un caractère féminin
Choisir une qualité ou un défaut, un trait de caractère bien marqué à attribuer à une fille ou une femme, à la manière de "La fuyante". On peut se décrire soi-même (si on est une fille !) : la douce, la colérique, la paresseuse, l'étourdie, etc. Il s'agit de ne pas rester dans le description fidèle : comme dans le modèle, céder à l'exagération, s'éloigner du réel pour l'imaginaire, le fantastique.
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Le ciel de mon cœur
Le ciel est gris lorsque tu grondes : Tombe la pluie, souffle le vent, Et, dans un tourbillon, le monde Se courbe et fuit en m’emportant Au fond d’une forêt profonde Où mon coeur souffre en attendant Que s’apaise cet ouragan.
Le ciel est bleu quand ton sourire Brille comme un jour de printemps. Pas un nuage ne soupire, L’aubépine a mis drapeau blanc. Les oiseaux chantent pour te dire Qu’aujourd’hui mon coeur est content : Tu fais la pluie et le beau temps.
André Chénier, de son vrai nom André Marie de Chénier (1762-1794) est considéré comme le précurseur des Romantiques. Chénier a écrit ce texte en prison, peu de temps avant son jugement par le tribunal révolutionnaire et son exécution (il a été guillotiné. "La jeune captive" était comme lui détenue à la prison de Saint-Lazare, mais fût libérée. Elle s'exprime par sa plume (guillemets), mais le poète exprime aussi ses propres angoisses de condamné.
La jeune captive
" L'épi naissant mûrit de la faux respecté ; Sans crainte du pressoir, le pampre tout l'été Boit les doux présents de l'aurore ; Et moi, comme lui belle, et jeune comme lui, Quoi que l'heure présente ait de trouble et d'ennui, Je ne veux point mourir encore. Qu'un stoïque aux yeux secs vole embrasser la mort, Moi je pleure et j'espère ; au noir souffle du Nord Je plie et relève ma tête. S'il est des jours amers, il en est de si doux ! Hélas ! quel miel jamais n'a laissé de dégoûts ? Quelle mer n'a point de tempête ? L'illusion féconde habite dans mon sein. D'une prison sur moi les murs pèsent en vain. J'ai les ailes de l'espérance : Échappée aux réseaux de l'oiseleur cruel, Plus vive, plus heureuse, aux campagnes du ciel Philomène chante et s'élance. Est-ce à moi de mourir ? Tranquille je m'endors, Et tranquille je veille ; et ma veille aux remords Ni mon sommeil ne sont en proie. Ma bienvenue au jour me rit dans tous les yeux ; Sur des fronts abattus, mon aspect dans ces lieux Ranime presque de la joie. Mon beau voyage encore est si loin de sa fin ! Je pars, et des ormeaux qui bordent le chemin J'ai passé les premiers à peine, Au banquet de la vie à peine commencé, Un instant seulement mes lèvres ont pressé La coupe en mes mains encor pleine. Je ne suis qu'au printemps, je veux voir la moisson ; Et comme le soleil, de saison en saison, Je veux achever mon année. Brillante sur ma tige et l'honneur du jardin, Je n'ai vu luire encor que les feux du matin ; Je veux achever ma journée. Ô mort ! tu peux attendre ; éloigne, éloigne-toi ; Va consoler les cœurs que la honte, l'effroi, Le pâle désespoir dévore. Pour moi Palès encore a des asiles verts, Les Amours des baisers, les Muses des concerts. Je ne veux point mourir encore. " Ainsi, triste et captif, ma lyre toutefois S'éveillait, écoutant ces plaintes, cette voix, Ces vœux d'une jeune captive ; Et secouant le faix de mes jours languissants, Aux douces lois des vers je pliais les accents De sa bouche aimable et naïve. Ces chants, de ma prison témoins harmonieux, Feront à quelque amant des loisirs studieux Chercher quelle fut cette belle : La grâce décorait son front et ses discours, Et, comme elle, craindront de voir finir leurs jours Ceux qui les passeront près d'elle.
Chrestien (ou Chrétien) de Troyes, (1135-1185, dates approximatives) est un poète français, poète et auteur de romans de chevalerie.
La condition de la femme au Moyen-âge, les tisseuses de soie :
Complainte des tisseuses de soie
Il vit jusqu'à trois cents jeunes filles, Occupées à divers travaux. Elles travaillaient des fils d'or et de soie Chacune de son mieux, Mais dans une telle misère Que beaucoup étaient sans coiffe et sans ceinture... Leurs robes étaient déchirées, Et leurs chemises sales dans le dos. De faim et de mal elles avaient Cous grêles et visages pâles.
Nous tisserons toujours des étoffes de soie Et n'en serons jamais mieux vêtues. Toujours nous serons pauvres et nues Et toujours nous aurons faim et soif ; Jamais nous ne saurons gagner Assez pour avoir à manger. Nous avons du pain à grand-peine, Un peu le matin, moins le soir ; Car jamais du travail de ses mains, Chacune n'aura pour vivre Plus de quatre deniers à la livre. Avec cela nous ne pouvons pas Avoir assez de nourriture et d'étoffe ; Car qui gagne chaque semaine Vingt sols n'est pas hors de peine. Sachez-le bien : Il n'y a aucune de nous Qui gagne vingt sous ou davantage. Un duc serait riche avec cela ! Notre pauvreté est grande Et il est riche de notre misère Celui pour qui nous peinons. Nous veillons une grande partie de la nuit Et tout le jour pour avoir un gain ;
Mais que vous raconterai-je ? Nous avons tant de mal et de honte Que je ne puis vous en dire le cinquième.
Chrestien de Troyes
Un métier féminin à la manière de Chrestien de Troyes
On listera des métiers plutôt exercés par des femmes (de nombreuses activités professionnelles ne sont plus le "privilège" des hommes et à contrario des femmes): infirmière, sage-femme .. qu'on peut élargir à d'autres métiers autrefois féminins : couturière, fleuriste, et à des métiers qui jusqu'à récemment leur étaient interdits : routier, pilote d'avion, militaire, mécanicienne, astronaute ... A la première personne du singulier, dans un poème (rimes), une femme décrit le métier qu'elle exerce, dans ses difficultés et ses plaisirs, avec réalisme comme dans le texte du poète, ou avec humour. Variante : choisir un métier inhabituel (Présidente de la république française ...) ou totalement imaginaire ...
Georges-Emmanuel Clancier, né en 1914, est un écrivain romancier, poète, critique littéraire, journaliste (presse écrite et radio). Son grand roman en plusieurs tomes, Le pain noir (éditions
Robert Laffont, à partir de 1956), qui raconte l'histoire de sa famille
maternelle (on parlerait aujourd'hui d'une saga familiale), est son
œuvre la plus connue. D'autres textes de cet auteur sont ici sur le blog : PRINT POÈTES 2008 : L'AUTRE (France)
Juliette
Ces chemins de l'enfance qui nous mènent A des trésors à des amis à des domaines De sable et de ciel qui nous attendent, Je les devine avec l'aube de tes yeux, Je les caresse avec la fleur de tes doigts, Ma Juliette des prés des sources et des bois.
Jean Cocteau (1889-1963) auteur de théâtre, poète et cinéaste français, était aussi sculpteur, céramiste, peintre, dessinateur... Le théâtre lui doit en particulier La Machine infernale, Les Parents terribles, Antigone. image : livre "Choix de poèmes" - Gallimard, Folio junior poésie, 2004)
Le texte présentés ici n'est pas
représentatif de l'oeuvre poétique de Cocteau, à découvrir. Ils estt une illustration du travail sur la phonétique et les jeux de mots
dont on peut sinon s'inspirer, du moins s'amuser comme lui un peu ... au féminin
Odile
Odile rêve au bord de l'île, Lorsqu'un crocodile surgit; Odile a peur du crocodile Et, lui évitant un "ci-gît", Le crocodile croque Odile.
Caï raconte ce roman, Mais, sans doute, Caï l'invente Odile alors serait vivante Et, dans ce cas-là, Caï ment.
Un autre ami d'Odile, Alligue Pour faire croire à cette mort Se démène, paye et intrigue D'aucuns disent qu'Alligue à tort.
Jean Cocteau ("Le Potomak", 1919, 1924 et réédition Passage du Marais, 1999)