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29 avril 2007

"L'autre" - Jean-Pierre Develle

Autocritique        

Qu’est-ce qui ne va pas sur Terre?
C’est le chat dit la souris
C’est le lion dit la gazelle
C’est le loup dit l’agneau
C’est l’homme dit l’homme.

Jean-Pierre Develle


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29 avril 2007

"L'autre" - Paul Éluard

La biographie détaillée et des poèmes de Paul Éluard sont visibles sur le blog ici :
Des POÈTES et de la POÉSIE
en attendant d'autres textes, plus proches du thème.

... "Il y aurait un homme n’importe quel homme
Moi ou un autre
Sinon il n’y aurait rien."

(texte du poème plus bas)

Et un sourire

La nuit n'est jamais complète
Il y a toujours, puisque je le dis
Puisque je l'affirme
Au bout du chagrin
Une fenêtre ouverte
Une fenêtre éclairée
Il y a toujours un rêve qui veille
Désir à combler, faim à satisfaire
Un coeur généreux
Une main tendue, une main ouverte
Des yeux attentifs
Une vie, la vie à se partager.

Paul Éluard ("Le Phénix", éditions GLM, 1951 avec des dessins de Victor Hugo - éditions Seghers, 1954)


Bonne justice

C'est la douce loi des hommes
Du raisin ils font du vin
Du charbon ils font du feu
Des baisers ils font des hommes

C'est la dure loi des hommes
Se garder intact malgré
Les guerres et la misère
Malgré les dangers de mort

C'est la chaude loi des hommes
De changer l'eau en lumière
Le rêve en réalité
Et les ennemis en frères

Une loi vieille et nouvelle
Qui va se perfectionnant
Du fond du cœur de l'enfant
Jusqu'à la raison suprême.

Paul Éluard ("Pouvoir tout dire" - illustrations de Françoise Gilot, Éditions Raisons d'être, 1951)


Le miroir d'un moment

Il dissipe le jour,
Il montre aux hommes les images déliées de l'apparence,
Il enlève aux hommes la possibilité de se distraire.
Il est dur comme la pierre,
La pierre informe,
La pierre du mouvement et de la vue,
Et son éclat est tel que toutes les armures, tous les masques en sont faussés.
Ce que la main a pris dédaigne même de prendre la forme de la main,
Ce qui a été compris n'existe plus,
L'oiseau s'est confondu avec le vent,
Le ciel avec sa vérité,
L'homme avec sa réalité.

Paul Éluard ("Capitale de la douleur" - Éditions de la NRF, 1926 et Gallimard, diverses éditions, la dernière en 1995)


Monde ébloui,
Monde étourdi.

I

Toutes les femmes heureuses ont
Retrouvé leur mari - il revient du soleil
Tant il apporte de chaleur.
Il rit et dit bonjour tout doucement
Avant d'embrasser sa merveille.

II

Splendide, la poitrine cambrée légèrement,
Sainte ma femme, tu es à moi bien mieux qu'au temps
Où avec lui, et lui, et lui, et lui, et lui,
Je tenais un fusil, un bidon - notre vie!

III

Tous les camarades du monde,
O! mes amis!
Ne valent pas à ma table ronde
Ma femme et mes enfants assis,
O! mes amis!

IV

Après le combat dans la foule,
Tu t'endormais dans la foule.
Maintenant, tu n'auras qu'un souffle près de toi,
Et ta femme partageant ta couche
T'inquiétera bien plus que les mille autres bouches.

V

Mon enfant est capricieux -
Tous ces caprices sont faits.
J'ai un bel enfant coquet
Qui me fait rire et rire.

VI

Travaille.
Travail de mes dix doigts et travail de ma tête,
Travail de Dieu, travail de bête,
Ma vie et notre espoir de tous les jours,
La nourriture et notre amour.
Travaille.

VII

Ma belle, il nous faut voir fleurir
La rose blanche de ton lait.
Ma belle, il faut vite être mère,
Fais un enfant à mon image...

VIII

J'ai eu longtemps un visage inutile,
Mais maintenant
J'ai un visage pour être aimé,
J'ai un visage pour être heureux.

IX

Il me faut une amoureuse,
Une vierge amoureuse,
Une vierge à la robe légère.

X

Je rêve de toutes les belles
Qui se promènent dans la nuit,
Très calmes,
Avec la lune qui voyage.

XI

Toute la fleur des fruits éclaire mon jardin,
Les arbres de beauté et les arbres fruitiers.
Et je travaille et je suis seul dans mon jardin.
Et le soleil brûle en feu sombre sur mes mains.

Paul Éluard ("Poèmes pour la Paix" 1918)


Je te l'ai dit  (titre proposé) 

Je te l'ai dit pour les nuages
Je te l'ai dit pour l'arbre de la mer
Pour chaque vague, pour les oiseaux dans les feuilles
Pour les cailloux du bruit
Pour les mains familières
Pour l’œil qui devient visage ou paysage
Et le sommeil lui rend le ciel de sa couleur
Pour toute la nuit bue
Pour la grille des routes
Pour la fenêtre ouverte pour un front découvert
Je te l'ai dit pour tes pensées, pour tes paroles
Toute caresse, toute confiance se survivent

(pas de ponctuation) 
Paul Éluard ("L'amour la poésie" éditions Gallimard, 1929)


Ce texte difficile peut être adapté au niveau des élèves en ne proposant que certains passages (en couleur) :

Le droit le devoir de vivre

Il n’y aurait rien
Pas un insecte bourdonnant
Pas une feuille frissonnante
Pas un animal léchant ou hurlant
Rien de chaud rien de fleuri
Rien de givré de brillant rien d’odorant
Pas une ombre léchée par la fleur de l’été
Pas un arbre portant des fourrures de neige

Pas une joue fardée par un baiser joyeux
Pas une aile prudente ou hardie dans le vent
Pas un coin de chair fine pas un bras chantant
Rien de libre ni de gagner ni de gâcher
Ni de s’éparpiller ni de se réunir
Pour le bien pour le mal
Pas une nuit armée d’amour ou de repos
Pas une voix d’aplomb pas une bouche émue
Par un sein dévoilé pas une main ouverte
Pas de misère et pas de satiété
Rien d’opaque rien de visible
Rien de lourd rien de léger
Rien de mortel rein d’éternel

Il y aurait un homme n’importe quel homme
Moi ou un autre
Sinon il n’y aurait rien.

Paul Éluard ("Le livre ouvert" , 1938-1944 - éditions Poésie/Gallimard, 1974)


La terre est bleue

La terre est bleue comme une orange
Jamais une erreur les mots ne mentent pas
Ils ne vous donnent plus à chanter
Au tour des baisers de s'entendre
Les fous et les amours
Elle sa bouche d'alliance
Tous les secrets tous les sourires
Et quels vêtements d'indulgence
À la croire toute nue.
Les guêpes fleurissent vert
L'aube se passe autour du cou
Un collier de fenêtres
Des ailes couvrent les feuilles
Tu as toutes les joies solaires
Tout le soleil sur la terre
Sur les chemins de ta beauté.

Paul Éluard ("L'amour la poésie" éditions Gallimard, 1929)



29 avril 2007

"L'autre" - Pierre Emmanuel

Pierre Emmanuel (1916-1984) est un poète d'inspiration catholique. Il s'est engagé dans la Résistance : Jour de colère (1942), Combats avec tes défenseurs (1942), La liberté guide nos pas (1945). C'est l'un des plus importants poètes du XXe siècle.

Hymne de la Liberté (extrait)

...

Ô mes frères dans les prisons vous êtes libres
Libres les yeux brûlés les membres enchaînés
Le visage troué les lèvres mutilées
Vous êtes ces arbres violents et torturés
Qui croissent plus puissants parce qu'on les émonde
Et sur tout le pays d'humaine destinée
Votre regard d'hommes vrais est sans limites
Votre silence est la paix terrible de l' éther.(1)
Par-dessus les tyrans enroués de mutisme
Il y a la nef silencieuse de vos mains
Par-dessus l'ordre dérisoire des tyrans
Il y a l'ordre des nuées et des cieux vastes
Il y a la respiration des monts très bleus
Il y a les libres lointains de la prière
Il y a les larges fronts qui ne se courbent pas
Il y a les astres dans la liberté de leur essence
Il y a les immenses moissons du devenir
Il y a dans les tyrans une angoisse fatale
Qui est la liberté effroyable de Dieu.

(1) L'éther est ici synonyme de ciel ou de cieux.
Pierre Emmanuel ("Jour de colère" - 1942, publié en 1945 par les Éditions Charlot, Alger)


Voici la dernière strophe (le niveau de difficulté réserve sans doute ce texte au lycée) du beau poème Interrogatoire, où le thème de l'autre joue le "Je" de l'identité :

Interrogatoire (dernière strophe)

...

Homme debout telle une forêt d'hommes
Quand il dit Je chacun se nomme en lui
Sa frondaison bourgeonne de visages
Quêtant ses yeux pour s'y voir définis
Oui vraiment Je que nul moi n'incarcère
Centre parfait qui rayonne et s'oublie
Il a le temps d'être un dans tous ses frères
Et tout entier ici et maintenant
Foyer infime et raison de la sphère
Il est élu de l'éternel présent

Pierre Emmanuel ("Versant de l'Âge" - 1958 - Éditions du Seuil)


Les mots qui consolent ...
(texte à venir)

Les mots qui consolent
Pierre Emmanuel ("Chansons du dé à coudre" - 1948 - Éditions du Seuil)


L'étranger (titre proposé)

Écoute
Au tournant de la route
Ton pas te dépasser.
L'étranger qui est toi
Que te sert de l'attendre ?
Il est déjà passé.

Pierre Emmanuel ("Chansons du dé à coudre" - 1948 - Éditions du Seuil)


29 avril 2007

"L'autre" - Paul Fort

Les Ballades françaises de Paul Fort (1872-1960) sont éditées à partir de 1894, et jusqu'en 1958. Particularités : c'est sous ce seul titre qu'il continue à publier ensuite ses poèmes, aux vers disposés comme de la prose, et dont les textes occupent  40 tomes !
Le thème du poème suivant a inspiré une chanson (intitulée "Si tous les gars du monde"). D'autres poèmes de Paul Fort, souvent très connus, se promènent sur le blog (Le petit cheval, Le bonheur est dans le pré, La mer, La marine ...)

Georges Brassens a mis en musique (catégorie BRASSENS chante les poètes) Le petit cheval (titré La complainte du petit cheval blanc) et La marine.

La ronde autour du monde

Si toutes les filles du monde voulaient s'donner la main,
Tout autour de la mer elles pourraient faire une ronde.

Si tous les gars du monde voulaient bien êtr' marins,
Ils f'raient avec leurs barques un joli pont sur l'onde.

Alors on pourrait faire une ronde autour du monde,
Si tous les gens du monde voulaient s'donner la main.

Paul Fort (Ballades françaises T1 - 1897 - Flammarion)


 

29 avril 2007

Asie Occidentale - Moyen-Orient - Iran, Irak (et Perse)

Nîma Yushidj (1897-1959) est considéré en Iran comme le "père" de la poésie iranienne contemporaine (she'r è-now) , qualifié parfois de romantique ou de lyrique.

Les deux textes proposés ici sont empruntés au site : http://lettresperses.free.fr où on trouvera d'autres auteurs.

 

Nimâ (extrait, voir le texte intégral sur le site indiqué)

Sur cette sphère sans art ni lumière,
Nimâ est le nom d’un papillon solitaire
butinant les fleurs mélancoliques,
loin de la verdure du printemps,
au cœur d’un automne jauni de tristesse.
...

Nima Yushidj ("Une voix dans la nuit") - Traduction de Parviz Khazraï


La mort de l’alouette

Dans le calme de la forêt, comme hier,
chaque recoin annonce l’arrivée du matin
et le lierre en grimpant le madjar*
oublie ses chagrins.

L’air est frais, presque inerte, comme hier,
le zéphyr veut souffler, mais n’ose guère.
Sur un rocher de granit l’alouette est morte,
comme un dessin de rosée sur la pierre.

En vain ses yeux restent encore ouverts,
en vain la lumière se jette sur l’alouette :
c’est comme si ses rayons tombaient
sur un rocher.

Après le gosier, c’est le corps entier qui s’arrête.
Depuis des années, écho de son âme,
l’alouette se fond dans la tombe de ses chants.
L’air se souviendra de toutes ses aubades
à présent disparues dans l’oreille du temps.

On dirait que rien ne s’est passé dans l’univers,
le vieux noyer s’élance vers le ciel, comme hier.
Comme hier, une vigne étale
silencieusement ses branches sur une pierre.

* Le madjar est un arbre des forêts de Mâzandarân, au nord de l’Iran.
 Nima Yushidj ("Une voix dans la nuit") - Traduction de Parviz Khazraï


Omar Khayyâm Saadi Hafiz

"Firmament de métamorphoses
Où la raison se dépayse
La lumière se décompose
Omar Khayyâm Saadi Hafiz
Ô constellation des roses"

Louis Aragon (Pour le prologue de son recueil : Les poètes)

Omar Khayyâm (1048-1131) est un poète persan :

Cette roue sur laquelle nous tournons
est pareille à une lanterne magique.
Le soleil est la lampe;
Le monde l'écran ;
nous sommes les images qui passent.

Omar Khayyâm                    Texte en persan ci-dessous

texte_perse






Mocharrafoddin Sadi (ci-dessous)

Pour être juste avec lui, disons que Mocharrafoddin Sadi ou Mucharrif al-Dïn Sadi ou SaadiMuslah-al-Din Saadi ou Saadi, Musluh al-Din , ou plus simplement Saadi (1213-1291) sont les noms sous lesquels on connaît ce poète persan de langues arabe et persane.
Grand voyageur en Asie et en Afrique du Nord, il est l'auteur de maximes, de fables, et de poèmes lyriques, dans les deux langues.

"Saisis l’instant, sachant que chaque jour
de ton futur c'est un jour qui s’en va."
Saadi (nom de l'auteur en persan ci-dessous)
سعدی

Le flambeau (titre proposé)

Le savant dont les moeurs

sont déréglées ressemble à un aveugle
qui porte un flambeau
dont il éclaire les autres,
sans pouvoir s'éclairer lui-même.

Saadi


Le texte anglais de ce beau poème de Saadi ci-dessous est gravé à l'entrée de l'immeuble de l’ONU (Organisation des Nations Unies) à New York :

Of one Essence is the human race,
Thusly has Creation put the Base;
One Limb impacted is sufficient,
For all Others to feel the Mace.

Saadi (traduction en anglais d' Iraj Bashiri)

En voici la version française :

Les enfants d'Adam font partie d'un corps
Ils sont crées tous d'une même essence
Si une peine arrive à un membre du corps
Les autres aussi, perdent leur aisance
Si, pour la peine des autres, tu n'as pas de souffrance
Tu ne mériteras pas d'être dans ce corps

Saadi (traduction française de Mahshid Moshiri)

Texte original en persan (si votre ordinateur le permet) :
بنی آدم اعضای یک پیکرند، که در آفرينش ز یک گوهرند
چو عضوى به درد آورد روزگار، دگر عضوها را نماند قرار
تو کز محنت دیگران بی غمی، نشاید که نامت نهند آدمی

 


Salah Al Hamdani est né en 1951 à Bagdad. Exilé depuis 30 ans en France. il écrit en arabe et en français, des pièces de théâtre, des récits, des nouvelles et des poèmes (Bagdad mon amour, 2003 - Ce qu’il reste de lumière, 1999 -  Au large de Douleur, 2000 - Le Doute, 1992).

Seul le vieux tapis fleurissait le sol

La maison avait changé d’adresse
ma photo avait changé de place
la table avait été pliée derrière la porte
la chaise de mon père, aussi,
seul le vieux tapis fleurissait le sol

Je t’ai trouvée enfin
dans un jardin nu
avec ton grand châle noir
l’esprit en dérive
enfilée dans tes prières
l’âge cousu sur le visage

J’ai cru serrer un palmier agonisant
Puis dans mes bras,
j’ai reconnu ma mère.

Salah Al Hamdani - écrit en 2004 ("Poèmes de Bagdad", à paraître)


Abû-Nuwâs  (né en 757, mort à Bagdad en 815), est un poète de Perse, ancien pays sur le territoire de l'actuel Irak. Ce passage autobiographique d'un de ses poèmes, explique sa réputation sulfureuse :

J'ai quitté les filles pour les garçons
et pour le vin vieux, j'ai laissé l'eau claire.
Loin du droit chemin, j'ai pris sans façon
celui du péché, car je le préfère.
J'ai coupé les rênes et sans remords
j'ai enlevé la bride avec le mors ...                   


Abû -Nuwâs ("Le vin, le vent, la vie"- éditions Actes Sud, 1998)


Autre poème d'Abû Nuwâs :

Laisse le vent du Sud disperser la poussière

des campements détruits par le malheur des temps !
Mais au rude chameau laisse un arpent de terre,
pour qu'il puisse trotter dessus tout son content!
Là ne poussent que l'acacia et l'arbre à soie
et l'hyène et le chacal sont gibier de misère.
Des Bédouins, n'attends pas d'agrément,
quel qu'il soit,
car leur vie est aride comme le désert.

Abû -Nuwâs ("Le vin, le vent, la vie"- éditions Actes Sud, 1998)


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29 avril 2007

"L'autre" - André Frédérique

On trouve les textes d'André Frédérique (1915-1957), dans les anthologies d'humour (collection "Poésie 1- Vagabondages" par exemple). Disparu (volontairement) trop jeune, son humour est souvent noir. Ses recueils s'intitulent : Aigremorts (1947 - Gallimard),  Histoires blanches (1957 - Gallimard), Poésie sournoise (1957- Seghers).
La structure poétique de ce premier texte  choisi se prête à des exercices à la manière de ... (un exemple à cette adresse) .

Exercices de logique

Un homme qui serait mort mais qui ne serait pas né
Un homme qui naîtrait après sa mort
Un homme qui mourrait en naissant mais qui ne naîtrait pas en mourant
Un homme qui ne mourrait pas
Un homme qui naîtrait une fois sur deux
Un homme qui mourrait quelquefois
Un homme qui n'arrêterait pas de naître
Un homme qui ne finirait pas de mourir
Un homme qui naîtrait de sa belle mort
Un homme qui naîtrait au-dessous de la ceinture et qui mourrait au-dessus
Un homme qui ne serait ni né ni mort
Cet homme-là n'est pas encore né.

André Frédérique, ("Aigremorts" -1947)


Seconde classe

Dans le métro les gens sont tristes
derrière leurs lunettes
ceux qui ont des barbes mâchent le poil
ceux qui ont des journaux les dévorent
mais les vieilles femmes ont encore plus de peine
qui ne peuvent mâcher les barbes et
qui ne savent pas lire.

*découpage respecté
André Frédérique ("Aigremorts" -1947 ; cité dans la revue "Poésie 1", n°22 de février 1972)


La face

Il était laid avec ses deux bouches
Sous le nez sans cesse agitées
oui disait la droite non disait la gauche
et patati et patata
Il mit ses énormes moustaches
sur elles comme un drap*.

*majuscules et découpage respectés
André Frédérique ("Aigremorts" -1947 ; cité dans la revue "Poésie 1", n°22 de février 1972)


29 avril 2007

Asie - Proche-Orient - Israël

Yehuda Amichaï (1924-2000), en hébreu : יהודה עמיחי, est un poète juif israélien de langue hébraïque.
Il a écrit également des nouvelles et des pièces de théâtre. Ses œuvres ont été traduites dans une trentaine de langues.


Jérusalem                  ירושלים  = Jerusalem

Sur un toit de la Vieille Ville
une lessive dans l'ultime lumière du jour :                 יום = jour
le drap blanc d'une ennemie
la serviette avec laquelle mon ennemi
essuie la sueur de son front.

Dans le ciel de la Vieille Ville                        שמים = ciel
un cerf-volant.
Et au bout du fil,
un enfant                                                      ילד = enfant
que je ne peux voir
à cause du mur.                                               קיר = mur

Nous avons hissé beaucoup de drapeaux,
ils ont hissé beaucoup de drapeaux.
Pour nous faire croire qu'ils sont heureux.
Pour leur faire croire que nous sommes heureux.

Yehuda Amichaï ("Frôler la grâce" - 2000), traduit de l'hébreu par Michel Eckhard Elial.


29 avril 2007

Asie - Proche-Orient - Palestine

Palestine, pas encore état-nation, mais depuis si longtemps, trop, région du Proche-Orient aux contours incertains, tourmentés, revendiqués, inclus, exclus. Palestine, paradoxale Terre Sainte-terre d'affrontements.
La poésie de Palestine est à la fois poésie ancienne de toute la région, avant les découpages historiques, et poésie contemporaine de résistance et d'identité des "Territoires palestiniens".
On trouvera la poésie israélienne dans les textes qui précèdent.

" Lorsque nos joies brilleront dans les maisons anciennes
quels pays irons-nous visiter ? "

Racim al-Madhoun

Toi, moi et lui

Il n'y avait pas d'arbres dans son vocabulaire
pas de fleurs
Dans son vocabulaire, il n'y avait pas d'oiseaux
Il ne savait que ce qu'on lui avait appris
tuer les oiseaux d'abord
et il a tué les oiseaux
haïr la lune ensuite
et il a haï la lune
avoir un cœur de pierre
et il a eu un cœur de pierre
Et puis s'écrier :
« Vive n'importe quoi »
« À bas n'importe quoi »
« À mort n'importe quoi »

Il n'y avait pas d'arbre dans son vocabulaire
Dans son vocabulaire, il n'y avait pas
toi et moi
car il devait nous tuer
Il ne savait
que ce qu'on lui avait appris
nous tuer
toi et moi

Mou'in Bsissou


Exception

Tous parviennent à destination
le fleuve, le train
la voix, le navire
la lumière, les lettres
le télégramme de condoléances
l'invitation au dîner
la valise diplomatique
le vaisseau spatial
Tous parviennent à destination
sauf... mes pas vers mon pays


Si

Si Sisyphe avait réussi à monter le rocher
nous l'aurions oublié

Quel malheur pour Laïla
si Qaïs avait eu vraiment besoin de feu

Quel échec
pour al-Moutanabbi si Dieu avait comblé son désir d'être nommé gouverneur

Si Lear avait joui de toute sa raison
si Hamlet avait été plus décidé
si Othello avait échappé aux intrigues de Iago
si Juliette avait épousé Roméo
qu'aurions-nous pu faire de Shakespeare?

Ah si seulement
la vérité
pouvait avoir la force de la rumeur !

Mourid al-Barghouti (dans "La poésie palestinienne contemporaine" - choix des textes et traduction de Addellatif Laâbi - éditions Le temps des cerises et la Maison de la Poésie Rhône-Alpes, 2002)


Vision

Lorsque nos joies brilleront dans les maisons anciennes
quels pays irons-nous visiter ?
Nous retirerons nos tombes de la terre
et nous reviendrons aux anciennes maisons
nous allumerons pour l'éternité notre danse
nous appellerons nos aimés à se relever de la pénombre des tombes
et nous épellerons leurs noms
enfant après enfant

Racim al-Madhoun


Âme primitive

Deux fleurs sur la table
une pour toi, et la deuxième
pour le corbeau
Je n'étais pas une pierre dans le jardin
une étoile dans le ciel
ou une plume dans l'aile des nuages
J'étais une âme primitive telle la fumée
planant dans l'isolement des êtres
entrant comme des hantises dans le coeur
et l'œil
Je n'avais pas de terre
Ma présence était l'absence
J'ai toujours été le silence des fontaines
le murmure des pierres s'ouvrant à l'herbe
ou la révélation de la terre dévastée

Laisse moi donc
et ferme-moi comme n'importe quel livre

Deux fleurs sur la table
une pour toi
et la deuxième
pour le corbeau

Yousouf Abdelaziz



29 avril 2007

Asie - Chine - Liu Li ; Ai Qing

La reproduction du poème de Liu Li ci-dessous ainsi que l'image, appartiennent au site :image_po_me_temp_te
http://perso.orange.fr/yves.harrand/poemes_chinois.htm

où on trouvera d'autres textes.
Il est publié ici (et en particulier la calligraphie), sous condition d'autorisation* et avec les restrictions d'utilisation habituelles.

Tempête d'été >> calligraphie, cliquer pour agrandir

Le vent presse la pluie qui noie les hauts remparts,
Sous l'orage le sol bruit de cent gouttelettes,
La pluie s'en est allée, le Dragon, nulle part ?
Dans l'étang isolé coassent les rainettes.

Liu Li

* Les ayant-droit peuvent nous en demander la suppression.


Ce deuxième poème, du poète contemporain (1910-1996) chinois, Ai Qing  (dit Jiang Haicheng), n'est présenté qu'en version française.

J'aime cette terre

Même si j'étais un oiseau
avec mon gosier enroué je chanterais
cette terre fouettée par les tempêtes
ces fleuves où déferlent nos colères et nos peines
ce vent furieux qui n'en finit pas de souffler
et cette aube infiniment tendre venue de la forêt...
Enfin avec la mort
je laisserais mes plumes se décomposer dans la terre
Ah! pourquoi mes yeux sont-ils toujours embués de larmes
Parce que j'aime cette terre d'un amour très profond...

Ai Qing - 1938  (traduction : Zhang Yunsh)


Tu Fu (712 - 770) est un grand poète chinois de la dynastie des Tang. Il a produit près de 1500 poèmes.

Village près d'une rivière

Eau claire, méandres qui enserrent le village.
Longues jourbées d'été où tout est poésie.
Sans crainte vont et viennent les couples d'hirondelles ;
Les mouettes, les unes contre les autres, dans l'étang.
Ma vieille épouse dessine un échiquier sur papier.
Mon fils, pour pêcher, tord son hameçon d'une aiguille.
Souvent malade, je cherche les plantes qui guérissent :
Quoi d'autre peut-il désirer, mon humble corps ?

Tu Fu - 1938  (extrait de "L'Écriture poétique chinoise", de François Cheng)


29 avril 2007

Asie - Inde - Toukârâm

Toukârâm (1598-1650) est un poète indien. Il est à l'origine d'un mouvement spirituel.

La réponse au "qui suis-je ? "
tu ne la connais pas.

Toukârâm

Les heures précieuses s’en vont stériles :
Même au prix de richesses innombrables,
Tu ne saurais les racheter.

Toukârâm

Psaume

La coque du coco est dure :
la chair, un délice.

Pourquoi scruter le dehors
quand le pur est au-dedans ?

La peau du jaque* est rugueuse :
Quelle saveur au-dedans !

L'écorce de la canne est noire :
Quel suc exquis au-dedans !

Le goût d'un mets, c'est le sel au-dedans :
Il n'y a pas à chercher ailleurs.

La saveur fait le prix.
Qu'importe l'apparence ?

Toukârâm (Traduit par G. A. Deleury)  * Le jaque est le fruit comestible du jaquier.


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