Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité

lieu commun

1 mars 2008

Charles-Ferdinand RAMUZ - le féminin en poésie

Charles-Ferdinand Ramuz (1878-1947) est un romancier ("La grande peur dans la montagne", 1926) et poète suisse de langue française.

La bergère

Elle a un fouet et des mitaines
elle a un gros fichu de laine,
un bonnet rouge sur la tête,
et ses joues sont sous le bonnet
encore plus rouges qu'il n'est.

Charles-Ferdinand Ramuz ("Le petit village", Ch. Eggimann et Cie, 1903 et "Vers", éditions Mermod, 1946)

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

La vieille

Elle était déjà bien vieille
quand les vieux d’à présent étaient petits,
elle est d’un autre temps, elle est restée, et puis
elle s’est oubliée.

Elle est du temps passé où les femmes portaient
des coiffes de dentelles,
des fichus tout brodés, des jupes de milaine
avec beaucoup de plis.

Elle est du temps où on parlait encore patois,
où les gens allaient à la ville,
une fois par année, aux fêtes de la Dame ;
et, montant à la cathédrale
avec des graines dans leur poche,
ils faisaient le tour de la grosse cloche.

Elle est d'un temps si vieux qu'on ne s'en souvient plus.
Mais, elle, elle s'en souvient, elle ferme les yeux
pour mieux s'en souvenir ;
et elle est là, assise au soleil sans rien dire,
songeant à son passé, à ceux qui sont partis
et à sa solitude.

Charles-Ferdinand Ramuz ("Le petit village", Ch. Eggimann et Cie, 1903 et "Vers", éditions Mermod, 1946)



Publicité
1 mars 2008

Pierre REVERDY - féminin en poésie

Pierre Reverdy (1889-1910) n'est pas à ranger dans les poètes surréalistes. Était-il, pour avoir fréquenté Picasso, un "poète cubiste", comme on l'a dit ? Il a en tous cas inspiré des peintres, Henri Matisse et donc Pablo Picasso, et des écrivains et poètes tels que Louis Aragon, André Breton et Paul Éluard.

La repasseuse

Autrefois ses mains faisaient des taches roses sur le linge éclatant qu’elle repassait. Mais dans la boutique où le poêle est trop rouge son sang s’est peu à peu évaporé. Elle devient de plus en plus blanche et dans la vapeur qui monte on la distingue à peine au milieu des vagues luisantes des dentelles.
Ses cheveux blonds forment dans l’air des boucles de rayons et le fer continue sa route en soulevant du linge des nuages – et autour de la table son âme qui résiste encore, son âme de repasseuse court et plie le linge en fredonnant une chanson – sans que personne y prenne garde.
 

Pierre Reverdy ("Plupart du temps Poèmes" - 1915-1922, éditions Flammarion)



1 mars 2008

Pierre DE RONSARD - le féminin en poésie

Pierre DE RONSARD (1524-1585) a fondé avec Joachim du Bellay le groupe de sept poètes appelé "La Pléïade".

Bonjour mon coeur, bonjour ...

Bonjour mon coeur, bonjour ma douce vie.
Bonjour mon oeil, bonjour ma chère amie,
Hé ! bonjour ma toute belle,
Ma mignardise, bonjour,
Mes délices, mon amour,
Mon doux printemps, ma douce fleur nouvelle,
Mon doux plaisir, ma douce colombelle,
Mon passereau, ma gente tourterelle,
Bonjour, ma douce rebelle.

Hé ! faudra-t-il que quelqu'un me reproche
Que j'aie vers toi le coeur plus dur que roche
De t'avoir laissée, maîtresse,
Pour aller suivre le Roi,
Mendiant je ne sais quoi
Que le vulgaire appelle une largesse ?
Plutôt périsse honneur, court, et richesse,
Que pour les biens jamais je te relaisse,
Ma douce et belle déesse.

Pierre de Ronsard ("Le Second Livre des Amours", 1555)

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Comme on voit sur la branche au mois de Mai la rose

Comme on voit sur la branche au mois de Mai la rose
En sa belle jeunesse, en sa première fleur
Rendre le ciel jaloux de sa vive couleur,
Quand l’Aube de ses pleurs au point du jour l’arrose :

La grâce dans sa feuille, et l’amour se repose,
Embaumant les jardins et les arbres d’odeur :
Mais battue ou de pluie, ou d’excessive ardeur,
Languissante elle meurt feuille à feuille déclose :

Ainsi en ta première et jeune nouveauté,
Quand la terre et le ciel honoraient ta beauté,
La Parque t’a tuée, et cendre tu reposes.

Pour obsèques reçois mes larmes et mes pleurs,
Ce vase plein de lait, ce panier plein de fleurs,
Afin que vif, et mort, ton corps ne soit que roses.

Pierre de Ronsard ("Sur la mort de Marie", 1578)

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Te regardant assise ...

Te regardant assise auprès de ta cousine,
Belle comme une Aurore, et toi comme un Soleil,
Je pensai voir deux fleurs d'un même teint pareil,
Croissantes en beauté, l'une à l'autre voisine.

La chaste, sainte, belle et unique Angevine,
Vite comme un éclair sur moi jeta son oeil.
Toi, comme paresseuse et pleine de sommeil,
D'un seul petit regard tu ne m'estimas digne.

Tu t'entretenais seule au visage abaissé,
Pensive toute à toi, n'aimant rien que toi-même,
Dédaignant un chacun d'un sourcil ramassé.

Comme une qui ne veut qu'on la cherche ou qu'on l'aime.
J'eus peur de ton silence et m'en ahai tout blërne,
Craignant que mon salut n'eût ton oeil offensé.

Pierre de Ronsard ("Sonnets pour Hélène", 1578)



1 mars 2008

Maurice ROLLINAT - le féminin en poésie

Maurice Rollinat (1846-1903) est un poète français.

Sait-on que le poème connu qui suit se trouve dans un recueil des plus sombres de Maurice Rollinat, "Les névroses". Il s'agit ici d'un animal à qui le poète prête des sentiments humains, ceux d'une mère :

La biche

La biche brame au clair de lune
Et pleure à se fondre les yeux :
Son petit faon délicieux
A disparu dans la nuit brune.

Pour raconter son infortune
À la forêt de ses aïeux,
La biche brame au clair de lune
Et pleure à se fondre les yeux.

Mais aucune réponse, aucune,
A ses longs appels anxieux !
Et le cou tendu vers les cieux,
Folle d'amour et de rancune,
La biche brame au clair de lune.

Maurice Rollinat ("Les Refuges" - recueil "Les Névroses", 1883)

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Du recueil "Paysages et Paysans", quelques portraits féminins dans les paysages Berrichons de la fin du XIXe siècle où a vécu l'auteur une partie de sa vie.

La partie en italique de ce poème n'est en général pas proposée :

La rieuse 

Ses rires grands ouverts qui si crânement mordent
Sur le fond taciturne et murmurant des prés,
Sont métalliques, frais, liquides, susurrés,
Aux pépiements d’oiseaux ressemblent et s’accordent.

Excités par la danse, ils se gonflent, débordent
En cascades de cris tumultueux, serrés,
De hoquets glougloutants, fous et démesurés,
Qui la virent, la plient, la soulèvent, la tordent.

      On la surnomme la Rieuse.
      La santé la fait si joyeuse
Qu’elle vit sa pensée en ses beaux yeux ardents ;

      Son âme chante tout entière
      Dans sa musique coutumière,
Sur le robuste émail de ses trente-deux dents.

— "Est-elle heureuse ! » — mais, la triste expérience
      Vous chuchote sa méfiance :
      « Ici-bas, tout bonheur est court.
      Le ver, comme disent les vieilles,
      Couve aux pommes les plus vermeilles.
      Tôt ou tard, elle aura son tour
      Dans la tristesse. Quelque jour,
      Elle ira, funèbre et chagrine,
      Au long des bois, au bord de l’eau.
      Alors, ce sera le sanglot
      Qui contractera sa poitrine.
      Au lieu de leurs pimpants vacarmes,
      Sur ses lèvres viendront croupir
      Le silence du long soupir,
      Le sel âcre et brûlant des larmes.
      Car, ainsi va notre destin :
      L’illusion flambe et s’éteint.
      Après l’innocence ravie
      Le Mal enlacé du remord !
      Et l’épouvante de la mort
      Après l’ivresse de la vie !"

Maurice Rollinat ("Paysages et paysans", 1898) 

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

La veuve 

Hélas oui ! longtemps, son malheur
Lui fut prédit par ses alarmes.
Mais, par ce temps ensorceleur
De bruine dans la chaleur,
Elle pose un peu sa douleur
Comme un soldat pose ses armes.
De l’azur moite il pleut des charmes !
L’arc-en-ciel étend ses couleurs
Sur la molle extase des fleurs,
De l’eau, des frênes, et des charmes.
Et, tendrement, aux longs vacarmes
Des oiseaux plaintifs et siffleurs,
La veuve sourit dans les pleurs
Au soleil qui luit dans les larmes.
 

Maurice Rollinat ("Paysages et paysans", 1898) 

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

La mendiante 

Bissac vide, et pas un petit sou dans les poches,
La mendiante, au soir, traîne un pas de crapaud,
Comme un fantôme lent sous son mauvais capot
Que, de chaque côté, vont tirochant ses mioches.

Et puis, tout s’enténèbre. Elle tremble effarée ;
Ses petits, s’envasant, s’accrochent à ses bras,
Et, dans l’obscur opaque, au sein du limon gras,
L’horreur suprême étreint la famille égarée.

Soudain, l’ombre s’entr’ouvre aux glissantes lueurs
De la lune. La mère a souri dans ses pleurs
       Au bon astre livide et jaune...

Et dit : « Personn’ n’ nous fut pitoyable aujourd’hui !
C’est p’têt’ pour ça q’ la lun’, dans l’ si noir de la nuit,
       D’un bout d’ clarté nous fait l’aumône.
 

Maurice Rollinat ("Paysages et paysans", 1898) 

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

La baigneuse 

Le temps chauffe, ardent, radieux ;
        Le sol brûle comme une tôle
        Dans un four. Nul oiseau ne piaule,
        Tout l’air vibre silencieux...
Si bien que la bergère a confié son rôle
    À son chien noir aussi bon qu’il est vieux.

        Posant son tricot et sa gaule,
        Elle ôte, à mouvements frileux,
        Robe, chemise, et longs bas bleus :
        Sa nudité sort de sa geôle.
Tout d’abord, devant l’onde aux chatoiements vitreux
        Elle garde un maintien peureux,
        Mais enfin, la chaleur l’enjôle,
        Elle fait un pas et puis deux...
        Mais si l’endroit est hasardeux ?
        Si l’eau verte que son pied frôle
Allait soudainement lui dépasser l’épaule ?
Mieux vaut se rhabiller ! mais avant, sous un saule,
        D’un air confus et curieux,
        Elle se regarde à pleins yeux
        Dans ce miroir mouvant et drôle.

Sur le fond taciturne et murmurant des prés,
Sont métalliques, frais, liquides, susurrés,
Aux pépiements d’oiseaux ressemblent et s’accordent. 

Maurice Rollinat ("Paysages et paysans", 1898)  

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

L'aveugle

L’humble vieille qui se désole
       Dit, gémissant chaque parole :
       « Contr’ le sort j’ n’ai plus d’ résistance.
       Que l’ bon Dieu m’appell’ donc à lui !
       La tomb’ s’ra jamais que d’ la nuit
       Ni plus ni moins q’ mon existence.

Mais la fille s’écrie, essuyant une larme :
Parlez pas d’ ça ! J’ vas dire un’ bell’ complaint’ d’aut’fois, »
Et, quenouille à la taille, un fuseau dans les doigts,
Exhale de son cœur la musique du charme.

La vieille aveugle, assise au seuil de sa chaumière,
Écoute avidement la bergère chanter,
Au son de cette voix semblant les enchanter
On dirait que ses yeux retrouvent la lumière.

Tour à tour elle rit, parle, soupire et pleure,
Étend ses maigres doigts d’un geste de désir
Vers quelque objet pensé qu’elle ne peut saisir,
Ou, comme extasiée, immobile demeure.

Et, lorsque la bergère a fini sa chanson,
Elle lui dit : "Merci ! tu m’as rendu l’ frisson,
       La couleur, et l’ bruit du feuillage,

Tu m’as fait r’voir l’eau claire et l’ beau soleil luisant,
Mon enfanc’, ma jeuness’, mes amours ! À présent
       J’ peux ben faire le grand voyage
."

Maurice Rollinat ("Paysages et paysans", 1898) 

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

La meunière 

La meunière, une forte et rougeaude jeunesse,
Chantait dans sa charrette en piquant son bardeau ;
Tout à coup, l’animal quittant son pas lourdaud,
Partit brusque ! il venait de sentir une ânesse.

Celle-ci, l’ayant vu du fond du brouillard pâle,
D’un long cri de désir hélait le bourriquot
Lequel hâtait sa course en ébranlant l’écho
D’un grand hi-han tout plein de sa vigueur de mâle.

Jointe, ce fut l’éclair ! Entre ses pieds roidis
Il lui serra les flancs et l’eut toute ! Et, tandis
Qu’allaient se consommant ces amours bucoliques,

Renversée en arrière, avec un œil fripon,
La meunière, à deux mains rabattant son jupon,
Riait, jambes en l’air sur les limons obliques
. 

Maurice Rollinat ("Paysages et paysans", 1898) 

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

La petite sœur (passages)

En gardant ses douze cochons
Ainsi que leur mère qui grogne,
Et du groin laboure, cogne,
Derrière ses fils folichons,

La sœurette, bonne d’enfant,
Porte à deux bras son petit frère
Qu’elle s’ingénie à distraire,
Tendre, avec un soin émouvant.

C’est l’automne : le ciel reluit.
Au long des marais de la brande
Elle va, pas beaucoup plus grande,
Ni guère plus grosse que lui.

...

Sa chevelure jaune blé
Gazant son œil bleu qui l’étoile,
Contre le soleil fait un voile,
Au baby frais et potelé.

Ils sont là, parmi les roseaux,
Dans la Nature verte et rousse,
Au même titre que la mousse,
Les insectes et les oiseaux :

Aussi poétiques à l’œil,
Vénérables à la pensée !
Double âme autant qu’eux dispensée
De l’ennui, du mal et du deuil !

Par instants, un petit cochon,
Sous son poil dur et blanc qui brille,
Tout rosâtre, la queue en vrille,
Vient vers eux d’un air drôlichon.

Il s’en approche, curieux,
Les lorgne comme deux merveilles,
Et repart, ses longues oreilles
Tapotant sur ses petits yeux.

Et puis, c’est un lézard glissant,
Ou leur chienne désaccroupie,
Éternuant, tout ébaubie,
Pendant son grattage plaisant.

...

Au souffle du vent caresseur
Chacun fait son bruit monotone :
Ce qu’elle dit — ce qu’il chantonne :
Même vague et même douceur !

Entre des vols de papillons
Leur murmure plein d’indolence
S’harmonise dans le silence
Avec la chanson des grillons.

...

Elle est fatiguée, elle a faim.
Elle va comme une machine,
Renversant un peu son échine
Sous ce poids trop lourd à la fin.

L’enfant recommence à crier :
Sa sœur met sa force dernière
À le porter — taille en arrière
Que toujours plus on voit plier.

... 

Maurice Rollinat ("Paysages et paysans", 1898)



1 mars 2008

Jacques ROUBAUD - le féminin en poésie

Jacques Roubaud (né en 1932), est un mathématicien-poète (ou poète-mathématicien ?), membre actif de l'OULIPO depuis 1966.
Sur l'OULIPO, voir la rubrique Raymond Queneau  et d'autres poèmes de J Roubaud ici : 
PRINT POÈTES 2010 : LE FÉMININ EN POÉSIE.
La poésie de Jacques Roubaud, très inventive,  obéit à certaines contraintes qui placent la plupart des productions en dehors du champ de l'élémentaire et du collège, mais sans doute pas ce poème :

Rues Madame et Monsieur

Il allait un jour par la rue Madame
Un jour elle allait par la rue Monsieur
Dans la rue Madame y a du macadam
Il n'y en a pas moins dans la rue Monsieur.

Il marchait heureux dans la rue Madame
Calme elle passait dans la rue Monsieur
Un beau jour sans drame dans la rue Madame
Un jour délicieux dans la rue Monsieur.

On peut voir le ciel sur la rue Madame
Sur la rue Monsieur on peut voir les cieux
Les chats sont tous gris dans la rue Madame
Dans la rue Monsieur tous les chats sont vieux.

Jamais ell' n'alla par la rue Madame
Jamais il n'alla par la rue Monsieur
Leurs yeux jamais ne s'lancèrent de flammes
Leurs bouches jamais n'échangèrent de vœux

Après tout cela vaut peut-être mieux.

Il s'en est allé par la rue Madame
Ell' s'en est allée par la rue Monsieur
Dans la rue Madame y a du macadam
Il n'y en a pas moins dans la rue Monsieur.

Jacques Roubaud ("La forme d'une ville change plus vite, hélas, que le coeur des humains" - Gallimard, 1999)



Publicité
1 mars 2008

JEAN ROUSSELOT - le féminin en poésie

Jean Rousselot (1913-2004) a publié, à partir de 1934 de très nombreux recueils de poésie et des anthologies pour la collection "Poètes d'Aujourd'hui" de Pierre Seghers. Il est également l'auteur d'un Dictionnaire de la Poésie Française contemporaine (en 1962) et d'une Histoire de la poésie française en 1976.
On trouvera dans la catégorie hiver, un joli texte sur la neige et d'autres textes ici : PRINT POÈTES 2009 : L'HUMOUR des poètes.

La vie dure

À peine les cosmonautes
Eurent-ils repris leur vol
Que la vieille au fagot
Sortit de sa cachette
Et se remit à marcher sur la lune.
    

Jean Rousselot ("Le spectacle continue" - éditions La Bartavelle, 1992)



1 mars 2008

Claude ROY - le féminin en poésie

Claude Roy (1915-1997), poète français, est au rendez-vous des catégories pour la classe (Le chat blanc - Chevaux : trois ; oiseau : un - J'ai trouvé dans mes cheveux - Les corridors où dort Anne qu'on adore - Le soleil dit bonjour), et d'autres dans la catégorie PRINT POÈTES 2009 : L'HUMOUR des poètes

L'excès des petits noms d'amitié

"Mon petit chat,
mon gros minet,
mon doux mouton, mon chatounet".
disait la mère à son bébé
dans l'excès des diminutifs.

Il ne faut pas trop s'étonner :
enfant d'un amour excessif
le petit se mit à miauler
et la maman à ronronner.

Claude Roy

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Les corridors où dort Anne qu'on adore

        La petite Anne, quand elle dort,
Où s'en va-t-elle ?
Est-elle dedans, est-elle dehors,
Et que fait-elle ?

Pendant la récré du sommeil,
À pas de loup,
Entre la Terre et le soleil,
Anne est partout.

Les pieds nus et à tire-d'aile
Anne va faire
Les quatre cent coups dans le ciel
Anne s'affaire.

La petite Anne, quand elle dort,
Qui donc est-elle ?
Qui dort ? Qui court par-dessus bord ?
Une autre, et elle.

L'autre dort et a des ailes,
Anne dans son lit, Anne dans le ciel.

Claude Roy

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Ce poème a été inspiré à Claude Roy par une jeune nageuse qui dormait sur la plage :

Dormante

Toi ma dormeuse mon ombreuse ma rêveuse
Ma gisante aux pieds nus sur le sable mouillé
Toi ma songeuse mon heureuse ma nageuse
Ma lointaine aux yeux clos mon sommeillant œillet

Distraite comme nuage et fraîche comme la pluie
Trompeuse comme l’eau légère comme vent
Toi ma berceuse mon souci mon jour ma nuit
Toi que j’attends toi qui te perds et me surprends

La vague en chuchotant glisse dans ton sommeil
Te flaire et vient lécher tes jambes étonnées
Ton corps abandonné respire le soleil
Couleur de tes cheveux ruisselants et dénoués

Mon oublieuse ma paresseuse ma dormeuse
Toi qui me trompes avec le vent avec la mer
Avec le sable et le matin ma capricieuse
Ma brûlante aux bras frais mon étoile légère

Je t’attends je t’attends je guette ton retour
Et le premier regard où je vois émerger
Eurydice aux pieds nus à la clarté du jour
Dans cette enfant qui dort sur la plage allongée.

Claude Roy ("Clair comme le jour", 1943)



 

1 mars 2008

Albert SAMAIN - le féminin en poésie

Albert Samain (1858-1900) est un poète symboliste.

La dame de printemps

 

Ses longs cheveux d’aurore ogivant son front lisse,
la dame de printemps, en un songe éternel,
au bord du lac où sonnent les cors d’Avenel
mire les fleurs de sa robe de haute lisse.

 

Parmi l’avril épars, et les tièdes délices,
limpide, elle sourit à l’azur fraternel.
Ses yeux ont la couleur du lac originel,
et son corps se balance au rythme des calices.

 

L’étendard bleu frissonne au vent sur les tourelles :
or le doux mal qui chante au coeur des tourterelles
en son coeur berce un rêve ineffable à saisir.

 

C’est la langueur d’aimer qui brame sur la berge,
et de ses longues mains, elle flatte, la vierge,
à ses pieds allongé son tigre, le désir.

Albert Samain 1858-1900 ("Le Chariot d’or")



1 mars 2008

Georges SCHÉHADÉ - le féminin en poésie

Georges Schehadé (1910-1989) est un poète libanais d'expression française.

raconteDans la pièce dramatique autour de l'histoire de Vasco de Gama, l'auteur met en scène Marguerite, une jeune fille, qui raconte, endormie, le rêve qu'elle est en train de faire à son père :

Le rêve de Marguerite 

"J'avance merveilleuse et abandonnée
En protégeant mes pas
Comme si j'étais noisette au corps léger.
L'ombre ici est une seconde lumière
Qui double tout ce que je vois
Ainsi l'ombre de la rose est une rose plus
légère.
Voici que le jour me quitte en me laissant
Ses mains et ses pas de violettes
Dans un jardin.
L'eau n'a pas de bruit.
Et je serais morte de faim dans ce lieu de
lumière
N'était la mangeoire d'un cheval
Pleine de bleuet et de pain"
. 

georges Shéhadé ("Histoire de Vasco*" - éditions Gallimard, 1957)   -  * Vasco de Gama.



1 mars 2008

Léopold SÉDAR SENGHOR - le féminin en poésie

Léopold SÉDAR SENGHOR (1906-2001) est un poète, écrivain et homme politique sénégalais. Élu en 1960 président de la République du Sénégal, il dirige ce pays pendant 20 ans.
source Wikipédia : Sa poésie essentiellement symboliste, fondée sur le chant de la parole incantatoire, est construite sur l'espoir de créer une Civilisation de l'Universel, fédérant les traditions par-delà leurs différences."

Par ailleurs il approfondira le concept de négritude, notion introduite par Aimé Césaire, en la définissant ainsi : "La Négritude est la simple reconnaissance du fait d’être noir, et l’acceptation de ce fait, de notre destin de Noir, de notre histoire et de notre culture".

Femme noire

Femme nue, femme noire
Vêtue de ta couleur qui est vie, de ta forme qui est beauté
J'ai grandi à ton ombre ; la douceur de tes mains bandait mes yeux
Et voilà qu'au coeur de l'Été et de Midi,
Je te découvre, Terre promise, du haut d'un haut col calciné
Et ta beauté me foudroie en plein coeur, comme l'éclair d'un aigle

Femme nue, femme obscure
Fruit mûr à la chair ferme, sombres extases du vin noir, bouche qui fais lyrique ma bouche
Savane aux horizons purs, savane qui frémis aux caresses ferventes du Vent d'Est
Tamtam sculpté, tamtam tendu qui gronde sous les doigts du vainqueur
Ta voix grave de contralto est le chant spirituel de l'Aimée.

Femme noire, femme obscure
Huile que ne ride nul souffle, huile calme aux flancs de l'athlète, aux flancs des princes du Mali
Gazelle aux attaches célestes, les perles sont étoiles sur la nuit de ta peau.

Délices des jeux de l'Esprit, les reflets de l'or rongent ta peau qui se moire.

Á l'ombre de ta chevelure, s'éclaire mon angoisse aux soleils prochains de tes yeux.

Femme nue, femme noire
Je chante ta beauté qui passe, forme que je fixe dans l'Éternel
Avant que le destin jaloux ne te réduise en cendres pour nourrir les racines de la vie.

Léopold Sédar Senghor ("Chants d'Ombre - Éditions du Seuil, 1945)



Publicité
Publicité